dimanche 26 avril 2009

Noir Express : "Sur le quai" (C. C. XI) par Alain Pecunia, Chapitre 14

Chapitre 14





Alexandre Caillard se ressentait encore de son cauchemar de la nuit lorsqu’il prit son petit déjeuner.
Dany et son bâtard de fils le regardaient bizarrement. Il se dit qu’il devait avoir une sale tête.
Puis Jean fila dans sa chambre sans avoir ouvert la bouche une seule fois. Comme sa mère, d’ailleurs.
Tout en pliant sa serviette, il annonça à sa femme son intention de se rendre en début d’après-midi à D…, le bourg des Yvelines dont il était le maire.
– Ça me changera les idées, dit-il, et j’ai trop négligé mes administrés ces derniers temps. Lundi, j’ai conseil et nous pourrions y passer le week-end. Qu’en penses-tu ?
Elle haussa les épaules. Ce pouvait être un acquiescement.
L’ancien presbytère avec son jardin de curé était son principal havre de paix.
Il se reposait pour la bonne marche de la mairie sur son premier adjoint, mais D… n’était situé qu’à une trentaine de kilomètres de Paris et il pouvait s’y rendre dans la journée en tant que de besoin.
D’ailleurs, depuis la mort de François Cavalier, il caressait l’idée de briguer un mandat de député ou de s’investir plus avant dans la vie du canton pour – pourquoi pas ? – parvenir au saint des saints de la vie parlementaire, le Sénat.
Après la notoriété et la célébrité, il souhaitait la notabilité.
Il en oublia quelques instants cette histoire de coups de fil anonymes. Quand le téléphone sonna.
Mais c’était Nathalie.
– Ça va, papa ? T’as passé une bonne nuit ?
Pourquoi lui demandait-elle ça ? Mais il était si heureux de l’entendre qu’il fit l’impasse.
– Bien sûr, ma chérie, répondit-il tendrement. Tu as quelque chose à me dire ?
– Non, je t’appelais juste comme ça. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’inquiète un peu pour toi en ce moment. Je ne te trouve pas dans ton assiette.
– Je t’assure, tout va bien. À propos, nous passons le week-end à D… Tu pourrais nous y rejoindre, non ?
Il sentit une hésitation dans la voix de sa fille.
– Je verrai. J’ai beaucoup de travail en ce moment.
Quand elle eut raccroché, il se sentit déçu.
Depuis un an, elle l’appelait régulièrement, mais il ne la voyait guère.
Il se traita d’égoïste. La pauvre, elle avait du mal à guérir de sa déception amoureuse. C’était sûrement ça.
Ses nouvelles fonctions de substitut du procureur l’accaparaient également beaucoup trop.
Peut-être se noyait-elle dans le travail pour oublier.
Il devait lui parler.



© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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