lundi 1 septembre 2008

Noir Express : "Cadavres dans le blockhaus" (C. C. IV) par Alain Pecunia, Chapitre 11

Chapitre 11





Le lundi 16, j’arrivai à La Baule à onze heures et demie. Prêt à improviser. Un quart d’heure plus tard, je trouvais une place à une cinquantaine de mètres du Casino. J’attendis midi pile pour sortir de la voiture et me diriger vers le Casino tout en essayant de reconnaître un visage connu parmi les passants.
Je ne reconnus personne et personne ne semblait m’attendre.
Quand – stupéfaction – j’aperçus l’ex de ma femme, Lionel Péroti, de l’autre côté du boulevard, côté mer. S’apprêtant à traverser et tout sourire.
« Manquez plus que lui ! » me dis-je avant de réaliser, puisqu’il se dirigeait vers moi, qu’il devait être le « grossiste ».
Mon effarement devait être visible.
– Surpris, non ? dit-il en me tapotant l’épaule.
J’étais surtout paumé.
– J’ai réservé une table au Castel Marie-Louise. Dans le jardin. Nous pourrons y discuter tranquillement, enchaîna-t-il tout en m’entraînant par le bras.
Je n’avais pas revu le premier mari de Christine depuis huit, neuf ans. Ce devait être peu avant le divorce. Il avait deux ans de plus que Christine et devait donc juste avoir dépassé la quarantaine. Grand, bronzé, sûr de lui et pas une trace de calvitie.
Nous n’échangeâmes pas un mot tant que nous n’eûmes pas atteint les jardins du restaurant. Il devait vouloir me laisser mijoter.
Il commanda d’office deux whiskies et me dit tout de go :
– Alors, Christine ?
Avec un sourire mi-moqueur, mi-indulgent.
Je ne savais quoi répondre. Pourtant j’en avais des réponses. Genre : « Cette salope s’est encore barrée ! » C’était d’ailleurs la plus simple et le plus plausible avec Christine. Il était bien placé pour le savoir. Pourtant je me tus. Je me sentais con, mais con ! Je n’avais même pas un début de lueur de compréhension. Mais il devait deviner mon ébranlement cérébral.
Le serveur avait apporté les boissons et l’ex commanda d’office des langoustines et un filet de bœuf pour nous deux.
– Elle va bien ? attaqua-t-il de nouveau tout en portant le verre à ses lèvres.
– Oui, oui…, dis-je machinalement.
Et là, l’enfoiré, il me fit le coup en vache. Imprévisible.
– Tu t’en es débarrassé comment ?
Je faillis m’en étrangler et mordre à pleines dents le rebord du verre. Je regardais l’ex éberlué.
– Tu n’es pas obligé de répondre. C’est ton problème et, à la limite, ça ne me regarde même pas, fit-il en balayant une miette imaginaire sur la nappe immaculée avec le bout de son couteau.
Je me sentais tout à coup redevenu petit garçon devant ce mec qui était pourtant de presque dix ans mon cadet. Son assurance m’intimidait et sa mansuétude me désarçonnait. J’avais quand même éliminé son ex-femme et intermédiaire.
– C’était quand même un super coup et une super salope, hein ? Quelle baiseuse divine !
Je n’appréciai pas outre mesure ce type d’appréciation. Il la jouait trop familier. Mais je continuai de me taire.
– Mais je ne te reprocherai rien. Elle devenait trop imprévisible et trop gourmande depuis qu’elle ne contrôlait plus sa consommation de coke. Elle devenait dangereuse, en fait.
Il me souriait toujours, mi-moqueur, mi indulgent.
– En fin de compte, tu m’as rendu un fier service. Tu as fait ce que j’aurais fini par devoir faire. Mais le meurtrier, c’est toi. Pas moi !
C’était donc ça, il croyait me tenir, le salaud.
Il attaqua ses langoustines de bon cœur et moi du bout des lèvres. Il jouissait de me voir dans la nasse.
– Puisqu’elle est, disons, disparue, je peux t’avouer un secret. Nous n’avons jamais été mariés. C’était juste une idée à elle pour mieux te ferrer. Elle avait tout de suite compris que tu étais un possessif et un exclusif.
Il se marrait presque, l’enfoiré. Se foutait de moi ouvertement.
– Mais, Christine et moi, nous avons toujours été partenaires, associés, si tu préfères. Toi, tu n’étais que la couverture et ton restau était un lieu stratégique idéal dans ce quartier friqué.



© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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