samedi 31 janvier 2009

Chapitre 11





– Mais qu’est-ce que je vais pouvoir raconter à ce con de Derosier ! dit Cavalier en atteignant le rez-de-chaussée. Je ne vais quand même pas lui parler de poisson qui parle présentement en panne… Leur indic, il est totalement fêlé, oui, il est même bon pour l’HP !
– Écoute, lui dit Lenoir, vérifions la rumeur. Ce sera toujours ça. Il n’y a pas de fumée sans feu.
– Tu veux aller frapper à chaque porte ?
– Au moins le concierge…
– Remarque, ce n’est pas stupide ce que tu dis… Et si on commençait plutôt par ce toubib, là… On est juste devant sa porte…
Ils attendirent patiemment leur tour dans la salle d’attente. Il n’y avait que deux patients avant eux.
Ils furent reçus trois quarts d’heure plus tard par le médecin. Une jeune femme de type méditerranéen d’une trentaine d’années. Le Dr Djamila Kamil.
Au sourire avenant mais qui se referma dès qu’ils se furent présentés.
Le secret médical.
– Mais nous enquêtons sur un viol collectif, docteur, insista Isabelle Cavalier. En tant que femme, vous ne pouvez rester indifférente…
– Je ne suis pas indifférente, rétorqua le médecin. J’anime d’ailleurs le comité de quartier de « Ni putes ni soumises ». C’est vous dire… Si une de mes patientes me confiait avoir été violée ou si je m’en apercevais, je la conseillerais et essaierais de la convaincre de porter plainte, mais je ne téléphonerais pas à la police…
– Vous pouvez au moins nous dire si vous avez entendu parlé d’une rumeur ? demanda Lenoir.
– Non…
Isabelle Cavalier perçut que ce n’était pas un nom définitif. Que le médecin semblait réfléchir.
– Oui…, reprit-elle, il y a effectivement une rumeur qui court… Mais laissez-moi le temps d’en vérifier le fondement…
Le portable du capitaine sonna à ce moment précis.
– Excusez-moi, dit-elle en appuyant sur la touche OK, j’attends des nouvelles de ma petite Philippine…
Pierre rassura brièvement Isabelle et celle-ci présenta à nouveau ses excuses au médecin après avoir éteint son portable.
– Philippine, c’est le nom de votre fille ? demanda le Dr Kamil.
Isabelle Cavalier acquiesça.
– Comme c’est curieux ! J’ai deux filles de cinq et trois ans et l’aînée s’appelle Philippine…
– Pas possible !
– Si ! Et on l’a appelée ainsi parce que mon mari se prénomme Philippe.
– C’est incroyable ! Moi aussi… enfin, c’est son grand-père qui se prénomme Philippe-Henri.
– Oh !
Le lieutenant Gilbert Lenoir fut ahuri de voir les deux jeunes femmes se lancer dans un dialogue « maternel » et féminin à bâtons rompus dans lequel elles se tutoyèrent d’emblée.
Il éprouva la désagréable sensation d’avoir été « oublié » sur sa chaise. De ne pas être là…
Le lieutenant ne pouvait se rendre compte qu’il assistait à la naissance d’une amitié féminine indestructible.
Les deux femmes le savaient, elles.
Mais tous trois ignoraient encore que l’enquête était en train de démarrer à ce moment précis. Grâce à ce pacte féminin.
Après que les deux femmes eurent échangé leur numéro de téléphone et se furent fait la bise, Isabelle Cavalier demanda, juste au moment de partir :
– Que penses-tu de ton voisin du dessus, le Jean Fernandi ?
Le front de Djamila Kamil se plissa.
– Il me met toujours mal à l’aise quand je le croise… Il me rappelle quelqu’un, je ne sais pas qui… ou, plutôt, si, mais c’est quelqu’un qui avait un autre nom, et ça remonte loin…
*.
– Moi aussi, il me met mal à l’aise.
* Voir National, toujours !


© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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