lundi 9 mars 2009

Noir Express : "Corses toujours" (C. C. X) par Alain Pecunia, Chapitre 15

Chapitre 15






Pierre Cavalier et René Bellou furent de retour à l’appartement de Jeanne Collieri vers vingt-deux heures quinze.
Les « renforts » étaient attendus pour le lendemain matin.
Le commissaire des Stups Antoine arriverait par le vol d’Air France de onze heures quinze et Gilbert Lenoir par celui de quatorze heures vingt.
Antoine, vieux routier de quarante-sept ans, avait réagi au quart de tour quand Cavalier lui avait annoncé qu’il avait besoin de lui. Au ton de la voix de son ami, Antoine avait tout de suite compris qu’il s’agissait de choses sérieuses.
Par ses indics, il avait d’ailleurs sa petite idée depuis quelque temps sur ce qui se tramait en Corse.
– Il faut trier le bon grain de l’ivraie, lui avait dit Cavalier.
C’était le genre de chose qu’aimait faire – ou croyait faire – le commissaire Antoine.
– Sans toi, nous n’y arriverons pas, avait ajouté le commandant.
Antoine était une grande gueule, mais, quand on avait besoin de lui, il ne se défilait jamais. C’était sa réputation et il y tenait.
Mais il détestait les nationalistes de tout poil – même les non-terroristes. D’ailleurs, ce serait le principal problème avec lui. Lui apprendre à faire le distinguo entre les « bons » et les « mauvais » nationalistes.
Cavalier avait fait la leçon à René Bellou pour qu’il marche sur des œufs avec Antoine sur ce sujet. Et surtout qu’il n’aille pas se vanter auprès de lui de sa collaboration avec les « bons » terroristes, même repentis. Antoine, il était totalement incapable de comprendre ce genre de choses. Mais, lorsqu’on lui demandait un coup de main, il le rendait sans poser de question s’il avait confiance en celui qui le lui demandait.
– Alors, tu me le gardes en confiance et tu fais en sorte qu’il ne se pose pas de questions, avait conclu Cavalier.
En ce qui concerne le lieutenant Gilbert Lenoir, un des hommes d’Antoine, il n’y avait pas eu de problème non plus. Mais, jeune flic de vingt-cinq ans, il n’était pas encore tout à fait déniaisé sur la réalité du travail de policier,
– Il viendra. Tu n’as pas besoin de lui demander toi-même. Je m’en charge. Il est sous mes ordres et il a intérêt à m’obéir, ce petit con ! avait dit affectueusement le commissaire.
Cavalier aurait malgré tout préféré avoir l’intéressé en personne au téléphone.
Mais Antoine l’amènerait, c’est sûr.
Les deux vols différents étaient une simple procédure de sécurité et chacun d’eux aurait le numéro d’immatriculation du taxi – le même pour les deux fois – qui les attendrait à l’aéroport d’Ajaccio et les conduirait directement à l’appartement de Jeanne Collieri.
Dès l’arrivée de leurs renforts, Cavalier et Bellou savaient que les choses iraient en s’accélérant.
Un déplacement du commissaire Antoine en Corse, ça ne passerait pas inaperçu.
René Bellou avait mis ses hommes sûrs – quelques fonctionnaires de police et ses contacts corses – en état d’alerte.
Le lieutenant de gendarmerie, un Bordelais, répondait toujours présent.
Les deux flics des RG finirent par s’endormir vers deux heures du matin après avoir établi diverses hypothèses de « travail ». L’une haute : tout marchait comme prévu. Une basse : c’était la cata et les « bons » nationalistes les aidaient à prendre le maquis. L’horreur rien que d’y penser pour des flics. Mais, heureusement, il restait toute la palette des hypothèses intermédiaires.
– De toute façon, avait dit Bellou fataliste en s’allongeant sur le matelas posé à même le sol dans la chambre qu’occupait Pierre Cavalier, ça ne se passe jamais comme prévu…



© Alain Pecunia, 2009.
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