mardi 16 juin 2009

Noir Express : "Sous le faux étendard du Prophète" (C. C. XII), par Alain Pecunia, Chapitre 18

Chapitre 18





Gérard Collin resta un long moment à genoux devant le corps de sa femme éventrée qu’il avait découvert allongé entre le sofa et le téléviseur.
Sa jupe avait était arrachée, son corsage déchiré et rabattu sur son visage.
Il y avait des meurtrissures sur ses cuisses et des salissures sur les poils de son sexe.
Gérard Collin vomit une seconde fois en tentant de se traîner à quatre pattes vers le sofa.
Pour prendre le plaid et recouvrir le ventre béant de viscères obscènes et dégueulasses de sa femme.
Il n’y parvint pas.
Il resta prostré et sanglotant contre le sofa.
Quand Gérard Collin émergea, il avait le regard halluciné.
Il eut envie de vomir à nouveau. À cause de l’odeur, cette fois. Une odeur indéfinissable de merde et de mort.
Le film était terminé depuis il ne savait combien de temps.
La pendule de la chambre du bas sonna les deux coups de deux heures.
Gérard Collin pensa aux « petits » et se traîna en titubant vers l’escalier.
Leurs chambres étaient à l’étage.
Il gravit péniblement les marches de l’escalier de chêne.
Une douleur lui enserrait la poitrine comme un étau diabolique quand il parvint à la chambre de l’aîné des « Collinots ».
Rien.
Il poussa la porte de la chambre en vis-à-vis dans le couloir. Celle du cadet.
Rien.
Il explora la salle de bains, les WC, la grande pièce qui lui servait de bureau-bibliothèque et les divers rangements.
Toujours rien.
Il redescendit l’escalier en se tenant à la rampe.
Il sentait ses jambes fléchir sous son poids.
Gérard Collin évita le salon et se dirigea vers les autres pièces du rez-de-chaussée.
– Mes petits, où êtes-vous ? miaulait-il. Pourvu que vous ne soyez pas rentrés, mes enfants…
Cuisine. Rien.
Chambre d’ami. Rien.
Salle de bains et WC du bas. Rien.
Petite salon du bas. Rien.
Gérard Collin se mit à reprendre espoir.
L’étau sur sa poitrine relâcha son étreinte.
Il retourna dans la cuisine et se servit un grand verre d’eau fraîche au robinet.
Il prit l’essuie-mains et l’humecta pour le passer sur son visage. Ce qui lui provoqua une passagère sensation de bien-être.
Le reste ne suivait pas. Gérard Collin se sentait la tête cotonneuse et ne se raccrochait qu’à l’espérance de savoir ses « petits Collinots » en vie. Il était une boule d’instinct de vie meurtrie.
Il avait besoin d’un remontant.
Il prit dans un placard une bouteille de scotch et s’en servit une bonne rasade.
Il en but une gorgée et fit la grimace.
C’était trop chaud. Il avait besoin de fraîcheur.
Gérard Collin ouvrit machinalement le réfrigérateur pour se servir de glaçons dans la réserve.
Ses yeux s’exorbitèrent et sa bouche s’entrebâilla de terreur.
Deux appareils génitaux dégouttant de sang reposaient côte à côte, chacun dans son assiette, sur la clayette du haut.
– Nooooon…, hurla-t-il en portant la main à la poitrine avant de s’effondrer au pied du réfrigérateur.



© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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