mardi 6 avril 2010

Noir Express : "Editeur au sang" (C. C. XV) par Alain Pecunia, Chapitre 25


Chapitre 25





À minuit et demi, Antoine, Lenoir et Isabelle Cavalier se rendirent dans les locaux de la Crim, 36, quai des Orfèvres.
Auparavant, ils avaient fait un détour par les Stups pour se procurer ce qui était essentiel dans leur scénario et rameuter deux collègues.
Les collègues de permanence du capitaine Cavalier se montrèrent surpris de cette arrivée en force.
– T’es pas en congé ? lui jeta l’un d’eux, un commandant, genre chiwawa teigneux.
Cavalier haussa les épaules d’impuissance et Antoine prit la parole comme prévu.
– C’est moi qui l’ai appelée pour qu’elle soit présente à notre intervention.
– Comment ça ? fit le commandant de la Crim. T’es pas chez toi, ici ! ajouta-t-il en le prenant de haut.
– Avec mes hommes, nous agissons en flag. Une dénonciation qui nous est parvenue dans la soirée… Mais, si tu préfères que j’en réfère auparavant à l’Inspection générale des services, libre à toi ! Tu te débrouilleras ensuite avec ton patron.
– Le commissaire Antoine, intervint Isabelle plus diplomate que nature, souhaite précisément éviter les vagues et traiter ça en interne.
Il y eut un flottement parmi les hommes de la Crim présents.
– Ça concerne qui, ton truc ? demanda le commandant du bout des lèvres.
– Dupert, le capitaine Dupert, répondit Antoine de sa voix de stentor qui résonna.
Dupert étant loin de faire l’unanimité, le flottement se mua en désintérêt.
Le commandant haussa les épaules et les accompagna jusqu’au bureau de Dupert.
Antoine et ses trois hommes pénétrèrent dans le bureau et entamèrent leur perquisition.
Le commandant était resté sur le seuil et s’efforçait de surveiller les faits et gestes de chacun des flics des Stups, légèrement gêné par Isabelle qui ne cessait de se déplacer devant lui.
Au bout de cinq minutes de recherche, le lieutenant Lenoir, qui était accroupi près d’un rayonnage, leva légèrement la main.
– J’ai ! fit-il.
Antoine et les deux autres policiers se placèrent autour de lui de façon à le dissimuler un bref instant à la vue du commandant.
– Oh ! la la ! fit Antoine. Notre indic ne nous a pas menti…
Il tenait dans ses mains un paquet de sachets de cocaïne que Lenoir venait de sortir de son blouson.
– Il y en a bien pour trois cents grammes, ajouta-t-il avec l’autorité de l’expert après l’avoir soupesé.
Le paquet passa de main en main.
Le commandant s’était approché. Il n’en croyait pas ses yeux.
– J’aurais pas cru Dupert capable de ça, répétait-il.
Imaginant les conséquences.
Antoine lui tapota le bras, consolateur.
– T’inquiète, on va essayé de régler ça entre nous, lui dit-il d’un air de camaraderie complice. À charge de revanche, hein ?
Le commandant acquiesça. Reconnaissant.
– Mais va occuper les autres, ajouta Antoine retors. Ce n’est pas la peine qu’ils rappliquent et soient au courant. Nous, on va encore fouiller un peu pour la forme et, quand on ressortira, on s’excusera et on dira qu’on n’a rien trouvé, d’accord ?
– T’es sympa, Antoine, je n’oublierai pas ce que tu fais là. C’est vraiment sympa, les gars…
Antoine coupa ses effusions pour ne pas avoir à y passer la nuit.
– Mais motus et bouche cousue, hein ?
– Compte sur moi ! répondit le commandant, ému, avant de se retirer avec soulagement.
Dès qu’il eut le dos tourné, Antoine força le seul tiroir du bureau de Dupert qui soit fermé à clé.
Les cinq dossiers scellés s’y trouvaient.
Il adressa un signe de tête à l’un de ses hommes qui avait amené un attaché-case et les fourra prestement dedans.
Puis, avec l’aide de Cavalier, les quatre hommes s’efforcèrent de tout remettre en place et en ordre.
Quand ils sortirent et arrivèrent à la hauteur des policiers de la Crim qui les attendaient regroupés, ils s’efforcèrent d’afficher un air contraint.
– Excusez-nous, dit Antoine avec un ton de repentance qui devait lui coûter. Chou blanc. Un tuyau foireux. Mais ne vous inquiétez pas, l’indic, il va entendre parler du pays et du commissaire Antoine ! gronda-t-il. Mais tant mieux, non ?
Les policiers de la Crim affichaient des sourires de satisfaction et l’un d’eux se permit même de se moquer des Stups. Vite rabroué par le commandant.
– Je t’avais bien dit, Antoine, que ce n’était pas possible ! intervint Isabelle d’un ton faussement indigné avant de s’éclipser avec le groupe des Stups.


© Alain Pecunia, 2010.
Tous droits réservés.

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