vendredi 6 février 2009

Noir Express : "Pleurez, petites filles..." (C. C. IX) par Alain Pecunia, Chapitre 15

Chapitre 15





À quinze heures trente, ils se retrouvèrent tous dans les locaux de la Crim. Rejoints par les parents de Myriam qui tenaient un magasin de prêt-à-porter vers le métro Pasteur et le Dr Djamila Kamil.
Mise en confiance par la présence de la jeune femme médecin, la petite révéla son calvaire.
Jeff Derosier et elle étaient dans le même lycée. Ils avaient noué une relation amicale au début de l’année scolaire précédente alors qu’elle était en troisième et lui en seconde. Elle avait alors quatorze ans et lui seize ans. En cours d’année, leur relation évolua et ils firent l’amour après les vacances de février. Chez ses parents à elle. Le samedi en général, car leur magasin restait ouvert à l’heure du déjeuner ce jour-là de la semaine et ils n’avaient rien trouvé à redire à ce qu’un camarade de lycée vienne déjeuner avec leur fille.
Puis, à partir des vacances de Pâques de la même année, Jeff l’avait contrainte à faire l’amour à deux ou trois. Des copains de lycée à lui. Souvent les deux qui avaient été arrêtés aujourd’hui. Les plus réguliers. Mais, au total, il y en avait une dizaine qui « alternaient », selon le niveau de leur argent de poche. Car Myriam avait vite découvert que Jeff Derosier les faisait payer. Qu’en fait, il la prostituait purement et simplement.
Jeff Derosier tombait donc sous le coup de proxénétisme aggravé sur une mineure.
Myriam n’avait jamais été consentante pour coucher avec les « potes » du rejeton Derosier.
Le saligaud avait monté son « business » d’une façon très classique.
Au début de sa relation sexuelle avec Myriam, il avait convaincu celle-ci de se laisser prendre nue en photo.
– Juste avec un Polaroïd, avait-il dit. Comme ça, ça restera entre nous.
Au bout de quelques semaines de leur relation, il s’était tout simplement servi de ces photos pour la faire chanter. Menaçant de les divulguer dans le lycée si elle n’acceptait pas de coucher « juste une fois » avec un de ses copains.
– Je te le jure, après je les déchire.
Puis il y eut un deuxième copain.
Et de nouvelles photos prises en cachette.
De nouvelles menaces.
De nouveaux copains.
Jeff Derosier les faisait venir par un ou par deux. Question discrétion.
– Je me sens sale, fit-elle en ravalant ses larmes.
– Tu n’es pas sale, ma chérie, lui dit Djamila Kamil. Tu as été salie par des salopards.
Sa mère lui demanda pardon de ne s’être rendu compte de rien tandis que son père rêvait de justice expéditive.
Le capitaine Cavalier prit la déposition de Myriam et elle avait les larmes aux yeux lorsqu’elle la fit signer à la petite.
Pendant ce temps, le fils Derosier finissait de donner la liste de ses « clients » après être passé aux aveux dès que son père eut débarqué dans le bureau où il était détenu en attente d’interrogatoire.
Le commissaire principal avait demandé à rester dix minutes seul à seul avec son fils « pour s’expliquer ».
Au bout de cinq minutes de coups, bruits de chute et cris divers, ses collègues décidèrent d’intervenir pour que le fiston reste présentable au juge.
Faut dire que Jeff Derosier avait mal commencé en se plaignant à son père que les « enfoirés là » ne lui avaient pas lu ses droits lors de l’arrestation.
– Je vais te les lire, moi ! avait lâché méchamment le commissaire avant de s’enfermer seul à seul avec sa progéniture.
C’était un sanguin, le commissaire.
Il faillit même remettre ça quand il découvrit, en parcourant la déposition des deux « clients » de son fils, que celui-ci avait joué de la position de son père à la Crim pour les pousser à pratiquer des actes de sadisme sur la gamine. Jeff Derosier leur ayant fait miroiter « l’impunité »…
C’était un tel choc pour le commissaire que le divisionnaire le dispensa d’une perquisition en règle de son appartement. Il proposa un accommodement. Pierre Cavalier l’accompagnerait chez lui pour récupérer les photos qu’avait prises son fils.



© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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