Chapitre 14
Le samedi matin, Isabelle téléphona à Phil, qui n’avait pas de cours le samedi, pour qu’il vienne s’occuper de Philippine en fin de matinée.
Puis elle téléphona au lieutenant Lenoir pour lui demander de se trouver à hauteur du métro Dupleix à partir de onze heures trente et de l’y attendre.
Pierre Cavalier avait proposé son aide à sa femme. Ce qu’elle avait accepté de bon cœur, tout en prenant la peine de lui rappeler qu’il s’agissait de son affaire à elle. Elle lui avait demandé de traîner autour du jardin Nicole-de-Hauteclocque – que tout le monde appelait « le square » – à partir de onze heures et de rester en liaison avec elle et Lenoir.
Philippine était tout énervée à l’idée de passer sa journée avec son « Papy » et expliquait pour l’énième fois à son poisson rouge qu’elle allait lui présenter son grand-père.
Isabelle, elle, commença seulement de s’énerver quand elle constata que Philippe-Henri était en retard.
– Excuse-moi, Isa, dit-il en arrivant à onze heures vingt avec Euh-Euh, mais je suis passé prendre Patrice chez lui.
– OK, dit-elle. Ne faites pas de bêtises et n’oublie pas de faire réchauffer le repas de midi. Moi, je file !
Elle renonça à prendre sa voiture et retrouva Gilbert Lenoir une quinzaine de minutes plus tard au métro Dupleix.
Alors qu’elle terminait son bref topo, elle aperçut Malika, la beurette de Quimper, qui débouchait de la rue Daniel-Stern et la cherchait du regard.
Il était midi quinze.
Isabelle Cavalier et Gilbert Lenoir traversèrent alors le boulevard pour aller à sa rencontre.
Après un bref conciliabule, Malika alla se poster sous le métro à côté du feu tricolore à la sortie de la station.
Le lieutenant Lenoir se plongea dans la lecture des affichettes de l’agence immobilière qui faisait le coin du boulevard et de la rue Daniel-Stern et le capitaine se posta juste en face devant l’entrée de l’agence bancaire.
Il était midi vingt-cinq et, avec, un peu de chance, la petite Myriam ne tarderait plus.
Dix minutes plus tard, une gamine attendait que le feu tricolore passe au vert.
Malika traversa le boulevard à ses côtés quand le feu passa au rouge.
C’était le « signe » convenu.
Les deux policiers la laissèrent s’engager dans la rue Daniel-Stern.
Malika les ignora et descendit le boulevard.
La gamine, une petite brunette de quinze ans en jean et veste fourrée, avec un petit sac à dos, avançait tête baissée et l’air renfrogné.
Isabelle Cavalier eut un pincement de cœur et sentit la rage la prendre. Celle de punir les salauds qui la martyrisaient.
Quand la gamine eut parcouru dix mètres, Isabelle ordonna d’un léger mouvement de tête à Lenoir d’y aller.
Il devait dépasser Myriam et aller se poster à la hauteur de l’entrée de l’immeuble de la gamine.
Isabelle attendit qu’il ait parcouru une dizaine de mètres avant d’avancer en parallèle sur l’autre trottoir, à une trentaine de mètres de l’ado.
Un garçon de dix-sept ans environ, qui se tenait en face de l’immeuble de Myriam, traversa la rue et vint à la rencontre de la jeune fille quand elle ne fut plus qu’à une vingtaine de mètres de l’entrée.
Lenoir ne s’en rendit pas compte. Il dépassa la librairie-papeterie Une histoire et poursuivit son chemin jusqu’à l’entrée.
C’est alors qu’il entendit dans son oreillette Isabelle Cavalier lui demander de revenir un peu sur ses pas pour essayer de capter des bribes de conversation entre les deux jeunes gens.
Au même moment, Isabelle aperçut son mari qui se tenait dans le prolongement de la rue au niveau du square. Il se tenait immobile et lui fit signe d’attendre quand il eut capté son attention.
Elle était surprise qu’il n’utilise pas son micro. Peut-être était-il défectueux. Mais elle vit deux jeunes qui se tenaient non loin de lui et elle comprit qu’il avait dû craindre de se faire remarquer en l’utilisant.
Puis elle vit Myriam et l’ado au blouson de cuir se diriger côte à côte vers l’entrée de l’immeuble. L’ado semblait lui parler mais la gamine restait tête baissée, donnant un sentiment de résignation.
Isabelle traversa la rue et se posta devant la librairie-papeterie.
Pierre parla alors dans son micro et demanda à Isabelle et à Lenoir de laisser passer les jeunes sans les suivre.
– Il y a plus, dit-il sibyllin.
Isabelle Cavalier chercha des yeux son mari et remarqua qu’il avait tourné le dos aux jeunes et s’était déplacé de quelques mètres.
Le lieutenant et le capitaine se mirent donc à contempler chacun de leur côté les titres des journaux dans les présentoirs à l’extérieur et les cartes postales sur leurs tourniquets.
Cinq minutes plus tard, Lenoir et Isabelle, qui commençait de s’impatienter, entendirent le bref message de Pierre Cavalier :
– Ils arrivent. Laissez passer. Rejoignez-moi.
Isabelle se mit alors en mouvement. Suivi par Gilbert avec un temps de retard.
En marchant, vers le square, ils croisèrent les deux garçons d’une quinzaine d’années qui se dirigeaient vers l’immeuble et riaient entre eux.
Ils ne leur prêtèrent pas la moindre attention. Ils donnaient l’impression d’être sur un bon coup.
Lorsqu’ils eurent rejoint le commandant Pierre Cavalier sur la petite esplanade devant le square et qu’il leur dit : « Ça va être bon ! », Isabelle eut un petit pincement.
Elle avait juste accepté un coup de main de son mari – qui était d’ailleurs le bienvenu – et voilà qu’il semblait prendre la direction des opérations alors qu’il s’agissait de sa propre enquête à elle !
Mais elle n’eut pas le temps de reprendre les choses en main.
– On leur laisse dix minutes d’avance, était en train de dire son mari, et nous avons un super flag !
– Explique ! dit-elle sèchement.
– En traînant autour du square, j’ai repéré deux jeunes qui semblaient attendre. Ils m’ont intrigué et j’ai réussi à saisir des bribes de conversation. Qu’ils attendaient l’appel d’un certain Jeff avant d’ « y aller ». Et puis, quand ils ont aperçu au loin la gamine dans la rue, ils ont dit : « C’est elle ! » Ils m’ont semblé tout excités. L’un d’eux a dit : « Faut attendre que Jeff appelle. » Cinq minutes plus tard, le portable de l’un d’eux a sonné et ils sont partis. À mon avis, ce sont nos « clients ».
– T’as intérêt ! lâcha d’un ton rogue Isabelle Cavalier.
Son mari sourit légèrement et regarda sa montre.
– On peut y aller ! ordonna-t-il.
– Mais on ne sait pas dans quel appart ça se passe ! objecta Gilbert Lenoir.
– T’es con, parfois, Gilbert ! se défoula Isabelle Cavalier. Si le gus attendait la gosse dans la rue, c’est qu’il n’est pas de l’immeuble et les deux autres non plus. Donc ça se passe dans l’appart de la petite. Et Djamila nous a donné l’escalier, l’étage et le numéro.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Le samedi matin, Isabelle téléphona à Phil, qui n’avait pas de cours le samedi, pour qu’il vienne s’occuper de Philippine en fin de matinée.
Puis elle téléphona au lieutenant Lenoir pour lui demander de se trouver à hauteur du métro Dupleix à partir de onze heures trente et de l’y attendre.
Pierre Cavalier avait proposé son aide à sa femme. Ce qu’elle avait accepté de bon cœur, tout en prenant la peine de lui rappeler qu’il s’agissait de son affaire à elle. Elle lui avait demandé de traîner autour du jardin Nicole-de-Hauteclocque – que tout le monde appelait « le square » – à partir de onze heures et de rester en liaison avec elle et Lenoir.
Philippine était tout énervée à l’idée de passer sa journée avec son « Papy » et expliquait pour l’énième fois à son poisson rouge qu’elle allait lui présenter son grand-père.
Isabelle, elle, commença seulement de s’énerver quand elle constata que Philippe-Henri était en retard.
– Excuse-moi, Isa, dit-il en arrivant à onze heures vingt avec Euh-Euh, mais je suis passé prendre Patrice chez lui.
– OK, dit-elle. Ne faites pas de bêtises et n’oublie pas de faire réchauffer le repas de midi. Moi, je file !
Elle renonça à prendre sa voiture et retrouva Gilbert Lenoir une quinzaine de minutes plus tard au métro Dupleix.
Alors qu’elle terminait son bref topo, elle aperçut Malika, la beurette de Quimper, qui débouchait de la rue Daniel-Stern et la cherchait du regard.
Il était midi quinze.
Isabelle Cavalier et Gilbert Lenoir traversèrent alors le boulevard pour aller à sa rencontre.
Après un bref conciliabule, Malika alla se poster sous le métro à côté du feu tricolore à la sortie de la station.
Le lieutenant Lenoir se plongea dans la lecture des affichettes de l’agence immobilière qui faisait le coin du boulevard et de la rue Daniel-Stern et le capitaine se posta juste en face devant l’entrée de l’agence bancaire.
Il était midi vingt-cinq et, avec, un peu de chance, la petite Myriam ne tarderait plus.
Dix minutes plus tard, une gamine attendait que le feu tricolore passe au vert.
Malika traversa le boulevard à ses côtés quand le feu passa au rouge.
C’était le « signe » convenu.
Les deux policiers la laissèrent s’engager dans la rue Daniel-Stern.
Malika les ignora et descendit le boulevard.
La gamine, une petite brunette de quinze ans en jean et veste fourrée, avec un petit sac à dos, avançait tête baissée et l’air renfrogné.
Isabelle Cavalier eut un pincement de cœur et sentit la rage la prendre. Celle de punir les salauds qui la martyrisaient.
Quand la gamine eut parcouru dix mètres, Isabelle ordonna d’un léger mouvement de tête à Lenoir d’y aller.
Il devait dépasser Myriam et aller se poster à la hauteur de l’entrée de l’immeuble de la gamine.
Isabelle attendit qu’il ait parcouru une dizaine de mètres avant d’avancer en parallèle sur l’autre trottoir, à une trentaine de mètres de l’ado.
Un garçon de dix-sept ans environ, qui se tenait en face de l’immeuble de Myriam, traversa la rue et vint à la rencontre de la jeune fille quand elle ne fut plus qu’à une vingtaine de mètres de l’entrée.
Lenoir ne s’en rendit pas compte. Il dépassa la librairie-papeterie Une histoire et poursuivit son chemin jusqu’à l’entrée.
C’est alors qu’il entendit dans son oreillette Isabelle Cavalier lui demander de revenir un peu sur ses pas pour essayer de capter des bribes de conversation entre les deux jeunes gens.
Au même moment, Isabelle aperçut son mari qui se tenait dans le prolongement de la rue au niveau du square. Il se tenait immobile et lui fit signe d’attendre quand il eut capté son attention.
Elle était surprise qu’il n’utilise pas son micro. Peut-être était-il défectueux. Mais elle vit deux jeunes qui se tenaient non loin de lui et elle comprit qu’il avait dû craindre de se faire remarquer en l’utilisant.
Puis elle vit Myriam et l’ado au blouson de cuir se diriger côte à côte vers l’entrée de l’immeuble. L’ado semblait lui parler mais la gamine restait tête baissée, donnant un sentiment de résignation.
Isabelle traversa la rue et se posta devant la librairie-papeterie.
Pierre parla alors dans son micro et demanda à Isabelle et à Lenoir de laisser passer les jeunes sans les suivre.
– Il y a plus, dit-il sibyllin.
Isabelle Cavalier chercha des yeux son mari et remarqua qu’il avait tourné le dos aux jeunes et s’était déplacé de quelques mètres.
Le lieutenant et le capitaine se mirent donc à contempler chacun de leur côté les titres des journaux dans les présentoirs à l’extérieur et les cartes postales sur leurs tourniquets.
Cinq minutes plus tard, Lenoir et Isabelle, qui commençait de s’impatienter, entendirent le bref message de Pierre Cavalier :
– Ils arrivent. Laissez passer. Rejoignez-moi.
Isabelle se mit alors en mouvement. Suivi par Gilbert avec un temps de retard.
En marchant, vers le square, ils croisèrent les deux garçons d’une quinzaine d’années qui se dirigeaient vers l’immeuble et riaient entre eux.
Ils ne leur prêtèrent pas la moindre attention. Ils donnaient l’impression d’être sur un bon coup.
Lorsqu’ils eurent rejoint le commandant Pierre Cavalier sur la petite esplanade devant le square et qu’il leur dit : « Ça va être bon ! », Isabelle eut un petit pincement.
Elle avait juste accepté un coup de main de son mari – qui était d’ailleurs le bienvenu – et voilà qu’il semblait prendre la direction des opérations alors qu’il s’agissait de sa propre enquête à elle !
Mais elle n’eut pas le temps de reprendre les choses en main.
– On leur laisse dix minutes d’avance, était en train de dire son mari, et nous avons un super flag !
– Explique ! dit-elle sèchement.
– En traînant autour du square, j’ai repéré deux jeunes qui semblaient attendre. Ils m’ont intrigué et j’ai réussi à saisir des bribes de conversation. Qu’ils attendaient l’appel d’un certain Jeff avant d’ « y aller ». Et puis, quand ils ont aperçu au loin la gamine dans la rue, ils ont dit : « C’est elle ! » Ils m’ont semblé tout excités. L’un d’eux a dit : « Faut attendre que Jeff appelle. » Cinq minutes plus tard, le portable de l’un d’eux a sonné et ils sont partis. À mon avis, ce sont nos « clients ».
– T’as intérêt ! lâcha d’un ton rogue Isabelle Cavalier.
Son mari sourit légèrement et regarda sa montre.
– On peut y aller ! ordonna-t-il.
– Mais on ne sait pas dans quel appart ça se passe ! objecta Gilbert Lenoir.
– T’es con, parfois, Gilbert ! se défoula Isabelle Cavalier. Si le gus attendait la gosse dans la rue, c’est qu’il n’est pas de l’immeuble et les deux autres non plus. Donc ça se passe dans l’appart de la petite. Et Djamila nous a donné l’escalier, l’étage et le numéro.
© Alain Pecunia, 2009.
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