jeudi 11 septembre 2008

Noir Express : "Cadavres dans le blockhaus" (C. C. IV) par Alain Pecunia, Chapitre 19

Chapitre 19





Christine revient me voir presque tous les jours.
Je ne hurle plus de terreur quand je la vois. Paraît que c’est grâce aux médicaments qu’on me donne. Ça coupe toute angoisse et ça rend tout mou. On est comme tout cotonneux de l’intérieur et on sourit béatement tout le temps.
Elle me raconte plein de trucs, mais je ne comprends pas toujours tout.
Ça, qu’elle n’est par morte, je l’ai compris.
Elle avait deviné mon intention de la tuer et était rentrée dans mon jeu. Elle avait remplacé les doses de coke par du sucre édulcorant en poudre et avait joué la comédie à merveille. – C’est un don qu’elle a toujours eu. Je l’admets volontiers.
Évidemment, c’était pas du jeu parce que je ne pouvais pas deviner.
– Tu t’es même pas assuré que j’étais bien morte !
Moi, je souris.
Alors elle s’est fait disparaître.
Elle a ri à gorge déployée quand elle m’a raconté le truc des morceaux de mannequin qui m’avaient fait paniquer.
Et le Lionel qui a vite rappliqué ventre à terre.
– Il était aussi con que toi, celui-là ! Vous étiez faits pour vous entendre. Deux minables !
Moi, je souris.
– Le piège a bien fonctionné, non ? Grâce à Clément… Tu te souviens de Clément, mon amant que t’a envoyé en taule ? Ben, il y est pas resté longtemps. Dès qu’il est sorti, il a voulu se venger de toi et moi je voulais me débarrasser de Lionel et de toi. Pour reprendre le tout à mon compte.
Moi, je souris.
– Jean aussi a été super. On fait une bonne équipe tous les trois… Mais c’est Clément qui a poignardé Lionel. Il vous a pas quittés un instant des yeux grâce à ma tante qui l’a hébergé et qui m’a planquée quand j’ai « ressuscité ». C’est lui aussi qui a mis les morceaux de mannequin dans l’eau quand il t’a vu descendre l’escalier de la plage. Il y avait juste la tête, un bras, un pied et une main…
Moi, je souris.
– Ma tante, tu vois qui c’est, non ?
Moi, je souris.
– Mais si, tu sais… La vieille dame qui s’habille toujours tout en blanc…
Moi, je souris.
Elle veut aussi que je lui signe en douce des papiers. Ça concerne le restau.
Moi, je souris.
Parfois elle me secoue par les épaules pour que je parle, que je dise un mot.
– J’ai l’impression de parler dans le vide. Je te raconte comment je t’ai baisé et j’ai l’impression que t’en as rien à foutre !
Elle me raconte aussi des histoires de baises. Mais j’en ai vraiment rien à cirer, je peux même plus bander avec leurs saloperies de pilules.
Et elle peut toujours courir pour que je lui signe ses papiers.
Tant que je signerai pas, elle reviendra me voir. Et c’est ma seule visite.
Elle est moins belle qu’avant. Les traits de son visage ont durci. Ils ont quelque chose de méchant. Elle vieillit mal et son Clément la larguera sûrement.
Je ne sais pas, d’ailleurs, si elle est si heureuse que ça. Elle ne sourit jamais. Sauf aux infirmiers qui me disent que j’ai de la chance d’avoir une jeune femme si attentionnée et affectueuse pour me soutenir dans cette épreuve.
J’aimerais bien qu’elle m’apporte du chocolat et du saucisson. Mais je crois pas qu’elle ferait ça.
Parfois, je la soupçonne de fournir l’HP en coke. C’est un marché tranquille.
– T’es vraiment qu’un pauvre connard…, me dit-elle souvent.
Moi, je souris toujours. Ça l’énerve. Mais c’est pas de ma faute. C’est les médicaments.
Faut être honnête. Au fond de moi, j’ai toujours envie de la tuer. Mais je ne sais pas si je pourrai. J’ai peur que ça recommence après comme maintenant.
Je préfère attendre que son Clément se débarrasse d’elle pour reprendre le business. Lui, c’est un ambitieux, un vrai.
Quand elle sera vraiment morte, j’aimerais bien retourner pêcher la crevette.
J’espère qu’elle aura gardé mon haveneau, la salope.




« Le sanglot de Satan dans l’ombre continue. »
Hugo, Victor.



© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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