mardi 18 septembre 2007

Noir Express : Salon du livre de Beaumesnil, Alain Pecunia

Le dimanche 23 septembre se tiendra le salon du livre de Beaumesnil (Eure), de 11 heures à 18 heures, au château de Beaumesnil précisément.
J'y dédicacerai mes bouquins en compagnie d'autres auteurs.
Le salon est organisé par l'association Artsetlettres.
Alors, si vous vous trouvez dans les parages, soyez les bienvenus.
Il fera beau, le parc est charmant et le château reste visitable durant le salon...

lundi 10 septembre 2007

Noir Express : Nouvel extrait de "La petite fille sans nom" par Alain Pecunia

Ce nouvel extrait est constitué par le poème final qui clôt le conte.
Ce poème a eu une histoire singulière car, une amie dramaturge l'ayant lu dans une MJC, il fit le tour de celles-ci au début des années 1980 de façon anonyme, ce qui est un beau succès pour un poème.
Etait-il mérité et le mériterait-il toujours ?

Ô rêve
Etoile qui jalonne ma route
Où je vais titubant
Tantôt te perdant
Tantôt te redécouvrant au détour
Sans cesse me relevant
Mon visage tourné vers toi
Où me mènes-tu
Croyant suivre ma propre route
En cheminant dans ta direction
N’es-tu que chimère
Ou ne suis-je qu’insensé
Me troubles-tu
Ou m’aveuglé-je seul
Puisque mille et mille barrières
Se dressent vertigineux à-pics
Me faisant traverser mille et mille traverses
Chaque fois croyant m’approcher
Chaque fois m’éloignant
Et pourtant cheminant après toi
Rêve étoilé
Pays des rêves
Où nul jamais ne titube
Ni ne s’égare ni ne doute
Où quiconque se tient face aux cieux
Sans terreur aucune
Ni ne plie l’échine
Où nul ne saurait blesser
Ni être blessé
Où quelque enfant ne saurait désespérer
Ni son visage se plisser
Où toute joie ne serait que pur cristal
Et larme rosée des prés à la vêprée



Ô mon pays des rêves
Pour lequel je vais titubant
Sous les frimas et les rafales
Tanguant sur les plaines
Me desséchant dans les déserts
Frissonnant dans l’obscur des forêts
Me désaltérant tantôt au mille sources de la vie
Puis tombant en désespérants vertiges
Mon doux pays
Terre promise de ma tribu
Plainte gémissante d’espoir
Espérance sans cesse rejetée
Vers laquelle je chemine en sa compagnie
Existes-tu
Chimère tu es
Insensé suis-je
Folle la tribu de tant de douleur et d’espérance



Et pourtant tu es en vérité
Puisque des hommes
Se dressant et marchant
Te veulent et te fondent
Par la force même de leur rêve
Et grande est ma tribu
Et royal ce chemin
Puisqu’ils savent avoir foi en eux
Et ô mon doux rêve
Jamais je ne pourrai me désespérer un long temps
Tant qu’un homme saura se dresser face aux cieux
Droit et fier
Par le seul fait de n’être qu’un homme
Et de savoir l’être
Car sans cesse les hommes sauront se relever
Reprenant ton chemin
Pays des rêves
Autant qu’un seul d’entre eux
Se souviendra que le bonheur est d’ici-bas
Que la justice est ici et maintenant
Qu’un cœur ne peut être encagé
Que l’esprit vole par-delà les montagnes
Que quiconque est une personne
Que tout être appelle en soi la dignité et le respect
Car les puissants n’ont de puissance
Qu’en leurs tromperies et violences
En notre ignorance et aveuglement
Les États et les royaumes se fondent sur le mépris et
l’arrogance
Quiconque opprime et domine est hors la loi
La liberté sans cesse sera à conquérir
L’égalité et la dignité à défendre pied à pied
Et que lorsque le pays des rêves sera atteint
Toute tribu oubliant cette loi retomberait en esclavage



Et pour cela le chemin est à poursuivre
Ne serait-ce que pour toi
Petite fille blottie contre mon épaule
Cœur résonnant contre le mien
Corps fiévreux et plein de sève
Innocence dont le nom est vie
Écoutant
Tantôt avec joie
Tantôt avec effroi
L’histoire que je vais te contant
Pour que tu oublies ta faim et tes frayeurs
À la poursuite de ce pays des rêves où je te mène
Toi, moi et notre tribu

© Alain Pecunia, 2007.
Tous droits réservés.

Noir Express : Extrait de "La petite fille sans nom" par Alain Pecunia

Cet extrait, un "mini-conte" à l'intérieur du conte, est une "trace" que la pièce de Federico Garcia Lorca El maleficio de la mariposa a laissée en moi lorsque je dévorais avidement tout son théâtre dans ma cellule de la prison de Madrid.
…Invente-moi une histoire… Je n’en sais plus, petite fille sans nom… Si, si, encore une, s’il te plaît… Saurai-je encore inventer une seule histoire ?… Encore une… Même si c’est une histoire triste, petite fille aux grands yeux noirs ?… C’est toujours une histoire. Les histoires tristes pour les grandes personnes ne sont pas toujours tristes pour les petits enfants… Alors, écoute bien, ma petite fille. Et ne t’endors pas pour cette histoire-ci… Il était une fois, il y a très, très longtemps, une terre peuplée uniquement d’escargots… C’est pas possible… Dans les histoires, tout est toujours possible. Donc, cette terre était peuplée uniquement d’escargots, de toutes tailles et de toutes couleurs. Les plus nombreux n’étaient pas très beaux, ils étaient tout petits et tout gris, tout gris comme un mauvais ciel de pluie. Ils étaient les plus nombreux et les mieux organisés. Ils vivaient sans histoire… Il n’y avait pas de petits enfants ?… Si, il y avait des petits enfants escargots… Les gros escargots devaient les écraser alors ; s’ils étaient tout petits et tout gris, ils ne devaient pas les voir… Oui, ça devait arriver… Mais c’était pas de leur faute s’ils ne les voyaient pas ?… Non, ce n’était pas de leur faute. Donc, un jour, sur cette terre où ne vivaient que des escargots, apparut une jolie libellule qui dansait au-dessus des herbes et virevoltait autour des arbres. Tout occupé qu’il était à ses propres affaires, le peuple des escargots n’y prêtait guère attention. Qu’avait-il à faire, d’ailleurs, d’une libellule ? Et puis, lui qui était tout gris, il était un peu jaloux de ses belles teintes vertes et rouges. Mais un jeune escargot dressait ses cornes et levait sans cesse la tête quand elle venait à passer au-dessus de lui. Il la trouvait très belle. Bientôt il se mit à l’attendre. Parfois elle volait tout le jour au-dessus de lui. D’autres fois, il l’attendait longtemps et même plusieurs jours. Le petit escargot était donc tantôt très heureux et tantôt très malheureux. Il en vint même à ne plus se mêler aux jeux des autres petits escargots, il délaissait ses amis et prenait à peine le temps de manger. On le traitait de sot et de fou. Avait-on jamais vu un escargot amoureux d’une libellule ! Avait-on idée de ne pas vivre tout simplement comme devait vivre un petit escargot gris depuis qu’il y avait un peuple d’escargots ! L’herbe était tendre et il y avait même de très bonnes salades sauvages…Un jour, le petit escargot eut idée de monter au plus grand arbre pour mieux attendre sa jolie libellule. Elle fut toute surprise de le trouver là. Elle lui demanda ce qu’il faisait, lui, petit escargot, en haut d’un arbre. « Je vous attendais », lui dit-il timidement. « Moi ? » fit-elle tout étonnée et amusée à la fois. « Oui, parce que vous êtes très belle. » La libellule eut un petit rire et dit : « C’est vrai, que je suis très belle ? » Personne ne le lui avait jamais dit et elle était très heureuse, mais elle ne le montra pas trop. « Moi, je suis tout gris », dit tristement le petit escargot. « Mais tu es très gentil, lui répondit la libellule. Veux-tu être mon ami ? Je n’ai pas d’amis, et la vie est bien triste sans amis », dit-elle, elle aussi avec tristesse. « Oh oui ! je serai votre ami le plus fidèle », déclara le petit escargot tout heureux. Et le petit escargot gris prit l’habitude de monter à son arbre et d’y attendre son amie qui venait le plus souvent possible. Parfois ils se parlaient tout le jour. D’autres fois ils se taisaient tout le jour. « Ce n’est vraiment pas là chose sérieuse », commentait le peuple des escargots. « Quel fou ! » ajoutaient certains. Les parents escargots commençaient de s’inquiéter ; beaucoup de jeunes escargots dressaient leurs cornes et levaient la tête pour chercher eux aussi une jolie libellule qui deviendrait leur amie. Certains montaient même aux arbres pour attendre. Ils travaillaient moins et rêvaient beaucoup. « L’escargot doit vivre sa vie d’escargot, disaient les vieux escargots. Cessez de rêver et travaillez ! » Mais les jeunes escargots les écoutaient de moins en moins. Et même quelques vieux escargots se demandaient si, après tout, ils avaient jamais vraiment été heureux de leur vie d’escargots gris. Peut-être qu’une autre vie plus heureuse existait. Et ils écoutaient les rêves des jeunes escargots qui leur rappelaient d’anciens rêves. Le conseil des vieux escargots décida qu’une telle situation ne pouvait s’éterniser, il fallait y mettre fin sans plus attendre. Si chacun se mettait à rêver, ce serait le désordre, qui était déjà grand à leurs yeux, et les lois qui empêchaient de rêver seraient bafouées ! Ils décidèrent d’agir promptement. Un soir que le petit escargot gris descendait de son arbre fort tard, tout heureux de ces mille et une étoiles qui enluminaient le ciel et prolongeaient son rêve, ils firent rouler sur lui une grosse pierre qui l’écrasa. Les vieux escargots dirent qu’un gros escargot avait dû écraser le petit escargot gris. « Quelle idée de rentrer si tard ! Voilà où conduisent les rêves insensés. » La jolie libellule revint le matin suivant, puis un autre jour encore, et un autre jour. Elle cherchait son ami et ne le trouvait point. Un soir, toute triste, elle partit et décida de quitter cette terre des escargots. « Vous voyez bien, dirent les vieux escargots, il n’y a plus de libellule, ce n’était qu’un rêve ! » Et tout rentra dans l’ordre des vieux escargots. Mais le soleil avait de plus en plus de mal à se lever. Un jour, il ne se leva plus du tout, la lune tomba et la terre des escargots se mit à tourbillonner sur elle-même comme une toupie. Ailleurs, sur une autre Terre, on remarqua qu’une étoile avait disparu du ciel. Mais c’est là chose qui arrive… Ils étaient méchants, les vieux escargots… Non, petite fille, ils étaient surtout très bêtes. Ils avaient toujours eu peur de leurs rêves…


© Alain Pecunia, 2007.
Tous droits réservés.

Noir Express : Extrait (Introduction) de "La petite fille sans nom" par Alain Pecunia

Depuis combien de temps les tribus errent-elles, de colline en colline, de vallée en vallée, de désert en désert, de montagne en montagne, de fleuve en fleuve… ? Combien de générations se sont-elles succédé telles les vagues des océans, parcourant les vastitudes, battant et piétinant inlassablement aux portes de la vie, puis retombant, une à une, recouvertes par les suivantes – limon fertile – depuis l’aube des temps ? De cité perdue en cité céleste, de royaumes en nations, d’États en empires, les tribus se sont donné des lois, ont édifié, à leur gloire, des temples, ont adoré des dieux ou des idoles, se sont prosternées devant les puissants, se sont tues ou révoltées devant le glaive, s’entr’étripant sous tous prétextes, sous tous les masques possibles – pour s’assurer la nourriture, le territoire, conquérir la puissance, la gloire, ou fonder la justice, semant la haine, le désespoir et la misère, quelques fois une lueur d’espérance, sans cesse des tribus renaissant les hordes barbares, sans cesse la destruction et la mort – et sans cesse le rêve rejaillissant de la source que l’on croyait tarie sur cette terre brûlée habitée par les hommes.
Et tous ces hommes, pourtant, n’ont tenté tout simplement qu’une chose, à la fois la plus majestueuse et la plus malaisée : vivre. – Et les tribus.
Aujourd’hui je suis moi-même le membre errant d’une tribu errante. Et ma tribu est – tout autant – une tribu de ces passés ou de l’avenir. Et moi, homme de chair du présent, un de ces hommes d’hier ou de demain, semblant infiniment perdu parmi ces myriades d’êtres étranges tantôt faibles et tantôt grands, s’affermissant sur deux membres face aux cieux – termitière sans fin creusant ses galeries à travers les méandres des âges pour les uns, symphonie à nulle autre comparable de la vie pour d’autres dont j’ai essayé d’être ; individu émergeant du commencement des temps pour sombrer presque aussitôt, bientôt, dans cet espace qui n’aura de fin que celle du dernier des représentants de mon espèce, comme la fourmi sera fourmi tant qu’une seule fourmi cheminera cahin-caha, portant l’espoir de son espèce ; recouvert par ce long mugissement des océans, disparaissant chaque jour un peu plus, et irrémédiablement, dans cet incommensurable cortège s’effilochant dans la longue légende des siècles ; devenant, confondu avec mes semblables, à la fois l’acteur aux multiples corps et âmes et la matière de cette légende.
Mais avant de retourner d’où il vient, de prendre sa place dans cette cohorte légendaire, chaque membre de ce cortège sans fin, quelle que soit sa tribu et quel que soit le temps de celle-ci, a un devoir sacré, qu’il ne peut éluder sans peine de se damner – car il est autant sinon plus un devoir envers soi-même qu’envers autrui. Celui de dire ce qu’il sait, en vérité. Sans plus. À la mesure de ses moyens.
Devoir que je veux remplir à cette heure, car, malgré tout, bien que sans cesse devant remonter la pente où mon rocher me fait rouler, quels que soient les crimes des uns et grâce aux amours des autres, je tire fierté d’avoir appartenu à cette singulière espèce dont les individus savent parfois défier les cieux et chasser les ténèbres pour dévoiler leur soleil – Titans des légendes venus un jour sur cette Terre et y restant définitivement, volontairement, jusqu’au dernier d’entre eux.
Ce devoir ultime, je le dois autant à ceux qui ont passé ici depuis l’aube de nos temps, comme à ceux des temps à venir, qu’à moi-même.


C’est la Loi de l’espèce humaine :
« Toi qui es venu à la vie, qui as essayé de vivre, dis ce que tu sais.
« Ceux qui t’ont précédé t’ont transmis ce qu’ils savaient et t’ont aidé à trouver ton chemin.
« Car il ne saurait y avoir de plus noble tâche que d’apprendre à vivre, de transmettre le rêve de l’homme, dans la désespérance ou la folie enseigner l’espoir et l’amour. Dans le combat, chaque jour recommencé, de l’intelligence du cœur et de l’esprit contre l’ignorance et l’injustice. »


© Alain Pecunia, 2007.
Tous droits réservés.

Noir Express : "La petite fille sans nom - Légende de ma tribu", conte philosophique par Alain Pecunia

Pour ce retour de vacances, voici un texte particulier téléchargeable gratuitement sur lulu.com.
Ce conte philosophique ou humaniste est particulièrement destiné aux adolescents ou aux adultes ayant su sauvegarder l'esprit d'enfance qui était en eux.
Pour le résumer, je reprendrai ces propos d'un haut dignitaire maya du VIIe siècle, que l'ethnologue Jacques Soustelle avait mis en exergue à son célèbre ouvrage "Les Quatre Soleils" (de mémoire !), publié dans la collection "Terres humaines" chez Plon (toujours de mémoire !) :

Il ne s'agit pas de rassurer les faibles, il s'agit d'en faire des forts, parce que l'esprit est lutte et conquête, parce que nous ne sommes pas dans un monde de bijoutiers mais de forgerons.

L'adresse de ma vitrine sur lulu.com : http://stores.lulu.com/pecunia