Chapitre 3 (suite 2 et fin)
Jean Fernandi haussa les épaules et Philippe-Henri un sourcil dédaigneux.
– Mais quelle gloire avant, madame ! Justement, mardi 2 décembre, l’anniversaire d’Austerlitz…
Philippe-Henri chevauchait de bataille en bataille, loin des problèmes de santé de l’Empereur et donc de ceux de Nicole Puytrac qui, dépitée, ne s’efforçait même plus de feindre un quelconque intérêt poli.
Pierre, lui, songea que, justement, il devait s’envoler le 2 pour Ajaccio. « Coïncidence », se dit-il en haussant les épaules et commençant de déboucher sa « vieilles vignes ».
– L’Aigle corse…, disait Philippe-Henri sur la lancée de son cours magistral.
– Papa, il va voir les châtaignes en Corse, lui, le coupa Philippine vautrée avec le chaton Titi sur le canapé de cuir.
En temps ordinaire, rien n’aurait pu interrompre le cours de la logorrhée de Philippe-Henri. Mais, là, il se tut et, ébahi, scruta Pierre en un long questionnement muet.
Le temps fut comme suspendu et tous les regards se tournèrent vers Pierre Cavalier qui cherchait désespérément une parade en pensant à sa mission top secret.
– Euh-euh… (Ça semblait admiratif, mais, avec Patrice, on ne pouvait jamais être vraiment sûr si Phil n’effectuait pas une traduction simultanée.)
– De toute façon, moi, mon fils (elle ne l’appelait jamais par son prénom), ne me dit jamais rien ! lâcha amèrement Nicole Puytrac.
Philippe-Henri hocha la tête. Ce qu’elle prit pour un assentiment de cet homme curieux et néanmoins courtois. Mais Phil pensait à autre chose.
– Un vague projet, rien de bien précis, finit par dire Pierre en prenant un air détaché.
– Papa il nous abandonne demain maman et moi et Titi. Papa vilain ! intervint de nouveau Philippine.
– Elle dit n’importe quoi. Elle doit être fatiguée. D’ailleurs, à cette heure-ci…, tenta Isabelle pour venir au secours de son mari en difficulté.
– Non, je suis pas fatiguée et je mens pas, s’insurgea la petite en commençant de pleurer. Papa nous abandonne encore…
– Je comprends, dit l’indic de la DST dans un filet de voix en prenant un air entendu, mission secrète… Mais vous savez qu’avec nous…
– Justement, Pierre, le coupa Philippe-Henri, puisque nous sommes entre nous, racontez-nous. Vous allez où exactement ? Peut-être que vous pourriez nous ramener un souvenir si par bonheur c’était Ajaccio…
– Pour une fois, tu pourrais même penser à ta famille et rendre visite à ta grand-tante qui habite là-bas…, intervint Nicole Puytrac. Car vous savez, cher ami, poursuivit-elle en se tournant vers Phil, un de mes aïeuls a fait Waterloo… oui, oui, je sais, seulement Waterloo, pour avant il était trop jeune… mais il s’est comporté héroïquement. Nous en sommes très fiers dans la famille…
Pierre Cavalier ne se connaissait pas de parenté corse et se demandait si sa mère n’était pas encore partie dans une de ces affabulations dont elle avait le secret pour se rendre intéressante.
Le seul en qui il pouvait se fier côté discrétion et bouche cousue était Euh-Euh. Et pour cause. Mais il savait que Phil était capable de se vanter auprès de ses amis du Souvenir napoléonien que son « gendre », commandant à la Direction centrale de Renseignements généraux, se rendait en mission délicate en Corse. Et le pire était ce Jean Fernandi, indicateur de la DST. Même pire que sa mère…
Il se sentait mal parti dans cette mission déjà pourrie dans sa conception et qui devait être entourée du secret le plus absolu.
– Je ne pars que dans une semaine, dit-il en espérant que ce délai lui permettrait de mener à bien sa mission en cas d’indiscrétion de l’un ou de l’autre.
Il goûta sa « vieilles vignes » et fit une grimace de déception.
– Infect ! lâcha-t-il à un Jean Fernandi déçu. Bouchonné. Je la rapporterai au caviste.
Il se leva et se rendit dans la cuisine pour ranger précautionneusement la bouteille.
C’était un pur nectar. Mais Pierre Cavalier n’avait nulle envie de partager ce plaisir avec l’indic.
Elle ferait son dimanche. Et ce serait peut-être même sa dernière bonne bouteille, pensa-t-il en éprouvant une pointe de nostalgie.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Jean Fernandi haussa les épaules et Philippe-Henri un sourcil dédaigneux.
– Mais quelle gloire avant, madame ! Justement, mardi 2 décembre, l’anniversaire d’Austerlitz…
Philippe-Henri chevauchait de bataille en bataille, loin des problèmes de santé de l’Empereur et donc de ceux de Nicole Puytrac qui, dépitée, ne s’efforçait même plus de feindre un quelconque intérêt poli.
Pierre, lui, songea que, justement, il devait s’envoler le 2 pour Ajaccio. « Coïncidence », se dit-il en haussant les épaules et commençant de déboucher sa « vieilles vignes ».
– L’Aigle corse…, disait Philippe-Henri sur la lancée de son cours magistral.
– Papa, il va voir les châtaignes en Corse, lui, le coupa Philippine vautrée avec le chaton Titi sur le canapé de cuir.
En temps ordinaire, rien n’aurait pu interrompre le cours de la logorrhée de Philippe-Henri. Mais, là, il se tut et, ébahi, scruta Pierre en un long questionnement muet.
Le temps fut comme suspendu et tous les regards se tournèrent vers Pierre Cavalier qui cherchait désespérément une parade en pensant à sa mission top secret.
– Euh-euh… (Ça semblait admiratif, mais, avec Patrice, on ne pouvait jamais être vraiment sûr si Phil n’effectuait pas une traduction simultanée.)
– De toute façon, moi, mon fils (elle ne l’appelait jamais par son prénom), ne me dit jamais rien ! lâcha amèrement Nicole Puytrac.
Philippe-Henri hocha la tête. Ce qu’elle prit pour un assentiment de cet homme curieux et néanmoins courtois. Mais Phil pensait à autre chose.
– Un vague projet, rien de bien précis, finit par dire Pierre en prenant un air détaché.
– Papa il nous abandonne demain maman et moi et Titi. Papa vilain ! intervint de nouveau Philippine.
– Elle dit n’importe quoi. Elle doit être fatiguée. D’ailleurs, à cette heure-ci…, tenta Isabelle pour venir au secours de son mari en difficulté.
– Non, je suis pas fatiguée et je mens pas, s’insurgea la petite en commençant de pleurer. Papa nous abandonne encore…
– Je comprends, dit l’indic de la DST dans un filet de voix en prenant un air entendu, mission secrète… Mais vous savez qu’avec nous…
– Justement, Pierre, le coupa Philippe-Henri, puisque nous sommes entre nous, racontez-nous. Vous allez où exactement ? Peut-être que vous pourriez nous ramener un souvenir si par bonheur c’était Ajaccio…
– Pour une fois, tu pourrais même penser à ta famille et rendre visite à ta grand-tante qui habite là-bas…, intervint Nicole Puytrac. Car vous savez, cher ami, poursuivit-elle en se tournant vers Phil, un de mes aïeuls a fait Waterloo… oui, oui, je sais, seulement Waterloo, pour avant il était trop jeune… mais il s’est comporté héroïquement. Nous en sommes très fiers dans la famille…
Pierre Cavalier ne se connaissait pas de parenté corse et se demandait si sa mère n’était pas encore partie dans une de ces affabulations dont elle avait le secret pour se rendre intéressante.
Le seul en qui il pouvait se fier côté discrétion et bouche cousue était Euh-Euh. Et pour cause. Mais il savait que Phil était capable de se vanter auprès de ses amis du Souvenir napoléonien que son « gendre », commandant à la Direction centrale de Renseignements généraux, se rendait en mission délicate en Corse. Et le pire était ce Jean Fernandi, indicateur de la DST. Même pire que sa mère…
Il se sentait mal parti dans cette mission déjà pourrie dans sa conception et qui devait être entourée du secret le plus absolu.
– Je ne pars que dans une semaine, dit-il en espérant que ce délai lui permettrait de mener à bien sa mission en cas d’indiscrétion de l’un ou de l’autre.
Il goûta sa « vieilles vignes » et fit une grimace de déception.
– Infect ! lâcha-t-il à un Jean Fernandi déçu. Bouchonné. Je la rapporterai au caviste.
Il se leva et se rendit dans la cuisine pour ranger précautionneusement la bouteille.
C’était un pur nectar. Mais Pierre Cavalier n’avait nulle envie de partager ce plaisir avec l’indic.
Elle ferait son dimanche. Et ce serait peut-être même sa dernière bonne bouteille, pensa-t-il en éprouvant une pointe de nostalgie.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
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