vendredi 8 octobre 2010

Noir Express : "Une putain d'histoire" (C. C. XVI) par Alain Pecunia, Chapitre 14


Chapitre 14





En sortant du hall de l’immeuble, à sept heures cinq, pour sa demi-heure de footing quotidien immuable, Eusèbe Clovis marqua un temps d’arrêt quand il vit les deux sœurs Terrassou sortir de leur box et se précipiter vers lui telles deux naufragées apercevant la bouée salvatrice.
Il était satisfait du petit numéro qu’il avait mis au point avec Bellou, mais il ne pensait pas qu’il produirait un tel effet.
« Elles ont dû avoir une sacrée pétoche pour passer leur nuit là-dedans ! » se dit-il en souriant. Sourire que Zoé et Chloé prirent pour un encouragement.
– Il faut que nous vous parlions, monsieur Clovis, dit Chloé d’un ton tout empreint de gravité. C’est important. Mais pas ici…
Il se laissa entraîné, amusé et curieux, par les deux sœurs jusqu’à leur box.
Quand elles refermèrent la porte basculante et qu’il se retrouva avec elles dans la pénombre, l’une des réflexions de Bellou lui revint à l’esprit. « Faut quand même faire gaffe avec elles. Elles sont complètement tordues. »
Trois quarts d’heure plus tard, après les avoir écoutées de plus en plus attentivement, il était convaincu qu’elles étaient effectivement tordues. Mais elles n’étaient pas les deux seules et il avait hâte d’avoir une franche explication avec le marsouin Bellou.
– Qu’est-ce que vous allez faire pour nous aider, monsieur Clovis ? demanda anxieuse Chloé.
– On vous a tout dit, je vous le jure, surenchérit la cadette qui n’en menait pas large.
Le policier municipal Eusèbe Clovis pensait depuis un bon moment que tout cela n’était pas de son ressort ni même de celui du commissariat. Il se serait d’ailleurs bien passé des confidences des deux jeunes femmes concernant les deux crimes jusqu’alors inexpliqués. Et, si elles disaient vrai – et ce devait l’être tout au moins en partie –, il abritait l’auteur des deux crimes chez lui depuis presque quarante-huit heures.
Bref, sa carrière peinarde était plus que compromise et il se voyait déjà en train de signer sa lettre de démission.
– Écoutez, finit-il par dire, vous ne pouvez pas rester ici. Vous allez finir par attirer l’attention sur vous (et sur moi, pensa-t-il in petto). Moi, je monte me changer et je pars débrouiller l’affaire au commissariat. Vous attendez une petite demi-heure avant de rentrer chez vous (j’ai vraiment pas envie qu’on me voie avec elles et j’ai besoin d’un peu de temps) et vous attendez mon retour sans répondre à personne. Mais ne vous inquiétez pas, tout ira bien, ajouta-t-il pour les rassurer tout en pensant qu’il devait surtout s’inquiéter pour lui
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© Alain Pecunia, 2010.
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