Chapitre 22
Le capitaine Isabelle Cavalier commençait de s’énerver.
Il était onze heures trente et Alain Berthon ne s’était toujours pas présenté.
Elle avait appelé plusieurs fois son numéro et, à chaque fois, était tombée sur le répondeur.
Elle s’apprêtait à téléphoner une nouvelle fois quand elle vit son mari débouler dans son bureau.
Il fallait que ce soit du sérieux pour qu’il ait pris la peine de venir de la rue des Saussaies.
Il avait sa tête des mauvais jours. Pas à prendre avec des pincettes.
Il jeta rageusement un dossier sur son bureau.
– Tu aurais peut-être pu m’en dire un peu plus ce matin pendant que nous rangions la vaisselle, non ?
– Monsieur vient jouer les machos dans mon bureau ! répliqua-t-elle d’un ton placide. Monsieur rentre sans frapper ! Mais monsieur n’appartient même pas au Quai des Orfèvres…
– Oh ! arrête, je t’en prie ! Je suis chargé de cette merde tout comme toi, dit-il en tapotant le dossier qu’il avait jeté sur le bureau. Alors tu pourrais peut-être m’en dire un peu plus sur ces nazillons ?
– D’abord, ce ne sont pas des nazillons. Il ne s’agit pas de l’extrême droite mais d’un groupe d’ultra-gauche.
– Pour moi, c’est du pareil au même. J’ai feuilleté leur littérature. Ils sont à la fois anticapitalistes, anti-impérialistes et antisionistes. Ça ne te rappelle rien dans l’histoire du XXe siècle ? Moi, si !
– Oh ! tu te calmes ! C’est mon enquête et j’ignorais qu’elle intéresserait ta boutique.
– Ils veulent du résultat et de la discrétion. Pour ma « boutique », comme tu dis, ce serait un coup du Mossad. Une manip ou un solde de tout compte. Mais ça me paraît tordu. J’en aurais eu des échos d’une façon ou d’une autre.
Isabelle Cavalier haussa les épaules.
– Derosier est dans tous ces états car il craint des fuites vers la presse. Il m’a encore sermonnée ce matin pour que je ne communique mes informations à aucun service extérieur. Pour lui, les fuites viennent toujours de la DST ou des RG.
– C’est un faux cul. C’est lui qui a fait parvenir ce matin un double du dossier aux RG. Il a dû faire pareil avec la DST. Mais qu’est-ce qu’il en pense de ces crimes ?
– Qu’il y a « des fous furieux en liberté ». Texto.
– Oui, et comme ça il ne se mouille pas. Mais tu as du nouveau, ce matin ?
– Non. J’attends un ami des victimes. Un membre de leur « Comité révolutionnaire contre l’islamophobie ». Ça doit être leur penseur. Il est chercheur au CNRS.
– Le fameux Alain Berthon ?
– Tu le connais ? demanda Isabelle, surprise.
– Non. Mais nous avons une fiche sur lui. D’ailleurs, à part Jérôme Cassard, nous avons une fiche sur chacun d’eux.
– Et vous avez quelque chose sur leur comité ?
– Non. Sa création doit être récente. Mais nous savons que Gérard Collin, l’imprimeur, a eu des contacts avec un certain Roger Bangros, dit Samir depuis sa conversion à l’islam.
– C’est qui, ce type ?
– L’émir du « Groupe de la Foi ». Des foldingues. Mais ils n’ont plus de contacts entre eux depuis début novembre. Ils auraient eu un différend. Mais je n’en sais pas plus.
– Et tu sais ça comment ? fit Isabelle en regrettant aussitôt sa question.
– Ça, ma chérie, c’est mon secret, dit-il en lui jetant un regard d’enfant malicieux.
« L’enfoiré ! pensa le capitaine Isabelle Cavalier. Qu’est-ce qu’il peut me faire craquer avec ce regard, et il le sait… »
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Le capitaine Isabelle Cavalier commençait de s’énerver.
Il était onze heures trente et Alain Berthon ne s’était toujours pas présenté.
Elle avait appelé plusieurs fois son numéro et, à chaque fois, était tombée sur le répondeur.
Elle s’apprêtait à téléphoner une nouvelle fois quand elle vit son mari débouler dans son bureau.
Il fallait que ce soit du sérieux pour qu’il ait pris la peine de venir de la rue des Saussaies.
Il avait sa tête des mauvais jours. Pas à prendre avec des pincettes.
Il jeta rageusement un dossier sur son bureau.
– Tu aurais peut-être pu m’en dire un peu plus ce matin pendant que nous rangions la vaisselle, non ?
– Monsieur vient jouer les machos dans mon bureau ! répliqua-t-elle d’un ton placide. Monsieur rentre sans frapper ! Mais monsieur n’appartient même pas au Quai des Orfèvres…
– Oh ! arrête, je t’en prie ! Je suis chargé de cette merde tout comme toi, dit-il en tapotant le dossier qu’il avait jeté sur le bureau. Alors tu pourrais peut-être m’en dire un peu plus sur ces nazillons ?
– D’abord, ce ne sont pas des nazillons. Il ne s’agit pas de l’extrême droite mais d’un groupe d’ultra-gauche.
– Pour moi, c’est du pareil au même. J’ai feuilleté leur littérature. Ils sont à la fois anticapitalistes, anti-impérialistes et antisionistes. Ça ne te rappelle rien dans l’histoire du XXe siècle ? Moi, si !
– Oh ! tu te calmes ! C’est mon enquête et j’ignorais qu’elle intéresserait ta boutique.
– Ils veulent du résultat et de la discrétion. Pour ma « boutique », comme tu dis, ce serait un coup du Mossad. Une manip ou un solde de tout compte. Mais ça me paraît tordu. J’en aurais eu des échos d’une façon ou d’une autre.
Isabelle Cavalier haussa les épaules.
– Derosier est dans tous ces états car il craint des fuites vers la presse. Il m’a encore sermonnée ce matin pour que je ne communique mes informations à aucun service extérieur. Pour lui, les fuites viennent toujours de la DST ou des RG.
– C’est un faux cul. C’est lui qui a fait parvenir ce matin un double du dossier aux RG. Il a dû faire pareil avec la DST. Mais qu’est-ce qu’il en pense de ces crimes ?
– Qu’il y a « des fous furieux en liberté ». Texto.
– Oui, et comme ça il ne se mouille pas. Mais tu as du nouveau, ce matin ?
– Non. J’attends un ami des victimes. Un membre de leur « Comité révolutionnaire contre l’islamophobie ». Ça doit être leur penseur. Il est chercheur au CNRS.
– Le fameux Alain Berthon ?
– Tu le connais ? demanda Isabelle, surprise.
– Non. Mais nous avons une fiche sur lui. D’ailleurs, à part Jérôme Cassard, nous avons une fiche sur chacun d’eux.
– Et vous avez quelque chose sur leur comité ?
– Non. Sa création doit être récente. Mais nous savons que Gérard Collin, l’imprimeur, a eu des contacts avec un certain Roger Bangros, dit Samir depuis sa conversion à l’islam.
– C’est qui, ce type ?
– L’émir du « Groupe de la Foi ». Des foldingues. Mais ils n’ont plus de contacts entre eux depuis début novembre. Ils auraient eu un différend. Mais je n’en sais pas plus.
– Et tu sais ça comment ? fit Isabelle en regrettant aussitôt sa question.
– Ça, ma chérie, c’est mon secret, dit-il en lui jetant un regard d’enfant malicieux.
« L’enfoiré ! pensa le capitaine Isabelle Cavalier. Qu’est-ce qu’il peut me faire craquer avec ce regard, et il le sait… »
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
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