Chapitre 14
Gérard Collin s’était assoupi sur le sofa après le départ des Berthon.
Vers dix-neuf heures trente, le bruit de l’aspirateur que sa femme venait de brancher dans le salon le fit sursauter.
Il s’étira, bâilla longuement tout en se grattant l’entrejambe et consulta sa montre.
– Déjà ! fit-il.
Gérard Collin se leva péniblement en maudissant ces saloperies de varices qu’il n’osait pas faire opérer. Il ne supportait pas la moindre piqûre. Alors ça, une « o-pé-ra-tion »…
Il alla pisser dans le lavabo rien que pour le plaisir. Un plaisir d’homme à jamais incompréhensible pour une femme.
Mais, avec ses deux garçons, Josy avait dû s’y faire même si elle trouvait ça « dégueulasse ».
« Et les règles ? » se dit Gérard Collin en remballant sa fierté.
Il revint dans le salon en tiraillant sa fermeture Éclair qui refusait obstinément de dépasser la mi-hauteur.
Il avait bien essayé les braguettes à boutons, mais c’était encore pire. Il n’arrivait jamais à fermer les deux derniers et Josy gueulait.
Elle n’était d’ailleurs pas la seule. Même la proviseure l’avait réprimandé à plusieurs reprises.
– Vous croyez que c’est une tenue descente pour un professeur de mon établissement ? avait-elle couiné.
Gérard Collin haussa les épaules et sourit pour lui-même.
Il l’avait quand même bien fait chier en prenant systématiquement la défense des « voilées » au nom de la tolérance.
Il revint dans le salon et regarda sa femme s’escrimer avec l’enrouleur de l’aspi.
– Je m’inquiète, dit-il, les petits ne sont pas rentrés.
Josy haussa les épaules. À vingt-six et vingt-neuf ans, les « petits », elle aurait bien aimé les voir décamper. Elle en avait ras-le-bol d’être la bonniche de ces trois loches.
Le téléphone sonna.
– Ah ! ça doit être eux ! dit Gérard en affichant un sourire béat de papa-poule.
– Ben décroche !
Le sourire de son mari se figea après qu’il eut dit « Allô ! ».
Quelque chose serait-il arrivé aux petits ? s’inquiéta Josy.
– Ah ! fit Gérard et elle le vit devenir blanc comme un linge.
Elle vint se planter devant lui et le questionna d’un regard empli d’anxiété.
– J’arrive, dit-il.
Il raccrocha le combiné et porta la main à sa poitrine.
Il avait du mal à respirer. Son asthme le reprenait.
Il sortit sa Ventoline de la poche gauche de son pantalon et l’aspira profondément.
Sa femme le secouait par le bras, morte d’angoisse.
– Alors ? s’impatientait-elle se sentant proche de défaillir.
Gérard Collin secoua la tête.
– C’est pas les petits, dit-il.
Sa femme poussa un immense soupir de soulagement.
– Qu’est-ce que j’ai eu peur !
Elle s’essuya machinalement les larmes qui auraient pu couler. Simple réflexe.
Josy avait à présent hâte que les petits « Collinots » regagnent leur nid.
– Mais c’était qui, alors ? finit-elle par demander quand un peu de couleur fut revenu sur les joues de son mari.
Gérard Collin inspira et expira longuement.
– L’ex de Jérôme. Francine.
– Elle a un problème ?
– Pas elle. Mais les flics de Saint-Ouen viennent de l’appeler. Jérôme a été retrouvé mort sur son palier.
– Oh !
– Il arrivait juste chez lui, semble-t-il, après avoir ramené les mômes chez Francine. Elle veut que je l’accompagne.
– Je vais venir avec toi, dit-elle avec empressement.
– Non. Occupe-toi des petits. Essaie de les joindre par téléphone. Moi, je passe la prendre en voiture.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Gérard Collin s’était assoupi sur le sofa après le départ des Berthon.
Vers dix-neuf heures trente, le bruit de l’aspirateur que sa femme venait de brancher dans le salon le fit sursauter.
Il s’étira, bâilla longuement tout en se grattant l’entrejambe et consulta sa montre.
– Déjà ! fit-il.
Gérard Collin se leva péniblement en maudissant ces saloperies de varices qu’il n’osait pas faire opérer. Il ne supportait pas la moindre piqûre. Alors ça, une « o-pé-ra-tion »…
Il alla pisser dans le lavabo rien que pour le plaisir. Un plaisir d’homme à jamais incompréhensible pour une femme.
Mais, avec ses deux garçons, Josy avait dû s’y faire même si elle trouvait ça « dégueulasse ».
« Et les règles ? » se dit Gérard Collin en remballant sa fierté.
Il revint dans le salon en tiraillant sa fermeture Éclair qui refusait obstinément de dépasser la mi-hauteur.
Il avait bien essayé les braguettes à boutons, mais c’était encore pire. Il n’arrivait jamais à fermer les deux derniers et Josy gueulait.
Elle n’était d’ailleurs pas la seule. Même la proviseure l’avait réprimandé à plusieurs reprises.
– Vous croyez que c’est une tenue descente pour un professeur de mon établissement ? avait-elle couiné.
Gérard Collin haussa les épaules et sourit pour lui-même.
Il l’avait quand même bien fait chier en prenant systématiquement la défense des « voilées » au nom de la tolérance.
Il revint dans le salon et regarda sa femme s’escrimer avec l’enrouleur de l’aspi.
– Je m’inquiète, dit-il, les petits ne sont pas rentrés.
Josy haussa les épaules. À vingt-six et vingt-neuf ans, les « petits », elle aurait bien aimé les voir décamper. Elle en avait ras-le-bol d’être la bonniche de ces trois loches.
Le téléphone sonna.
– Ah ! ça doit être eux ! dit Gérard en affichant un sourire béat de papa-poule.
– Ben décroche !
Le sourire de son mari se figea après qu’il eut dit « Allô ! ».
Quelque chose serait-il arrivé aux petits ? s’inquiéta Josy.
– Ah ! fit Gérard et elle le vit devenir blanc comme un linge.
Elle vint se planter devant lui et le questionna d’un regard empli d’anxiété.
– J’arrive, dit-il.
Il raccrocha le combiné et porta la main à sa poitrine.
Il avait du mal à respirer. Son asthme le reprenait.
Il sortit sa Ventoline de la poche gauche de son pantalon et l’aspira profondément.
Sa femme le secouait par le bras, morte d’angoisse.
– Alors ? s’impatientait-elle se sentant proche de défaillir.
Gérard Collin secoua la tête.
– C’est pas les petits, dit-il.
Sa femme poussa un immense soupir de soulagement.
– Qu’est-ce que j’ai eu peur !
Elle s’essuya machinalement les larmes qui auraient pu couler. Simple réflexe.
Josy avait à présent hâte que les petits « Collinots » regagnent leur nid.
– Mais c’était qui, alors ? finit-elle par demander quand un peu de couleur fut revenu sur les joues de son mari.
Gérard Collin inspira et expira longuement.
– L’ex de Jérôme. Francine.
– Elle a un problème ?
– Pas elle. Mais les flics de Saint-Ouen viennent de l’appeler. Jérôme a été retrouvé mort sur son palier.
– Oh !
– Il arrivait juste chez lui, semble-t-il, après avoir ramené les mômes chez Francine. Elle veut que je l’accompagne.
– Je vais venir avec toi, dit-elle avec empressement.
– Non. Occupe-toi des petits. Essaie de les joindre par téléphone. Moi, je passe la prendre en voiture.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
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