jeudi 21 août 2008

Noir Express : "Cadavres dans le blockhaus" (C. C. IV) par Alain Pecunia, Chapitre 4

Chapitre 4





Quand je l’avais rencontrée pour la première fois, j’avais trente-neuf ans et elle vingt-huit. Une déesse nordique – ne dépassant pas le mètre soixante-cinq, mais une déesse tout de même avec ses longs cheveux d’or et son corps cuivré par le soleil.
Une fois déshabillée, car, sinon, le tout était bien dissimulé sous un tailleur austère et un maintien discret de secrétaire de ministère. Les cheveux relevés en chignon strict, les lunettes vieillottes, un faible maquillage. La petite bourgeoise rangée et sérieuse.
Impossible de devenir la salope totale, impossible !
C’était vraiment pas mon genre, mais je flashai sur elle dès qu’elle rentra dans mon bar-restau de la rue Cler un jour de septembre grisâtre, un midi, pour un simple jambon-salade.
Elle me dit qu’elle travaillait rue Saint-Dominique. Au ministère de la Défense.
– Je préfère ça, lui dis-je en souriant.
– Pourquoi ? demanda-t-elle surprise.
– Je vous avais pris pour le fisc ou l’hygiène.
Nous rîmes de bon cœur.
– Vous venez de loin ? lui demandai-je histoire de parler et de fidéliser la clientèle.
– Non. Du 15e. Rue de Lourmel. Et vous ?
– Oh ! moi, juste au-dessus !
Elle régla l’addition en me remerciant d’un sourire énigmatique.
Une fois le service du midi terminé, je m’offrais une pause entre quinze heures trente et dix-huit heures. L’un des deux serveurs se relayant pour l’intérim. La cuisine, c’était moi.
J’en profitais pour les courses, les comptes et, surtout, me détendre.
Ce même jour, à dix-sept heures, on sonna à ma porte.
C’était elle.
– Vous ? fis-je statufié.
– Bien oui, c’est moi ! dit-elle en haussant les épaules. J’avais envie de vous revoir.
C’était dit sans timidité.
Elle me repoussa des deux mains dans mon propre appartement. Jusqu’au canapé le long du mur en vis-à-vis de la porte d’entrée. Posant ses mains sur mes épaules pour que je m’y asseye.
Je m’y affalai plutôt. Scié par ce qui m’arrivait et les prémices qui se manifestaient.
Elle fit un strip intégrale devant moi. Rien de langoureux. Plutôt de l’urgence. Avec pas grand-chose sous le tailleur strict.
Puis me sauta dessus, littéralement. S’excitant sur moi encore tout habillée.
C’est là que son corps de déesse souple et musclé se révéla à moi et me fascina avec ce duvet blond et son sexe rasé si doux se livrant à toutes mes caresses avant qu’elle n’entreprenne de me déshabiller.
J’éjaculai avant même qu’elle ait commencé à mouiller. D’ailleurs elle mouilla rarement. C’était un signe. J’aurais dû me méfier. Mais j’étais déjà raide amoureux alors que, en fait, ce n’était qu’une passion physique inextinguible. Du moins pour moi.
Les mois qui suivirent représentèrent l’apothéose sexuelle de ma vie.
Elle me rejoignait à dix-sept heures deux, trois soirs par semaine et un week-end sur deux.
Sur deux, car c’était l’accord qu’elle avait passé avec son mari. Et il n’avait pas le droit de l’interroger. « C’est mon espace de liberté », disait-elle.
Les premières semaines, je trouvai ça réglo. Puis ça me parut un peu curieux, mais j’y trouvais mon compte. Au bout de trois mois, je tombai jaloux. Encore plus quand elle me présenta son mari. L’amenant un soir à dîner dans mon petit restau traditionnel. Me proposant même de passer des vacances avec eux, entre amis.
Il paraît que toute femme mariée ayant un amant n’a de cesse de le présenter, d’une façon ou d’une autre, à son mari. Par hasard et sans lendemain ou pour le transformer en « ami de la famille ».
Mais, quand nous sortions en groupe, lui il avait plutôt tendance à me présenter comme « un ami de sa femme ».
Je n’ai jamais su s’il était réellement dupe. Pour ma part, j’étais aveuglé par la jalousie, supportant de moins en moins ce partage « à mi-temps ». En arrivant même à comprendre les amants auxquels la femme demande de trucider le mari et qui passent à l’acte. L’idée m’en tentant même.
Au bout de six mois, mon insistance fut si grande et mon jeu sexuel si débordant d’invention qu’elle accepta de demander le divorce.
Pour elle, c’était un réel déchirement, me disait-elle. Elle ne l’aimait pas, ne l’avait jamais aimé, mais ne voulait pas lui faire de mal, le rendre malheureux. Il fallait donc le préparer psychologiquement. Ce qui prit deux bonnes années.
Pour mon plus grand bonheur, elle accepta donc de m’épouser une fois divorcée. L’année suivante.
Nos étreintes étaient toujours aussi passionnées et mouvementées. Puis elles furent plus espacées. « C’est normal, mon chéri, maintenant que nous sommes un couple uni pour la vie », disait-elle quand la nostalgie de certaines folies passées montait en moi. Mais elle savait se redéchaîner au bon moment pour empêcher ma flamme de vaciller, entretenir le feu qu’elle avait allumé dans mes reins dès le premier soir.
Elle était toujours secrétaire dans son ministère. Même si le commerce marche bien, une paie de fonctionnaire aide à garantir la trésorerie.
Puis elle en vint à me présenter de temps à autre un ami. Parfois elle en réunissait deux ensemble le soir à une table du restau.
« Toute femme mariée qui a eu un amant aura de nouveau un amant », avais-je lu un jour dans un magazine féminin. C’était moi qui lui avais demandé de divorcer pour qu’elle soit ma femme. Je n’avais qu’à m’en prendre à moi-même d’avoir voulu devenir le mari et de n’avoir pas su rester l’amant.
L’amour m’aveuglait toujours et j’avais la passion de son corps de déesse blonde. Ce qui m’excitait surtout, c’est que tantôt elle rasait son sexe et tantôt laissait repousser ses petits poils si soyeux.
Ça me déclenchait des excitations pas possible.
Puis elle s’absenta un week-end. Un autre un mois plus tard. Passant une sorte de « deal » au bout d’à peine trois mois de ce petit jeu.
– J’ai besoin de mon espace de liberté. Accorde-le-moi, mon amour ? Comme ça tu seras sûre de ne jamais me perdre. Je reviendrai toujours.


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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