mercredi 21 avril 2010

Noir Express : "Editeur au sang" (C. C. XV) par Alain Pecunia, Chapitre 37

Chapitre 37





Isabelle Cavalier se fit déposer en bas de chez elle, rue du Commerce, par un taxi vers midi trente.
Aux informations de treize heures, Pierre-Marie de Laneureuville, le garde des Sceaux, menaçait de porter plainte en diffamation contre l’auteur ou les auteurs de ces prétendues révélations qui n’étaient rien d’autre que des affabulations sans fondement qui constituaient une manœuvre grotesque de déstabilisation du gouvernement à la veille des élections régionales et européennes.
Isabelle fit ensuite le ménage et remit de l’ordre dans le salon-salle à manger. S’étonnant que tout soit rangé dans la cuisine et qu’il n’y ait pas de vaisselle qui traînât. Mais la litière du chat n’avait pas été changée de la veille.
Son mari rentra à dix-sept heures trente avec sa fille qu’il avait récupérée au passage chez la baby-sitter du premier.
Pierre n’était pas à prendre avec des pincettes.
Il feignit d’ignorer la présence d’Isabelle tandis que Philippine se précipita dans les bras de sa maman en criant qu’elle avait été au Mac Do « tous les jours ».
– Il était temps que je rentre, ma puce, hein ?
Pierre continuant de bouder, Isabelle lui demanda s’il allait continuer de lui faire la tête longtemps parce qu’elle s’était absentée un week-end.
– Ah oui ! c’est vrai…
Isabelle fut vexée que son mari prenne son absence si à la légère. Elle s’attendait au moins à une petite scène de jalousie.
« Où étais-tu ? Je me suis inquiété », etc.
Non. Rien. Limite insultant.
« Tiens ! se dit-elle, c’est peut-être le moment de lui demander s’il n’aurait pas quelqu’un d’autre dans sa vie pour se montrer si indifférent… »
Elle se mordilla la lèvre en hésitant.
– Non, je suis contrarié, ajouta son mari. Je ne sais pas si tu as vu la presse du jour ou écouté les infos…
Isabelle fit oui de la tête, feignant peu d’intérêt pour la chose.
– Je me demande, reprit-il, qui a pu mettre la main sur ces dossiers et les communiquer à la presse…
– C’est si grave que ça ?
– Tu parles ! J’étais chargé de les récupérer… Par le Président lui-même !
– Mon pauvre chéri…, fit Isabelle, compatissante et esquissant un geste affectueux en posant sa main sur la poitrine de son mari, bien décidée à ne jamais lui révéler la vérité.
Pierre Cavalier en fut ému. Il devait reconnaître qu’avec ses foutues responsabilités il ne trouvait de réconfort qu’auprès de sa femme.
Il hésita un long moment, se demandant s’il ne devait pas lui révéler que la maison d’édition Serge Tampion avait été fondée grâce à l’aide et aux fonds secrets du « Service ». Afin d’avoir un pied dans le monde littéraire, de repérer aisément les manuscrits « sensibles » circulant dans le milieu et de favoriser la parution des ouvrages servant ses intérêts propres.
Mais il se dit qu’une révélation en entraînerait une autre et qu’il était préférable que sa femme ignore la vérité sur le « Service ».
Il se devait de la protéger.
De toute façon, Isa n’avait que mépris pour ce qu’elle appelait la « police politique » et ne portait aucun intérêt à tout ce qui touchait de près ou de loin la « raison d’État ».
Elle est trop idéaliste, conclut-il pour lui-même et en lui demandant :
– Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?




« Le sanglot de Satan dans l’ombre continue. »
Hugo, Victor.



© Alain Pecunia, 2010.
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