jeudi 5 mars 2009

Noir Express : "Corses toujours" (C. C. X) par Alain Pecunia, Chapitre 11

Chapitre 11





À midi et quart, le commissaire des RG sonna à la porte de l’appartement.
Aux deuxièmes whiskies, l’un et l’autre surent qu’ils étaient dans le même « bon » camp. Ce qui constituait une grande avancée.
L’évocation de quelques faits divers anciens et récents survenus dans le pays de Retz avait suffi à lever tout malentendu. Leur opinion partagée sur les agissements de Pierre-Marie de Laneureuville fit le reste.
Pierre Cavalier n’évoqua pas pour autant sa mission, même si, aux yeux du commissaire, il était évident que trop d’événements se succédaient depuis l’arrivée du commandant à Ajaccio pour qu’il soit là en simple touriste. Le Nantais semblait d’ailleurs s’en amuser.
Mais, quand le commissaire lui dit, sur le ton de la conversation badine : « Au fait, vous avez su pour Jean Peligrini ? », Cavalier se rétracta dans sa coquille.
– Ne faites pas cette tête-là, mon vieux ! lança le commandant en souriant. C’était un des hommes de mon prédécesseur et je l’avais chargé de veiller sur vous dès votre descente d’avion.
Cavalier leva un sourcil interrogateur.
– Mais il n’a pas su se protéger lui-même. Dommage. D’ailleurs, c’est vous qui étiez visé ce jour-là. Mais l’adversaire a agi dans la précipitation et il y a eu de la confusion… Tant mieux pour vous, non ?… Vous deviez d’ailleurs vous en douter un peu... Ensuite, nous avons attendu que vous veniez récupérer vos affaires dans votre chambre pour intervenir et faire le nettoyage. Eh oui, mon vieux, vous avez le droit à la protection absolue ! Votre mission est prioritaire… N’empêche, vous avez eu la bonne réaction sur le coup.
Pierre Cavalier était littéralement soufflé.
– En ce qui concerne l’accident de votre cousine, poursuivit le commissaire satisfait de l’effet produit par ses révélations, nous n’avons pas identifié le conducteur du 4 x 4. En ce qui concerne celui de la voiture « suiveuse » – c’était une Toyota –, nous avons notre petite idée. Par contre, celui qui a téléphoné pour attirer votre cousine dans le guet-apens et était le passager de la voiture « suiveuse », nous l’avons parfaitement identifié, mais, pour l’instant, il s’est perdu dans la nature. Il est arrivé lundi par le vol d’Air France de vingt heures dix. C’est un tueur, celui-là. Avec de grosses protections. Jean Fernandi, ça vous dit quelque chose ?
– Je connais, dit Cavalier en choisissant de ne pas s’étendre sur le personnage et en maudissant Philippe-Henri de l’avoir introduit dans le cercle familial
*. Vu le contexte, d’ailleurs, je m’inquiète pour ma cousine. Je crains qu’elle ne soit pas en sécurité à l’hôpital.
– Ne vous inquiétez pas pour ça. Avec le lieutenant de gendarmerie chargé de l’enquête sur l’accident, nous avons organisé une surveillance jour et nuit. Elle a deux anges gardiens en ce moment… Au fait, j’aimerais bien manger un bout avant d’aborder les choses sérieuses.
– Ici, c’est polenta aux châtaignes et charcuterie corse. Mais ma tante a fait cuire un rôti de marcassin hier soir, auquel nous n’avons pas touché. Si ça vous dit ?
– La charcuterie, ça ira pour moi.
Les deux flics se rendirent dans la cuisine.
– Au fait, je m’appelle René Bellou, dit le commissaire tandis que Cavalier se lançait dans l’exploration des placards. On pourrait d’ailleurs se tutoyer puisque nous sommes dans la même galère.
Cavalier finit par dénicher du prisuttu, du lonzu et de la coppa qu’il déposa dans un plat unique sur la table avec une bouteille entamée de vin de Figari.
– Et cette histoire d’assassinat de Chichi, dit le commandant en servant le vin, c’est quoi exactement ?
* Voir Pleurez, petites filles...


© Alain Pecunia, 2009.
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