mardi 14 avril 2009

Noir Express : "Sur le quai" (C. C. XI) par Alain Pecunia, Chapitre 6

Chapitre 6





En sortant de la station, l’inconnu, qui n’avait pas desserré son étreinte sur son bras gauche, entraîna Alexandre Caillard vers une 403 grise stationnée une cinquantaine de mètres plus haut sur le boulevard.
– Nous allons vous déposer près de chez vous, dit-il en lui ouvrant la portière arrière.
Lui-même s’installa à côté de l’homme qui se tenait au volant et qui semblait être sa copie conforme.
Puis il se tourna à demi vers Alexandre Caillard.
– Nous attendons quelqu’un et nous y allons. Il ne va pas tarder, lui dit-il en guise d’explication. Ça va mieux ?
Caillard hocha la tête en signe d’assentiment. Mais il se sentait bizarre, comme ailleurs. Dans un mauvais rêve.
– Tiens, le voilà, justement, dit le chauffeur en faisant démarrer le moteur de la 403.
Alexandre Caillard tourna la tête vers l’homme d’une vingtaine d’années qui venait d’ouvrir la portière opposée et prenait place à son côté, derrière le chauffeur.
– Enchanté de faire votre connaissance, dit-il en lui tendant la main.
Alexandre Caillard la serra machinalement.
– Tout est OK, dit le nouveau venu en s’adressant au chauffeur et à l’inconnu du quai.
Puis il se tourna vers Caillard tandis que la 403 s’insérait dans la circulation.
– J’étais en bas pour superviser, expliqua-t-il. Pour empêcher les problèmes, si vous voulez. Bon, tout s’est parfaitement passé et nous vous ramenons chez vous.
Alexandre Caillard hocha la tête.
Le nouveau venu tentait de saisir son regard et de capter son attention.
– Dorénavant, reprit-il, vous n’entendrez plus parler du commissaire Perez. Je serai votre contact. Pour l’instant, profitez de vos vacances et oubliez tout ça. Nous nous reverrons en octobre.
Caillard hochait la tête machinalement.
Il ne comprenait pas tout ce que lui disait le nouveau venu.
Dans son esprit, l’élimination de Jean Lestrade était un point final. Une façon de se débarrasser de son passé et de tourner la page. Jamais il n’avait envisagé quoi que ce soit d’autre.
Pourquoi un contact ? Pour quoi faire ?
Qui étaient ces trois inconnus.
– Vous êtes français ? demanda-t-il timidement.
Le chauffeur et l’inconnu du quai rirent gaiement.
Le nouveau venu souriait franchement. Mais son sourire exprimait la tranquille assurance du félin.
– Ne vous inquiétez pas, dit-il, nous sommes français et nous appartenons à un service français. Mais nous avons parfois des intérêts communs avec le service de Perez, comme aujourd’hui. Pour échanger des informations ou un coup de main. Les Espagnols nous ont beaucoup aidés pour neutraliser nos activistes de l’OAS qui s’étaient réfugiés en Espagne. Ils se sont retournés contre eux après les avoir soutenus et, en échange, nous avons neutralisé leurs activistes antifascistes réfugiés chez nous. Malheur aux vaincus !
Puis il lui sous-entendit qu’il n’aurait pas à regretter sa collaboration « patriotique ». Qu’il en verrait son existence grandement facilitée.
– Nous ferons de vous un grand avocat, conclut-il en lui tapotant le bras.
Alexandre Caillard s’efforça de sourire.
Il n’avait pas le choix. Depuis le début il était piégé. À présent, il se retrouvait pieds et poings liés.
Des inconnus jouaient avec lui et le mettaient sur des rails – il frémit à cette évocation et entendit résonner le bruit mat du corps de Lestrade heurté par la cabine.
Qui était mort sans même un cri.


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