jeudi 28 août 2008

Noir Express : "Cadavres dans le blockhaus" (C. C. IV) par Alain Pecunia, Chapitre 8

Chapitre 8





Mais neuf jours plus tard, ce mercredi 11 juin, après cette pêche cauchemardesque d’il y a à peine deux heures, je n’arrivais toujours pas à me défaire de cette vision hallucinatoire des morceaux aquatiques de Christine.
Ça me semblait à la limite de la dinguerie. Le remords pouvait-il provoquer de telles visions ? Mais je n’en éprouvais strictement aucun !
Ou l’effet du soleil. J’ai peut-être halluciné sur un gros crabe que j’ai pris pour un crâne ? Une solette ou une étoile de mer que j’ai prise pour une main ?
Mais t’es con ! T’as déjà vu un crabe avec des cheveux ? Une sole avec une alliance ?
Et si je suis tombé sur ces morceaux de barbaque, d’autres vont aussi tomber dessus ?
Ils vont me la retrouver, ces empaffés de gendarmes ! On va la leur apporter en petits morceaux. Même que ça sera peut-être pas complet. Mais ils s’en foutent.
Et qu’est-ce que vous faisiez là à pêcher sur les lieux du crime ?
Nous avons deux témoins ! La vieille dingue et le beauf.
Niez pas !
Peut-être même que vous n’alliez à la pêche rien que pour mettre chaque jour un petit morceau de votre femme à l’eau ?
Vous êtes fait, mon gaillard !
Au secours ! Réveillez-moi !
Fallait en convenir, elle était plus chiante morte que vive.
Mais, crétin, tu l’as tuée. D’accord. Tu l’as trucidée.
Mais t’en as pas fait des confettis de la Christine ! T’es bien placé pour le savoir.
Alors qui l’a découpée ? Qui a pu trouver le corps ? Qui a pu te suivre ?
Oui, fallait voir les choses rationnellement, logiquement, froidement.
Quelqu’un avait suivi tous mes faits et gestes et m’avait tendu un piège diabolique.
Mais qui était diabolique dans son entourage ?
Je ne connaissais pas tous ses amants. Je ne pouvais pas savoir.
Jean, il était au boulot. C’était un salaud, mais il n’avait rien de diabolique.
Son fournisseur ? Mais il avait besoin d’elle comme courtier.
La concurrence ? Pourquoi pas. Ce pouvait être une piste.
En tout cas, c’était quelqu’un qui m’en voulait bougrement et voulait me faire porter le chapeau.
Il y avait pourtant plus simple. Me dénoncer. Mettre le cadavre de Christine dans mon coffre de voiture. Le balancer près des poubelles dehors.
Non. Ce qui était sûr, c’était que celui qui m’en voulait m’en voulait vraiment à mort.
Mais je n’avais jamais fait de crasse à personne. Ou pas plus que tout un chacun. J’étais réglo en affaires.
Tiens, en parlant d’affaires, qu’est-ce que je pourrai bien raconter à son grossiste s’il se manifeste ?
Ce type, que je ne connaissais pas, je ne le sentais pas. Vraiment pas. Grossiste en coke, c’est pas un commerce, ça. C’est de l’entreprise criminelle. C’est du pourri assuré.
Je ne voyais, en fin de compte, que Jeannot sur qui compter. Lui seul pouvait comprendre la disparition mystérieuse de la Christine. Il la connaissait même avant moi l’enculé.
Mais c’était lui qui faisait tourner la boutique en mon absence. Je ne pouvais pas me permettre la faillite en le faisant venir s’il y avait du malfaisant qui rôdait autour de moi.
De toute façon, dès ce soir ou demain matin première heure au plus tard, les gendarmes seraient là pour m’annoncer la découverte de ma femme et m’arrêter sur-le-champ. E finita la commedia !


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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