samedi 18 avril 2009

Noir Express : "Sur le quai" (C. C. XI) par Alain Pecunia, Chapitre 8 (suite 1)

Chapitre 8 (suite 1)





Un soir, il eut même la surprise de tomber sur une réunion de groupe mao dont le secrétaire était François Cavalier.
Puis tout s’accéléra quand, jeune avocat, il devint au début des années soixante-dix l’un des défenseurs attitrés des gauchistes. Sous la pression, à présent « amicale », de François Cavalier.
Plus spécialement des « terroristes ».
Une curieuse nébuleuse d’idéalistes et de provocateurs patentés, qui excitait les convoitises manipulatrices de nombreux services tant hexagonaux qu’étrangers dont c’est là la raison d’être.
D’abord dans la région toulousaine, chez les précurseurs d’Action directe. Mais ça restait malgré tout du menu fretin.
Ils étaient du genre bricolos et pas très finauds.
Dès qu’il y en avait trois de réunis, on était sûr de trouver un pur, un indic, un flic.
Faut dire que le « Service » y faisait défiler ses nouvelles recrues pour les aguerrir à la manipulation et leur donner une formation sur le tas. Ils appelaient ça « l’immersion en milieu hostile ».
C’était peinard, en un sens. Il y avait de bons côtés. Avec de bons plans.
C’était une époque où il était plus facile de baiser en se présentant comme un « Che » en puissance qu’en sortant sa carte barrée de tricolore.
Et ça jactait des nuits entières !
C’en était même parfois écœurant de facilité. Certaines recrues du « Service » finirent par craquer et préférèrent renoncer. Elles ne supportaient plus ce sale boulot de manipuler des « innocents », alors qu’ils baisaient les mêmes copines et se passaient le même joint.
– Ils sont trop cons ces révos. Ils sont dangereux que pour eux-mêmes, disaient certains.
Lui-même fut soulagé de passer au stade supérieur – la pêche au gros – quand son début de notoriété « révolutionnaire » l’amena à fréquenter les milieux nationalistes basques et à rencontrer de nombreux militants de l’ETA réfugiés en France dont il devint le défenseur.
C’est fou ce qu’on peut faire confiance à son avocat !
Il ramenait à François Cavalier des informations qui valaient leur pesant d’or. Et le « Service » savait être reconnaissant envers ses serviteurs.
Plus tard, quand le gouvernement socialiste espagnol envoya ses « escadrons de la mort » sur le territoire français pour éliminer ces mêmes militants, il eut l’occasion de revoir l’ancien commissaire franquiste José Perez. À présent sous-directeur d’un service de police espagnol supervisant ces « éliminations ».
La première fois qu’il le revit, ce fut au cours d’un voyage à Madrid où il accompagnait François Cavalier.
Ils furent reçus somptueusement et Cavalier le chargea de transmettre régulièrement à Perez les coordonnées en France des militants réfugiés. Que lui-même, Alexandre Caillard, recueillait grâce à ses multiples connaissances dans le milieu.
De temps à autre, l’« éliminé » était un de ses clients.
Ce fut un grand moment de volupté dans sa vie.
Jamais le double jeu ne lui procura autant de plaisir et de satisfaction morale.
Car il œuvrait au salut de la jeune démocratie espagnole.
Ironie du destin.



© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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