Chapitre 20
Le même soir, peu avant vingt heures, après que celles et ceux qui avaient passé une nuit blanche se furent reposés, ils se retrouvèrent toutes et tous autour de la grande table de la salle à manger.
Jeanne Collieri et la vieille dame au cabas – Laëtitia – occupaient les hauts bouts.
Les six hommes – le lieutenant Gilbert Lenoir était arrivé comme prévu vers quinze heures – étaient répartis de part et d’autre de la table. Trois de chaque côté.
Les deux « cantinières » – Maria et Antoinette – assuraient le service de la tablée et, entre deux plats, s’asseyaient sur leurs chaises qu’elles avaient installées très légèrement en retrait de la table pour ne pas perdre une miette de la conversation.
C’était d’ailleurs la condition que Jeanne Collieri avait imposée – sans que cela puisse être discutable – à leur « collaboration ». Que les femmes présentes dans l’appartement soient pleinement associées à ce qui se tramait vu qu’elles partageaient, de par leur seule présence dans l’appartement transformé en PC opérationnel, les mêmes risques que ces « messieurs ».
Jeanne Collieri avait même été jusqu’à l’ultimatum lorsque Pierre Cavalier et René Bellou avaient tenté de lui faire entendre raison en lui expliquant le caractère ultra-secret de leurs projets et – là en usant d’un grand déploiement de diplomatie – qu’ils ne sollicitaient pas leur « collaboration ».
– Si c’est sans nous, vous pouvez remballer vos affaires et déménager ! De toute façon, vous aurez besoin de notre collaboration, avait-elle tranché.
Seule l’infirmière retraitée, qui était la fille de Maria, fut écartée du « conseil de guerre ». Sous prétexte qu’elle devait prendre soin d’Élisa et qu’elle était « trop jeune ».
C’était aussi une décision de Jeanne Collieri.
Le dîner-réunion débuta par des considérations diverses et qui avaient toutes peu de rapport avec la « mission ».
D’ailleurs, Bellou et Cavalier furent vite rappelés à l’ordre par la tante.
– Assez tourné autour du pot. Venons-en aux faits ! jeta-t-elle d’une voix tonitruante en recevant l’approbation immédiate des trois autres femmes.
Les hommes, eux, avaient baissé le nez sur leur assiette de polenta aux châtaignes. Excepté le lieutenant Gilbert Lenoir, qui, toujours tenu dans l’ignorance du projet, cru bon de dire :
– C’est vrai, ça. Il s’agit de quoi, au juste ?
Ignorant le regard en coulisse lourd de reproches que lui lança le commissaire Antoine.
Les femmes félicitèrent Lenoir de hochements de tête chenue approbateurs.
Il se sentit encouragé.
– On est là pour quoi exactement ? insista-t-il.
Les hommes avaient redressé la tête et tous les regards convergèrent vers le commissaire Bellou.
– Voilà, commença-t-il après quelques bougonnements inaudibles et raclements de gorge pour s’éclaircir la voix. Eh bien, il s’agit tout simplement de stopper une tentative d’attentat contre le chef de l’Etat qui doit se rendre en Corse le 8 décembre, ce lundi…
– « Stopper », ça veut dire quoi exactement ? le coupa le lieutenant Lenoir. Moi je ne comprends pas…
Son supérieur, Antoine, le fusillait du regard et lui faisait des mimiques qu’il espérait le plus discrètes possible pour qu’il ferme sa gueule. Cavalier contemplait le plafond et Mathieu et Fabrice leur assiette.
Seules Jeanne Collieri et Laëtitia ne quittèrent pas du regard le commissaire Bellou. Qui s’énerva.
– Merde, à la fin ! « Stopper », ça veut dire ce que ça veut dire, lieutenant ! On stoppe, c’est tout !
– Il n’a pas tort le petit jeune, intervint Jeanne Collieri. « Stopper » peut avoir plusieurs significations. Par exemple, « stopper » des malfaisants peut signifier les neutraliser…
Cavalier discerna un petit pétillement dans les prunelles de sa tante.
– Vous avez entièrement raison, chère madame, dit René Bellou en inclinant la tête.
– Oui, mais, poursuivit Jeanne Collieri avec un léger sourire, on peut neutraliser des malfaisants soit en les arrêtant avant qu’ils ne commettent leur forfait… (Elle ménagea son suspense avant d’ajouter :) soit en les élimsssssssinant… et par éliminer, j’entends définitivement, c’est-à-dire en les faisant concrètement disparaître…
Le commissaire Bellou toussota pour dissimuler sa gêne.
– Bref, conclut, royale, Jeanne Collieri, on les tue ! Alors, qui, quand, où et comment ?
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Le même soir, peu avant vingt heures, après que celles et ceux qui avaient passé une nuit blanche se furent reposés, ils se retrouvèrent toutes et tous autour de la grande table de la salle à manger.
Jeanne Collieri et la vieille dame au cabas – Laëtitia – occupaient les hauts bouts.
Les six hommes – le lieutenant Gilbert Lenoir était arrivé comme prévu vers quinze heures – étaient répartis de part et d’autre de la table. Trois de chaque côté.
Les deux « cantinières » – Maria et Antoinette – assuraient le service de la tablée et, entre deux plats, s’asseyaient sur leurs chaises qu’elles avaient installées très légèrement en retrait de la table pour ne pas perdre une miette de la conversation.
C’était d’ailleurs la condition que Jeanne Collieri avait imposée – sans que cela puisse être discutable – à leur « collaboration ». Que les femmes présentes dans l’appartement soient pleinement associées à ce qui se tramait vu qu’elles partageaient, de par leur seule présence dans l’appartement transformé en PC opérationnel, les mêmes risques que ces « messieurs ».
Jeanne Collieri avait même été jusqu’à l’ultimatum lorsque Pierre Cavalier et René Bellou avaient tenté de lui faire entendre raison en lui expliquant le caractère ultra-secret de leurs projets et – là en usant d’un grand déploiement de diplomatie – qu’ils ne sollicitaient pas leur « collaboration ».
– Si c’est sans nous, vous pouvez remballer vos affaires et déménager ! De toute façon, vous aurez besoin de notre collaboration, avait-elle tranché.
Seule l’infirmière retraitée, qui était la fille de Maria, fut écartée du « conseil de guerre ». Sous prétexte qu’elle devait prendre soin d’Élisa et qu’elle était « trop jeune ».
C’était aussi une décision de Jeanne Collieri.
Le dîner-réunion débuta par des considérations diverses et qui avaient toutes peu de rapport avec la « mission ».
D’ailleurs, Bellou et Cavalier furent vite rappelés à l’ordre par la tante.
– Assez tourné autour du pot. Venons-en aux faits ! jeta-t-elle d’une voix tonitruante en recevant l’approbation immédiate des trois autres femmes.
Les hommes, eux, avaient baissé le nez sur leur assiette de polenta aux châtaignes. Excepté le lieutenant Gilbert Lenoir, qui, toujours tenu dans l’ignorance du projet, cru bon de dire :
– C’est vrai, ça. Il s’agit de quoi, au juste ?
Ignorant le regard en coulisse lourd de reproches que lui lança le commissaire Antoine.
Les femmes félicitèrent Lenoir de hochements de tête chenue approbateurs.
Il se sentit encouragé.
– On est là pour quoi exactement ? insista-t-il.
Les hommes avaient redressé la tête et tous les regards convergèrent vers le commissaire Bellou.
– Voilà, commença-t-il après quelques bougonnements inaudibles et raclements de gorge pour s’éclaircir la voix. Eh bien, il s’agit tout simplement de stopper une tentative d’attentat contre le chef de l’Etat qui doit se rendre en Corse le 8 décembre, ce lundi…
– « Stopper », ça veut dire quoi exactement ? le coupa le lieutenant Lenoir. Moi je ne comprends pas…
Son supérieur, Antoine, le fusillait du regard et lui faisait des mimiques qu’il espérait le plus discrètes possible pour qu’il ferme sa gueule. Cavalier contemplait le plafond et Mathieu et Fabrice leur assiette.
Seules Jeanne Collieri et Laëtitia ne quittèrent pas du regard le commissaire Bellou. Qui s’énerva.
– Merde, à la fin ! « Stopper », ça veut dire ce que ça veut dire, lieutenant ! On stoppe, c’est tout !
– Il n’a pas tort le petit jeune, intervint Jeanne Collieri. « Stopper » peut avoir plusieurs significations. Par exemple, « stopper » des malfaisants peut signifier les neutraliser…
Cavalier discerna un petit pétillement dans les prunelles de sa tante.
– Vous avez entièrement raison, chère madame, dit René Bellou en inclinant la tête.
– Oui, mais, poursuivit Jeanne Collieri avec un léger sourire, on peut neutraliser des malfaisants soit en les arrêtant avant qu’ils ne commettent leur forfait… (Elle ménagea son suspense avant d’ajouter :) soit en les élimsssssssinant… et par éliminer, j’entends définitivement, c’est-à-dire en les faisant concrètement disparaître…
Le commissaire Bellou toussota pour dissimuler sa gêne.
– Bref, conclut, royale, Jeanne Collieri, on les tue ! Alors, qui, quand, où et comment ?
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire