Chapitre 4
Chantal Plantin, un quart d’heure plus tard, avait retrouvé la position assise et n’était plus que l’ombre d’elle-même.
Toute son attitude confirmait sa défaite.
Elle marmonna juste :
– Comment avez-vous su pour le couteau ?
Puis s’enferma dans le mutisme le plus complet.
Le capitaine Cavalier ne ressentait plus ce malaise oppressant. Une sombre détermination l’habitait à présent. Elle se sentait proche du but. Prête à prendre tout son temps. Ne ressentant plus la lassitude ni la fatigue éprouvées une heure plus tôt.
Isabelle Cavalier était une interrogatrice acharnée. Ne connaissant aucune compassion. C’était son boulot.
Une gosse avait été assassinée. Par sa propre mère. Il y avait donc une motivation lourde. Et la gamine avait sûrement subi auparavant un autre type de massacre.
Elle savait qu’elle parviendrait à la vérité.
La mort du mari et celle de la petite Claudine ayant été pratiquement simultanées, il était techniquement impossible de déterminer qui avait été poignardé avant l’autre par la mère et épouse.
Un fait été avéré. Le père se trouvait dans la chambre de la fille. Il était habillé et sans signe de désordre vestimentaire.
On pouvait imaginer que la mère avait poignardé le mari en premier et que la petite s’était interposée. En tant que femme et mère, il était difficile pour le capitaine Cavalier de concevoir que la mère eût délibérément poignardé sa fille en premier.
Mais, si la mère n’avait voulu poignarder que son mari, pourquoi avoir choisi la chambre de la petite ? Donc, elle avait voulu poignarder les deux et faire porter le chapeau au mari.
C’était du pur machiavélisme. Un crime d’une préméditation parfaite. Elle avait affaire à une salope intégrale ou à une femme qui avait énormément souffert.
Combien de meurtriers en arrivent à l’acte par souffrance intolérable !
Cavalier savait qu’elle tenait la bonne intuition.
– Madame, dit-elle doucement en se levant et en se plaçant derrière sa cliente, je crois que vous avez dû beaucoup souffrir…
Elle posa une main sur l’épaule de Chantal Plantin.
Le temps parut comme suspendu. Puis un léger frissonnement se communiqua du corps de Mme Plantin à la main d’Isabelle Cavalier.
La meurtrière éclata en sanglots, marmonnant :
– Oh ! si vous saviez… si vous saviez…
Le capitaine exerça une légère pression sur l’épaule, comme pour signifier à Chantal Plantin qu’elle comprenait.
– Il aimait trop ses filles, n’est-ce pas ? murmura Cavalier sans ôter sa main de l’épaule.
C’était à peine une question. Plutôt l’énoncé d’un point de départ évident.
– Oui…, fit Chantal Plantin en reniflant et s’essuyant les joues d’un revers de la main. Il n’y en avait plus que pour elles… Oh ! pour s’en occuper, il s’en occupait… Un vrai papa poule qui organisait son emploi du temps pour être un maximum avec ses filles, surtout l’aînée… Piscine, musique pour la petite, danse pour la grande, leurs leçons, des balades sans moi…
Le capitaine tendit un sachet de Kleenex entamé à Mme Plantin qui se moucha.
– C’est simple, reprit-elle après l’avoir remerciée d’un léger mouvement de tête, j’avais l’impression de ne plus exister en tant que femme à ses yeux, d’être simplement la mère de ses enfants, la génitrice… Oh ! ça ne s’est pas fait d’un seul coup… plutôt comme un long processus… jusqu’aux sept ans de l’aînée.
Elle tourna légèrement son visage vers Cavalier qui se tenait toujours dernière elle et exerçait de temps à autre une petite pression de la main sur son épaule comme pour l’encourager.
– Vous comprenez, à l’époque, Mélissa, ma cadette, n’avait que trois ans, je m’en occupais beaucoup et je n’ai rien vu venir… C’était normal qu’une petite fille de sept ans aime son papa et recherche des câlins… Mais c’est quand mon mari a commencé à me négliger de plus en plus sexuellement que j’ai commencé à me poser des questions… J’étais tellement conne (elle secoua la tête) que j’ai d’abord pensé qu’il avait une maîtresse ou une aventure… Je ne voyais même pas ce qui était en train de se produire sous mes yeux… sous mon propre toit !
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
Chantal Plantin, un quart d’heure plus tard, avait retrouvé la position assise et n’était plus que l’ombre d’elle-même.
Toute son attitude confirmait sa défaite.
Elle marmonna juste :
– Comment avez-vous su pour le couteau ?
Puis s’enferma dans le mutisme le plus complet.
Le capitaine Cavalier ne ressentait plus ce malaise oppressant. Une sombre détermination l’habitait à présent. Elle se sentait proche du but. Prête à prendre tout son temps. Ne ressentant plus la lassitude ni la fatigue éprouvées une heure plus tôt.
Isabelle Cavalier était une interrogatrice acharnée. Ne connaissant aucune compassion. C’était son boulot.
Une gosse avait été assassinée. Par sa propre mère. Il y avait donc une motivation lourde. Et la gamine avait sûrement subi auparavant un autre type de massacre.
Elle savait qu’elle parviendrait à la vérité.
La mort du mari et celle de la petite Claudine ayant été pratiquement simultanées, il était techniquement impossible de déterminer qui avait été poignardé avant l’autre par la mère et épouse.
Un fait été avéré. Le père se trouvait dans la chambre de la fille. Il était habillé et sans signe de désordre vestimentaire.
On pouvait imaginer que la mère avait poignardé le mari en premier et que la petite s’était interposée. En tant que femme et mère, il était difficile pour le capitaine Cavalier de concevoir que la mère eût délibérément poignardé sa fille en premier.
Mais, si la mère n’avait voulu poignarder que son mari, pourquoi avoir choisi la chambre de la petite ? Donc, elle avait voulu poignarder les deux et faire porter le chapeau au mari.
C’était du pur machiavélisme. Un crime d’une préméditation parfaite. Elle avait affaire à une salope intégrale ou à une femme qui avait énormément souffert.
Combien de meurtriers en arrivent à l’acte par souffrance intolérable !
Cavalier savait qu’elle tenait la bonne intuition.
– Madame, dit-elle doucement en se levant et en se plaçant derrière sa cliente, je crois que vous avez dû beaucoup souffrir…
Elle posa une main sur l’épaule de Chantal Plantin.
Le temps parut comme suspendu. Puis un léger frissonnement se communiqua du corps de Mme Plantin à la main d’Isabelle Cavalier.
La meurtrière éclata en sanglots, marmonnant :
– Oh ! si vous saviez… si vous saviez…
Le capitaine exerça une légère pression sur l’épaule, comme pour signifier à Chantal Plantin qu’elle comprenait.
– Il aimait trop ses filles, n’est-ce pas ? murmura Cavalier sans ôter sa main de l’épaule.
C’était à peine une question. Plutôt l’énoncé d’un point de départ évident.
– Oui…, fit Chantal Plantin en reniflant et s’essuyant les joues d’un revers de la main. Il n’y en avait plus que pour elles… Oh ! pour s’en occuper, il s’en occupait… Un vrai papa poule qui organisait son emploi du temps pour être un maximum avec ses filles, surtout l’aînée… Piscine, musique pour la petite, danse pour la grande, leurs leçons, des balades sans moi…
Le capitaine tendit un sachet de Kleenex entamé à Mme Plantin qui se moucha.
– C’est simple, reprit-elle après l’avoir remerciée d’un léger mouvement de tête, j’avais l’impression de ne plus exister en tant que femme à ses yeux, d’être simplement la mère de ses enfants, la génitrice… Oh ! ça ne s’est pas fait d’un seul coup… plutôt comme un long processus… jusqu’aux sept ans de l’aînée.
Elle tourna légèrement son visage vers Cavalier qui se tenait toujours dernière elle et exerçait de temps à autre une petite pression de la main sur son épaule comme pour l’encourager.
– Vous comprenez, à l’époque, Mélissa, ma cadette, n’avait que trois ans, je m’en occupais beaucoup et je n’ai rien vu venir… C’était normal qu’une petite fille de sept ans aime son papa et recherche des câlins… Mais c’est quand mon mari a commencé à me négliger de plus en plus sexuellement que j’ai commencé à me poser des questions… J’étais tellement conne (elle secoua la tête) que j’ai d’abord pensé qu’il avait une maîtresse ou une aventure… Je ne voyais même pas ce qui était en train de se produire sous mes yeux… sous mon propre toit !
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
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