jeudi 5 février 2009

Noir Express : "Pleurez, petites filles..." (C. C. IX) par Alain Pecunia, Chapitre 14 (suite et fin)

Chapitre 14 (suite et fin)





Huit minutes plus tard, ils atteignaient la porte de l’appartement. Il était presque treize heures dix.
En prêtant l’oreille, ils entendirent des gémissements étouffés sur fond de musique techno.
Une grand-mère qui revenait de courses leur demanda même s’ils venaient pour la musique « trop forte ».
Évidemment, avec plusieurs appartements par étage et à l’heure du déjeuner, ça ne pouvait passer totalement inaperçu. Surtout lorsqu’ils décidèrent de fracasser la porte d’entrée après que leurs coups de sonnette et leurs « Ouvrez, police ! » furent restés sans réponse. Une de ces portes que l’on fait de plus en plus solides même dans les immeubles dits « sociaux ».
Gilbert et Pierre tentaient donc d’« ouvrir », tandis que le capitaine Cavalier répétait : « Police ! Ne restez pas là, intervention ! », arme de service au poing dans une main et plaque de police dans une autre, au fur et à mesure que les voisins faisaient leur apparition seuls, en couple ou en famille dans le couloir. Et que la petite grand-mère ne cessait de répéter dans la plus parfaite indifférence que c’était peut-être beaucoup de remue-ménage pour « juste de la musique trop forte ».
Il y eut même un « ami » de la police qui cria : « J’appelle la police ! » Et qui le fit.
C’est vrai, ce n’était pas tout à fait évident qu’elle fût déjà là. Dans leur précipitation, les trois policiers avaient oublié de passer leur brassard réglementaire. De toute façon, ils l’avaient oublié en ce qui concerne Isabelle et Gilbert. Pierre Cavalier, lui, ça faisait longtemps qu’il ne s’en encombrait plus.
Lorsque la porte fut finalement « ouverte » sous leurs coups de boutoir, Pierre Cavalier découvrit le spectacle de trois garçons en train de finir de se rhabiller à la va-vite et d’une gamine terrorisée, recroquevillée sur le divan du salon. Avec ses pleurs pour seule parure.
L’adolescent qui semblait l’aîné, le « Jeff », regardait les deux policiers – Isabelle s’efforçait toujours de « contrôler » le couloir – avec arrogance. Mais les deux plus jeunes les agressèrent avec rage avec tout ce qui pouvait leur tomber sous la main et que l’on peut trouver dans un salon : chaise, vase, bibelots divers, téléphone, coupe-papier…
Ils furent maîtrisés avec difficulté et le couloir ne fut réellement « contrôlé » qu’à l’arrivée de quatre flics du quartier de la BAC de jour.
Une fois l’extérieur sous contrôle des « collègues » qui faisaient la gueule parce qu’ « on aimerait bien, quand même, être prévenus de ce genre de rodéo sur notre secteur », et les deux récalcitrants maîtrisés, le capitaine Isabelle Cavalier pénétra dans l’appartement et pu tenter de reprendre les choses en main.
Elle constata d’abord avec plaisir – malsain, reconnut-elle plus tard devant Pierre, mais plaisir quand même – que son mari et Lenoir étaient tout essoufflés et n’avaient pas su parer tous les coups qui leur avaient été portés par les deux ados.
– Coups et blessures sur agents de la force publique, rébellion à autorité, dit-elle aux jeunes, plus viol en réunion, ça va vous coûter un max, mes cocos !
Ce qui n’eut pas l’air de les inquiéter outre mesure.
Surtout le plus âgé qui la toisait et semblait la narguer.
– Tu vas moins rire tout à l’heure ! lui lâcha-t-elle férocement tout en aidant la gamine toujours en pleurs à s’emmitoufler dans une couverture.
– Je m’en fous. Je suis fils de flic ! lui rétorqua-t-il.
Les trois policiers en restèrent bouche bée.
Le commandant Pierre Cavalier fut le premier à se ressaisir.
– C’est quoi le nom de ton père ?
– Derosier ! jeta avec arrogance l’ado.
Les policiers se regardèrent avec stupeur sous le regard narquois des trois jeunes.
– Derosier… comme le commi…, balbutia Lenoir.
– Comme le commissaire principal Derosier, oui ! lâcha Jeff Derosier.
– Oh ! la merde… Quel coup tordu ! dit Pierre.


© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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