samedi 24 janvier 2009

Noir Express : "Pleurez, petites filles..." (C. C. IX) par Alain Pecunia, Chapitre 8 (suite 1)

Chapitre 8 (suite 1)





– Bon, ça suffit ! dit-elle après s’être ressaisie et en usant d’un ton professionnel un rien autoritaire qui sembla n’impressionner personne à première vue et les surprit seulement tant il semblait en décalage avec cette réunion amicale. Ça suffit ! reprit-elle à la limite de craquer. Nous sommes là pour une affaire…
– Eh bien, discutons calmement, ma chérie, la coupa Philippe-Henri.
Le capitaine en resta bouche bée. Elle avait affaire à des débiles, ou quoi ? Passe encore pour Euh-Euh qui ne semblait pas toujours tout comprendre – mais elle le soupçonnait de ne « vouloir » comprendre que ce qui l’intéressait –, mais ce salopard d’indic, Phil et Gilbert… ?
Son regard décocha des flèches aux uns et aux autres qui semblaient attendre patiemment qu’elle se fût calmée.
– Il y a quelque chose qui ne va pas, ma chérie ?
Le capitaine avait envie de pleurer.
« Je ne vais quand même pas me mettre à chialer devant eux. Ressaisis-toi, bordel de merde ! » se dit-elle pour s’encourager.
– Tout va très bien ! reprit-elle d’une voix qu’elle voulut sans réplique mais qui manquait de fermeté. Nous sommes simplement là pour nous entretenir avec M. Jean Fernandi…
L’ex-Jean Ferniti haussa les épaules et Philippe-Henri dit :
– Et alors ?
– Et alors, hurla d’une voix stridente le capitaine, le lieutenant et moi nous voulons être seuls avec lui car il s’agit d’une affaire importante et…
– Chut ! la coupa l’indic de sa voix inaudible. Tout s’entend ici.
– Mais nous n’avons pas de secret avec Jean, ma chérie, intervint Phil.
– Nous, si ! répliqua-t-elle sèchement.
– Mais nous savons tout de son passé, ma chérie. Il a d’ailleurs payé sa dette à la société, renchérit celui qu’elle considérait comme son père.
– Euh-euh… (Là c’était Patrice qui semblait approuver.)
– Il ne s’agit pas du passé mais du présent ! Alors vous dégagez, toi et Euh-Euh…
Elle avait dû être plus brutale qu’elle ne l’avait souhaité car elle lut la consternation sur le visage de l’indic et du lieutenant, une grande tristesse sur celui de Phil – mais il savait être comédien et s’en méfia – et de la peur, oui de la peur, sur celui de Euh-Euh –, ce qui la consterna et la laissa sans voix.
– Ce n’est pas un problème pour moi, intervint alors Jean Fernandi. Ils savent tout de moi et nous n’avons pas de secret entre nous. Moi-même, je sais tout sur eux. Et puis, d’ailleurs, je leur ai expliqué pour la tournante…
Elle n’aurait pas cru cet individu capable d’un aussi long discours et, bien qu’inaudible, elle eut le sentiment d’avoir bien entendu. Il n’y avait pas d’erreur. Son premier sentiment avec cette affaire avait été le bon dès qu’elle avait eu Derosier au téléphone.
Ce ne pouvait que tourner à la cata.
Elle alla s’asseoir sur la chaise que lui avait proposée Philippe-Henri. Plutôt, elle se laissa choir. Avec un sentiment de totale inutilité. Comme si tout lui avait irrémédiablement échappé. À la limite de se demander ce qu’elle foutait dans la police. « La Crim, tu parles ! » se dit-elle en jetant un regard de quasi-noyé à Gilbert Lenoir qui lui sourit bêtement.
C’est à ce moment-là qu’elle aperçut le bocal et le poisson rouge au milieu de la table.


© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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