mercredi 6 octobre 2010

Noir Express : "Une putain d'histoire" (C. C. XVI) par Alain Pecunia, Chapitre 11

Chapitre 11





Un peu avant deux heures du matin, les sœurs Terrassou descendirent les deux étages. Elles ne portaient chacune qu’un grand sac de voyage en toile noire contenant l’essentiel de leurs effets.
Chloé était tendue et Zoé faisait la gueule. Elle aimait bien Deauville et n’appréciait pas que sa sœur ait refusé de lui dévoiler leur destination.
L’aînée bascula la porte du box avec appréhension. Elle virait parano avec toutes ces histoires des mille et une façons de donner la mort subrepticement dont les bassinait parfois Jacques-Henri en leur racontant ces années d’infanterie de marine.
Elle haussa les épaules. Ce con, il avait pas les moyens de se procurer des explosifs.
« Tu sais, on peut faire des explosifs avec quasiment n’importe quoi. Tu peux tout trouver au supermarché. » Elle crut entendre sa voix et sentait sa présence. Elle réprima un frisson.
« Merde, se dit-elle. Il peut pas être plus terrible que l’ogre et, lui, j’ai fini par le baiser. »
Chloé devait réfléchir pour deux car sa sœur était totalement inconsciente du danger.
Elle n’eut même pas le temps de lui dire de faire gaffe en ouvrant grand le coffre qui ne fermait plus que Zoé avait déjà jeté son sac à l’intérieur.
Mais rien ne se produisit.
De toute façon, se dit-elle, Jacques-Henri n’était pas assez con pour faire sauter la bagnole dans le box. Il devait bien se douter que la police remonterait à lui directement.
Chloé se sentit soulagée. Elle pouvait démarrer sa voiture sans crainte. Mais elle sentit que quelque chose clochait quand elle posa son sac dans le coffre. Sa BM lui paraissait plus basse, légèrement.
Elle pensa immédiatement à un pneu crevé et pesta intérieurement contre ce contretemps tout en se penchant vers le pneu arrière droit.
– Merde, dit-elle à haute voix, on a un pneu entièrement dégonflé.
Elle frissonna en découvrant qu’il avait été volontairement crevé. L’incision sur le flanc était béante.
Zoé, qui avait pris place au volant, sortit du véhicule et rejoignit sa sœur. Elle ne put s’empêcher de jeter un regard craintif vers l’extérieur.
– Tu surveilles dehors et moi je change la roue, lança Chloé la voix tendue de nervosité.
Mais son cœur se mit à battre la chamade dès qu’elle eut dégagé la roue de secours.
Elle aussi était éventrée.
– Saloperie !
– Quoi ? fit sa sœur en se retournant vers elle.
Zoé n’avait jamais vu son aînée paniquer en quoi que ce soit. Toujours elle faisait face et savait trouver la solution, même dans les situations les plus limites – et Dieu sait qu’elles en avaient vécu ! Mais, là, l’expression du regard de Chloé ne trompait pas. Zoé en fut même choquée. Elle la sentait sur le point de craquer.
– Qu’est-ce qui se passe ? demanda Zoé inquiète en se dirigeant vers elle.
Sans un mot, sa sœur lui désigna l’intérieur du coffre.
– L’enflure ! cria Zoé d’une voix suraiguë en découvrant le pneu éventré.


© Alain Pecunia, 2010.
Tous droits réservés.

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