samedi 28 février 2009

Noir Express : "Corses toujours" (C. C. X) par Alain Pecunia, Chapitre 7

Chapitre 7





Durant le court trajet jusqu’à l’hôtel, Pierre Cavalier repensa au Marseillais mais remit à plus tard de demander à sa cousine si elle avait eu l’occasion de le rencontrer dans son cadre professionnel.
Élisa Matocelli gara sa 206 sur le cours Napoléon, une cinquantaine de mètres avant la rue menant à son hôtel.
Il était treize heures cinquante et Cavalier espérait ne pas tomber malencontreusement sur le « visiteur médical ».
En pénétrant dans le hall de l’hôtel, il se dirigea directement vers la réception et régla sa note en liquide. Puis, sans jeter de regards vers le bar ni vers la salle du restaurant, il monta au premier étage.
Il avait juste un sac de voyage et son ordinateur portable à récupérer.
Il fut surpris de découvrir qu’il était parti le matin sans fermer sa porte à clé. Mais peut-être la femme de ménage avait-elle oublié de le faire.
D’ailleurs le lit était fait et la chambre rangée.
Ce n’est qu’en se dirigeant vers la salle de bains qu’il aperçut deux pieds nus et un bas de pantalon de pyjama rayé dépassant des WC dont la porte était grande ouverte.
Jean Peligrini était affalé dans une attitude curieuse car la rondeur de son ventre l’avait calé dans le faible espace séparant la cuvette du mur.
La tête était rejetée en arrière, la panse faisait une proéminence monstrueuse, le sexe ratatiné et le reste pendouillaient tristement, les deux jambes légèrement écartées et allongées avec le pantalon descendu au-dessous du genou.
À l’odeur, il était évident qu’il avait été surpris en pleine poussée ou que la frayeur lui était subitement venue à son aide.
Pierre Cavalier retint sa respiration et joua les équilibristes pour se pencher vers le visage du mort.
C’était pas beau.
Le « visiteur médical » ne s’était pas laissé tirer en restant immobile. Assis sur le siège.
Du coup, il avait reçu trois balles.
Une sous l’œil gauche, l’autre dans la bouche qu’il avait dû garder grande ouverte ou que l’on avait forcée avec le canon du silencieux, et la troisième au milieu du front.
Celle-ci avait dû être la dernière tirée. Pour le principe. Le coup de grâce « humanitaire ». Car il ne devait déjà plus être là après celle dans l’œil si elle avait été la première. Et largement agonisant si la première avait été celle dans la bouche.
Bref, ce visage revisité par un Picasso porte-flingue était franchement dégueu et Pierre Cavalier sentit la cochonnaille corse se trémousser dans son estomac en plein milieu de la polenta de la grand-tante.
Pierre se retint au chambranle de la porte et détourna son regard. C’est alors qu’il réalisa qu’il ne se trouvait pas dans sa chambre. Maudissant les chambres d’hôtel « à l’identique ».
Il prit son mouchoir et essuya le chambranle puis la poignée de la porte de la chambre.
Il était sûr de n’avoir touché à rien d’autre.
Il se précipita vers sa chambre qui était en fait la suivante et s’énerva à l’ouvrir. Sa main tremblait comme une folle.
Dans sa chambre, le lit n’avait pas été fait et son sac était bien dans le désordre dans lequel il l’avait laissé.
Il se passa un peu d’eau sur le visage et alla pisser – toujours pisser après un choc ou une forte émotion, c’est important.
Puis il enfourna ses affaires de toilettes au milieu du fouillis de son sac et rangea son ordinateur dans sa mallette.
Sa main droite tremblait toujours.
Il attendit d’être rasséréné avant de sortir de la chambre et essaya de descendre l’escalier le plus calmement possible.
Il était deux heures vingt-cinq quand il rejoignit la voiture d’Élisa qui l’attendait avec impatience et de mauvaise humeur.
– Qu’est-ce que tu foutais ? dit-elle en démarrant nerveusement. J’étais folle d’angoisse et je vais être en retard pour mes consultations.
Puis elle se tut quand elle aperçut qu’il n’était pas dans son assiette.
En passant devant la ruelle, Pierre Cavalier aperçut une voiture de police qui se garait en plein milieu de la chaussée devant l’entrée de l’hôtel.
Il se sentait tétanisé et incapable de parler pour le moment.
Le commandant Cavalier était en train de réaliser que l’« exécuteur » s’était peut-être, lui aussi, tromper de chambre.
Il ne put s’empêcher de frissonner et regretta de n’être pas armé.
– Tu as froid ? demanda Élisa en se tournant vers lui, inquiète, alors qu’elle amorçait la marche arrière pour se garer près de son immeuble.
Il hocha la tête en signe de dénégation tout en continuant de frissonner.
Il n’avait qu’une envie. Prendre une aspirine et aller s’allonger pour se ressaisir et réfléchir.



© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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