vendredi 27 mars 2009

Noir Express : "Corses toujours" (C. C. X) par Alain Pecunia, Chapitre 27

Chapitre 27





Quand le vol d’Air France AF7569 atterrit à Orly à dix-sept heures quinze, le lundi 8, le commandant Cavalier fut surpris qu’une voiture ait été envoyée par le grand patron pour le conduire immédiatement rue des Saussaies. Surtout qu’il n’avait téléphoné l’horaire de son vol qu’à sa femme.
Il se félicita que le commissaire Antoine et Lenoir eussent pris le premier vol. Mais il ne se faisait pas d’illusion sur leur séjour incognito sur l’île.
Il fut encore plus surpris d’apprendre par le commissaire qui était venu le chercher que le sous-directeur Tomasini avait été prié de prendre sa retraite le matin même. Mais sans que son interlocuteur ne lui en apprenne plus à ce sujet.
Pierre Cavalier se sentit dans ses petits souliers quand il pénétra dans le bureau du grand patron.
Dès que celui-ci l’eut accueilli en disant : « Cavalier, vous êtes vraiment un veinard ! », il comprit qu’il ne serait pas au bout de ses surprises.
Un grand patron, où que ce soit, c’est toujours fort occupé. Donc l’exposé fut succinct mais clair.
Ahuri, Cavalier apprit que le piège qui devait se refermer sur le divisionnaire Leprot se serait également refermé sur lui-même.
Qu’il n’était pas prévu, contrairement au dire de Bellou – mais celui-là avait joué le rôle de l’idiot utile manipulé par Tomasini et avait appris sa nouvelle affectation ce matin même – que le divisionnaire survive au massacre. Et que lui, le commandant Cavalier, en eût porté le chapeau.
Le sous-directeur Tomasini, qui devait son ascension à Pierre-Marie de Laneureuville, avait conçu le projet de se débarrasser à la fois de son « bienfaiteur » et de Cavalier.
Pour tirer les ficelles des basses œuvres de la République à la place de Laneureuville et mettre la main sur les laboratoires Crindos. Et c’est pour ce faire qu’il devait compromettre Cavalier.
– Excusez-moi, monsieur le directeur, mais, là, je ne comprends pas, intervint le commandant.
Le grand patron eut un léger sourire. Il semblait boire du petit-lait.
– Mon cher Cavalier, vous ignorez que Laneureuville détient trente pour cent de Crindos. La famille Crindos lui sert de prête-nom. Et il n’attendait que la mort de votre grand-père pour être seul maître à bord…
– Mon grand-père ?
– Oui, j’ai le regret de vous apprendre que votre grand-père est décédé le 25 novembre. Mais la nouvelle de son décès n’a pas été rendue publique. Volontairement. Mais, bien sûr, Laneureuville et Tomasini l’avaient appris, chacun de leur côté. Et le but de la manœuvre de Tomasini était de vous empêcher d’en hériter…
– Je ne comprends toujours pas, monsieur le directeur…
– Mon cher Cavalier, votre grand-père a fait de vous son légataire universel.
Pierre Cavalier était abasourdi.
– Oui, je sais, il était ce qu’il était, reprit le directeur. Mais il a vu en vous son digne successeur et vous a confié cet instrument utile à certaines choses délicates, si je puis m’exprimer ainsi.
– Mais je ne connaissais pas mon grand-père, je ne me souviens même pas de l’avoir jamais vu…
– Nous reparlerons, si vous voulez bien, plus tard de ce qu’ont pu être ses motivations. Je vous laisse d’abord vous habituer à cette nouvelle mission. Nous aurons, de toute façon, l’occasion de nous voir souvent. D’ailleurs, je pense que les coups fourrés seront moins nombreux avec vous. Et puis ne vous inquiétez pas trop de Laneureuville, il fera profil bas un certain temps…
– Mais mes fonctions ici, monsieur le directeur ?
– Il n’y a rien de changé. Vous êtes toujours le commandant Cavalier attaché à la section des affaires délicates. Ce sera votre couverture et les deux se conjuguent heureusement… À part ça, comment avez-vous trouvé votre tante ? Étonnante, cette Jeanne Collieri, non ? Et ses amies, de vieilles dames indignes !
Pierre Cavalier acquiesça niaisement.
Le directeur rit franchement et le prit par l’épaule.
– J’ai encore une confidence à vous faire. Ne m’en voulez pas. Mais Jeanne Collieri est une vieille connaissance de la famille. Mon père était le chef de son réseau. Votre tante a agi selon mes instructions. C’est une imaginative et elle a toujours eu l’art de l’improvisation dans les situations les plus inextricables. Avouez quand même qu’elle vous a tiré d’un sacré pétrin et vous a empêché de faire des conneries avec votre ami Antoine et Bellou…


© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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