Chapitre 7
Le lendemain, mercredi 19 novembre, Isabelle Cavalier passa la matinée en compagnie de sa fille, l’aidant à habiller et déshabiller ses poupons.
Elle se souvenait avoir longuement parlé à Pierre de son « secret ». Mais il y avait comme un blanc sur ce qu’elle avait pu lui dire concrètement et comment elle le lui avait dit.
À présent elle se sentait apaisée. Laissant son corps frissonner à l’évocation de cette étreinte toute de tendresse que lui avait offerte Pierre quand il était venu la chercher au petit matin.
Alors qu’elle s’apprêtait à préparer le déjeuner pour elles deux, la sonnerie de son portable vint crever sa petite bulle de douceur.
C’était le divisionnaire qui tenait à la féliciter et qui lui passa ensuite Derosier. Pour une sombre affaire de « tournante » dans un des groupes d’immeubles de la ZAC Dupleix.
« C’est pas vrai ! pensa-t-elle. Si même les flics se mettent à parler de tournante au lieu de viol collectif… »
Elle ne voyait pas en quoi cela concernait la Crim. Mais le commissaire principal Derosier y voyait l’occasion de relancer l’enquête sur les cinq crimes non élucidés des deux derniers mois car quatre des victimes avaient habité ce groupe*. Et comme c’était elle qui avait été en charge de l’enquête sur le terrain…
– Mais nous n’avons jamais eu la moindre piste et aucun élément nouveau n’a été porté à notre connaissance…, opposa le capitaine Isabelle Cavalier.
– Justement, Cavalier ! C’est l’occasion de reprendre. Si on identifie ces petits violeurs et si on les secoue un peu, il y en a peut-être un qui parlera. C’est partout la loi du silence parmi les bandes de jeunes… Mais ce n’est par urgent, commencez demain. Je vous ferai porté le dossier dans l’après-midi par le lieutenant Lenoir qui a travaillé avec vous sur cette affaire et que le commissaire Antoine remet à notre disposition… Et puis, Cavalier, après cette sale affaire d’hier, ça vous fera comme des vacances, hein ? ajouta le commissaire en mettant fin à la conversation.
« Tu parles de vacances ! se dit le capitaine en mettant la table. Passer de l’inceste au viol… »
Elle aurait préféré une affaire de meurtre toute simple, genre rixe ou crime entre voisins. Même un petit règlement de comptes. Ça, c’étaient des vacances.
De son point de vue. Car un flic, c’est un peu comme un croque-mort, ça n’a pas la même perception des choses de la vie que tout un chacun.
Au moins elle aurait plaisir à faire équipe avec Gilbert Lenoir. Qui devait éprouver le même plaisir car il débarqua à quatorze heures trente. Pour la plus grande joie de Philippine qui passa un quart d’heure sur ses genoux avant d’accepter d’aller faire sa sieste.
– Je ne le sens pas, ce coup-là, et toi ? demanda Isabelle au lieutenant Lenoir.
– Moi non plus. Surtout qu’il n’y a pas grand-chose comme point de départ. Juste une rumeur et l’info d’un indic qui habite le groupe d’immeubles en question.
– Il est fiable ?
– Un type qui a fait de la taule**. Une dizaine d’années. Quatorze ans et quelques mois. Il est sorti en avril 2002.
– Pour quelles raisons ?
– Meurtre et tentative de viol.
– Tentative seulement ?
– Pour le viol, oui, mais il a quand même cinq meurtres à son actif…
– Et c’est ça notre indic ! lâcha Isabelle Cavalier en levant les yeux au ciel. Mais pourquoi l’ont-ils remis si tôt dans le circuit ?
– Pour bonne conduite. Très bonne même, puisque qu’il a fait le mouton dans la section des activistes à la centrale de Moulins. Il paraît que c’est un bon indic, un peu bizarre comme bonhomme d’après ce qu’on m’a dit, mais un bon.
– C’est surtout un sacré salopard !
Le capitaine Cavalier enregistra l’information et sembla la ruminer quelques instants.
– Mais pourquoi on nous le sort maintenant, cet indic ? On en aurait eu besoin dès le début de l’enquête sur ces meurtres au couteau à désosser, en septembre…
– La DST se le gardait au chaud. D’après ce que j’ai compris, il a été prêté à la Crim pour relancer l’enquête. Il semblerait que la DST n’ait pas digéré la mort de son indic, celui qui s’est fait tuer quasiment à leur porte, le 11 septembre. Ahmed Larbi, tu te souviens ?
– Oui, celui dont Euh-Euh a été le témoin du meurtre. Bien sûr si je me souviens… Mais la DST, surtout avec son siège dans le quartier, a les moyens d’enquêter toute seule comme une grande sur cette affaire sans nous dévoiler un de ses agents et en se passant de nous ?
– Il y a peut-être un deal passé avec le patron de la Crim. Va savoir ! fit le lieutenant en haussant les épaules et en prenant un air désabusé. En plus, la DST a insisté pour qu’Antoine ne soit pas dans le coup cette fois. Ils ont une dent contre lui depuis la mort de leur indic !
Le capitaine se dit que Gilbert Lenoir devait être dans le vrai. En tout état de cause, ce ne serait pas une affaire simple.
– Et il s’appelle comment, notre « auxiliaire » ? demanda Isabelle Cavalier d’un ton maussade.
– Jean Ferniti.
– Et il a quel âge ?
– La soixantaine. Il est né en 42.
Isabelle se leva du canapé où elle était assise depuis le début de leur discussion et fit quelques pas dans le salon-salle à manger.
– Écoute, dit-elle, la baby-sitter de Philippine doit arriver d’une minute à l’autre. Dès qu’elle sera là, on file voir de quoi il a l’air, ce Jean Ferniti. D’accord ?
Le lendemain, mercredi 19 novembre, Isabelle Cavalier passa la matinée en compagnie de sa fille, l’aidant à habiller et déshabiller ses poupons.
Elle se souvenait avoir longuement parlé à Pierre de son « secret ». Mais il y avait comme un blanc sur ce qu’elle avait pu lui dire concrètement et comment elle le lui avait dit.
À présent elle se sentait apaisée. Laissant son corps frissonner à l’évocation de cette étreinte toute de tendresse que lui avait offerte Pierre quand il était venu la chercher au petit matin.
Alors qu’elle s’apprêtait à préparer le déjeuner pour elles deux, la sonnerie de son portable vint crever sa petite bulle de douceur.
C’était le divisionnaire qui tenait à la féliciter et qui lui passa ensuite Derosier. Pour une sombre affaire de « tournante » dans un des groupes d’immeubles de la ZAC Dupleix.
« C’est pas vrai ! pensa-t-elle. Si même les flics se mettent à parler de tournante au lieu de viol collectif… »
Elle ne voyait pas en quoi cela concernait la Crim. Mais le commissaire principal Derosier y voyait l’occasion de relancer l’enquête sur les cinq crimes non élucidés des deux derniers mois car quatre des victimes avaient habité ce groupe*. Et comme c’était elle qui avait été en charge de l’enquête sur le terrain…
– Mais nous n’avons jamais eu la moindre piste et aucun élément nouveau n’a été porté à notre connaissance…, opposa le capitaine Isabelle Cavalier.
– Justement, Cavalier ! C’est l’occasion de reprendre. Si on identifie ces petits violeurs et si on les secoue un peu, il y en a peut-être un qui parlera. C’est partout la loi du silence parmi les bandes de jeunes… Mais ce n’est par urgent, commencez demain. Je vous ferai porté le dossier dans l’après-midi par le lieutenant Lenoir qui a travaillé avec vous sur cette affaire et que le commissaire Antoine remet à notre disposition… Et puis, Cavalier, après cette sale affaire d’hier, ça vous fera comme des vacances, hein ? ajouta le commissaire en mettant fin à la conversation.
« Tu parles de vacances ! se dit le capitaine en mettant la table. Passer de l’inceste au viol… »
Elle aurait préféré une affaire de meurtre toute simple, genre rixe ou crime entre voisins. Même un petit règlement de comptes. Ça, c’étaient des vacances.
De son point de vue. Car un flic, c’est un peu comme un croque-mort, ça n’a pas la même perception des choses de la vie que tout un chacun.
Au moins elle aurait plaisir à faire équipe avec Gilbert Lenoir. Qui devait éprouver le même plaisir car il débarqua à quatorze heures trente. Pour la plus grande joie de Philippine qui passa un quart d’heure sur ses genoux avant d’accepter d’aller faire sa sieste.
– Je ne le sens pas, ce coup-là, et toi ? demanda Isabelle au lieutenant Lenoir.
– Moi non plus. Surtout qu’il n’y a pas grand-chose comme point de départ. Juste une rumeur et l’info d’un indic qui habite le groupe d’immeubles en question.
– Il est fiable ?
– Un type qui a fait de la taule**. Une dizaine d’années. Quatorze ans et quelques mois. Il est sorti en avril 2002.
– Pour quelles raisons ?
– Meurtre et tentative de viol.
– Tentative seulement ?
– Pour le viol, oui, mais il a quand même cinq meurtres à son actif…
– Et c’est ça notre indic ! lâcha Isabelle Cavalier en levant les yeux au ciel. Mais pourquoi l’ont-ils remis si tôt dans le circuit ?
– Pour bonne conduite. Très bonne même, puisque qu’il a fait le mouton dans la section des activistes à la centrale de Moulins. Il paraît que c’est un bon indic, un peu bizarre comme bonhomme d’après ce qu’on m’a dit, mais un bon.
– C’est surtout un sacré salopard !
Le capitaine Cavalier enregistra l’information et sembla la ruminer quelques instants.
– Mais pourquoi on nous le sort maintenant, cet indic ? On en aurait eu besoin dès le début de l’enquête sur ces meurtres au couteau à désosser, en septembre…
– La DST se le gardait au chaud. D’après ce que j’ai compris, il a été prêté à la Crim pour relancer l’enquête. Il semblerait que la DST n’ait pas digéré la mort de son indic, celui qui s’est fait tuer quasiment à leur porte, le 11 septembre. Ahmed Larbi, tu te souviens ?
– Oui, celui dont Euh-Euh a été le témoin du meurtre. Bien sûr si je me souviens… Mais la DST, surtout avec son siège dans le quartier, a les moyens d’enquêter toute seule comme une grande sur cette affaire sans nous dévoiler un de ses agents et en se passant de nous ?
– Il y a peut-être un deal passé avec le patron de la Crim. Va savoir ! fit le lieutenant en haussant les épaules et en prenant un air désabusé. En plus, la DST a insisté pour qu’Antoine ne soit pas dans le coup cette fois. Ils ont une dent contre lui depuis la mort de leur indic !
Le capitaine se dit que Gilbert Lenoir devait être dans le vrai. En tout état de cause, ce ne serait pas une affaire simple.
– Et il s’appelle comment, notre « auxiliaire » ? demanda Isabelle Cavalier d’un ton maussade.
– Jean Ferniti.
– Et il a quel âge ?
– La soixantaine. Il est né en 42.
Isabelle se leva du canapé où elle était assise depuis le début de leur discussion et fit quelques pas dans le salon-salle à manger.
– Écoute, dit-elle, la baby-sitter de Philippine doit arriver d’une minute à l’autre. Dès qu’elle sera là, on file voir de quoi il a l’air, ce Jean Ferniti. D’accord ?
* Voir Euh-Euh !
* Voir National, toujours !
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire