samedi 6 juin 2009

Noir Express : "Sous le faux étendard du Prophète" (C. C. XII), par Alain Pecunia, Chapitre 12

Chapitre 12





À la même heure, à peu de chose près, dans son deux-pièces de la porte de Bagnolet, près de la place Édith-Piaf, Samir-Oussama achevait de déjeuner d’un copieux cassoulet en compagnie de ses lieutenants Mohammed et Mourad.
Sa femme était originaire du Sud-Ouest et son cassoulet était succulent. De toute façon, elle n’avait jamais réussi à se mettre au couscous et son Roger en mangeait suffisamment comme ça chez ses « frères ».
– Dites, les saucisses, c’était bien du mouton ? demanda Momo, suspicieux, mais il l’était toujours, après avoir saucé son assiette.
– Mais bien sûr, Momo ! le rassura-t-elle tout en pensant qu’ils étaient bien chichiteux avec leur porc puisqu’ils n’étaient pas capables de faire la différence entre du mouton et du porc avec sa façon de le cuisiner.
Comme si on pouvait mettre des saucisses de mouton ou d’agneau dans le cassoulet !
Une hérésie !
Janine Bangros débarrassa la table et apporta le thé à la menthe.
Elle laissa les hommes entre eux et retourna dans sa cuisine pour faire la vaisselle.
– Alors, qu’est-ce que vous en pensez de mon idée, maintenant qu’on a commencé à la mettre en œuvre ?
– Génial, Oussama ! déclara Mourad, enthousiaste. Tu œuvres pour la gloire d’Allah et de Mahomet qui est son prophète !
Samir-Oussama se rengorgea.
Mais le silence persistant de Mohammed le contrariait.
– Et toi, Momo, qu’en penses-tu ? finit-il par lui demander.
– Oussama, tu es notre émir dans ce glorieux combat, et tu sais combien je te respecte. Mais je pense que ça ne fait pas assez de bruit. Avec une bonne bombe ou une voiture piégée, on parle de nous. Là, non !
Samir-Oussama mit des formes dans sa réponse. Mohammed était influent parmi les frères. Et lui seul osait parfois contester ses décisions.
– Je te comprends, Momo. Mais, aux bombes, on finit par s’y habituer. Le malheur collectif ne terrorise pas nos adversaires tant que ça. Regarde l’exemple des Twin Towers et de nos frères kamikazes palestiniens…
Mohammed n’était pas convaincu. Il dodelina de la tête en affichant une moue sceptique.
– Tandis que là, poursuivit Samir-Oussama, avec cette méthode on distille une peur individuelle, qu’on ne peut exorciser d’aucune façon. Et des petites peurs individuelles feront de grandes terreurs qui engendreront à leur tour de grands ralliements.
– Mais on ne parle pas de nous, contesta à nouveau Mohammed. Alors ça ne peut pas faire peur à nos ennemis…
– Mais c’est normal, le coupa Samir-Oussama. On n’en a sacrifié que deux à la gloire d’Allah. Crois-moi, quand on en aura égorgé un certain nombre, ça fera du bruit ! Et ça fera peur !
Mourad vint le soutenir.
– Momo, notre émir Oussama a raison. Et c’est génial, j’insiste. Quand on tue des Juifs en France ou en Europe, on se fait mal voir. C’est pas politique. Mais, là, sacrifier des athées et des mécréants à la gloire d’Allah, qui pourra nous le reprocher ? Nous avons le Coran pour nous ! Et même la Bible ! C’est le juste combat des croyants contre la Bête et l’Antéchrist, notre Infidèle, celui qui est l’ennemi de toutes les religions du Livre, les suppôts de cette maudite laïcité qui nous empêche de vivre notre religion au grand jour…
– Alors, faisons un communiqué pour revendiquer notre action, insista Mohammed.
– Non, Momo, ne revenons pas sur ce point. Sans communiqué de revendication, ça fera encore plus peur. Et demain, ils seront obligés d’en parler…



© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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