mardi 26 octobre 2010

Noir Express : "Une putain d'histoire" (C. C. XVI) par Alain Pecunia, Chapitre 34

Chapitre 34





Le commissaire René Bellou arriva vers quatorze heures à la direction régionale des Renseignements généraux.
Une bonne nouvelle l’y attendait. Sa nomination comme divisionnaire n’était plus qu’une question de jours. Une quinzaine, tout au plus.
Ragaillardi, le commissaire régla d’une main de maître les affaires pendantes du service qui s’étaient accumulées pendant ses dernières absences.
Il prit même un whisky en fin d’après-midi avec ses collaborateurs les plus proches.
Mais il fallut que le capitaine Breton lui gâche ce moment de détente en lui rappelant qu’il ne fallait « pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tuer ».
Il le fusilla du regard. Celui-là, il le ferait muter quand il serait divisionnaire. Il voulait lui porter la poisse, ou quoi !
René Bellou quitta Nantes d’humeur morose. À cause de ce petit con de Breton, bien sûr, mais surtout de ses enfoirés de mômes qui risquaient de tout faire foirer s’il ne leur mettait pas la main dessus dans les quinze jours.
Il poursuivit la route jusqu’à Pornic en se demandant quel petit truand de ses connaissances pourrait lui rendre le service de l’en débarrasser en échange de sa mansuétude.
C’était le seul plan qui vaille.
En tuant lui-même ses mômes, surtout trois, il prendrait trop de risques. Tandis qu’un truand, une fois qu’on n’a plus besoin de lui, une bavure suffit.
Oui, c’était ça la solution, et ce serait bien le diable, pensa-t-il, en ouvrant la porte d’entrée de sa villa, s’il n’en dénichait pas un dans les quarante-huit heures.
En fin de compte, c’était une connerie de monter à Deauville. Qu’est-ce qu’il aurait fait là-bas sans main-d’œuvre à disposition ?
Le « Bonsoir, papa » jeté par deux voix enfantines quand il alluma le salon lui glaça instantanément les sangs et l’esprit – ce qui était nettement de loin le plus ennuyeux, surtout en ces circonstances.
Il n’eut pas de mal à mettre un nom sur ses deux filles qui se tenaient à poil au milieu du salon. Il y avait une plus grande et une plus petite. Mais la plus grande était la plus jeune et vice versa. Bref, Zoé et Chloé. Tout le portrait de leur mère. Belles à damner un saint et une putain d’âme noire. Aussi noir que le doberman vautré aux pieds de Zoé et indifférent à l’intrus.
Deux baffes et il allait les rhabiller, sauf que Chloé tenait son Remington à bout de bras pointé sur lui.
Quant à Zoé et Chloé, elles étaient déçues de découvrir un petit être rondouillard et chauve paraissant la soixantaine.
– À poil, papa chéri ! lui ordonna Chloé en agitant l’arme.
Dans la police, on vous apprend toujours qu’il ne faut pas faire le mariole avec un dingue. Alors deux !
Fallait procéder avec doigté et psychologie. Rentrer dans le jeu du déjanté.
Mal à l’aise, le commissaire René Bellou entreprit de se déshabiller devant ses filles en s’efforçant de penser que, de toute façon, c’étaient deux putes, elles avaient sûrement raison sur ce point, et qu’il n’avait qu’à imaginer qu’il était invité à une partouze.
Ses filles sourirent quand il dévoila sa nudité. Le corps velu jusqu’aux doigts de pied, les couilles pendantes et la bistouquette toute riquiqui.
– Et maintenant ? fit Bellou en tentant de rentrer le ventre et prenant un ton faussement dégagé.
– On va te montrer comment nous avons été élevées par notre papa Terrassou, dit Chloé avec un regard triste.
Le commissaire Bellou se sentit la bouche sèche.
– Allonge-toi, lui ordonna sèchement sa fille en dirigeant le canon du fusil vers le tapis.
Le chien leva vers l’homme un regard morne quand il s’allongea sur le sol. Bellou se surprit à avoir une pensée stupide. « Bouffe trop, ce chien. »
Le commissaire René Bellou eut beaucoup de mal à jouir la première fois.
Quand Chloé passa le fusil à sa sœur et s’approcha de lui lascivement, il se mit à pleurer et implorer comme une femme violée.
– C’est rien, mon petit papa. Toi, ça ne va durer qu’une nuit, tandis que nous ça a duré des années…


© Alain Pecunia, 2010.
Tous droits réservés.

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