jeudi 8 avril 2010

Noir Express : "Editeur au sang" (C. C. XV) par Alain Pecunia, Chapitre 27

Chapitre 27





À cinq heures cinquante-cinq du matin, Isabelle Cavalier, Antoine et Lenoir rejoignirent le sous-marin rue Amelot, après être passés faire un brin de toilette et prendre un peu de repos chez le commissaire Antoine, rue Mouffetard.
À six heures et demie, ils virent le capitaine Dupert quitter l’immeuble des sœurs Loÿ et ils s’assoupirent en attendant la suite des événements.
À sept heures vingt-cinq, il entendirent un bruit de chasse d’eau et les miaulements du chat très proches du micro.
– Arrête de gratter sous la chaise ! gronda une voix encore ensommeillée. (L’une des deux sœurs.)
– Allez, viens, je vais te donner à manger. (Ils identifièrent la voix de la cadette.)
Re-miaulements du chat et grattements très proches du micro.
– Bordel ! jura Lenoir, il va finir par me le décrocher… Sois gentil, le minet, va bouffer…
– En tout cas, c’est lui le moins con, commenta Antoine en haussant les épaules, fataliste.
Miaulements insistants sans grattement.
– Mais qu’est-ce qu’elle t’a fait, cette chaise, hein ? Elle n’a rien de particulier, tu sais. (La même voix.)
Miaulements et grattements à nouveau.
– Tu veux que je regarde en dessous pour te faire plaisir ?
Un silence angoissé s’installa dans le sous-marin.
La sonnerie d’un téléphone fixe fit sursauter les trois policiers.
– Oui ?
– …
– Tu veux parler à Anne ?
– …
– Tu préfères ? Bon, je vais la chercher.
Silence puis grattements sous la chaise sans miaulements.
– Mais fait chier, ce matou ! s’exclama Antoine énervé.
Puis la voix d’Anne-Sophie Loÿ, devenant rapidement tendue.
– Qu’est-ce qui se passe ?
– …
– Quoi ? C’est pas possible ! Mais qui a pu faire ça ?
– …
– Les Stups et Cavalier ! Mais, pour quelle raison ?
– …
– Non ! (Ton déterminé et résolu.) Tu ne changes rien à ta journée et tu rentres ensuite chez toi. J’ai peut-être une solution. Je viendrai chez toi ce soir vers dix-huit heures…
Silence.
L’atmosphère devait être pesante dans le salon. Même le chat devait être attentif puisqu’il avait cessé de miauler et de grattouiller le dessous de la chaise.
– Le con ! (L’aînée.) Se faire piquer les dossiers ! L’endroit le plus sûr au monde, son bureau dans les locaux de la Brigade criminelle…
– J’ai peur… Qu’est-ce qu’on va devenir ? (La cadette sur un ton plaintif.)
– Oh ! toi, tais-toi ! Pas de jérémiades, s’il te plaît, et laisse-moi faire !
Silence.
– T’appelle qui ? (La cadette.)
Pas de réponse.
– Allô ! Oui, c’est moi. (L’aînée au téléphone.)
– …
– Notre ami s’est fait voler son bien à son nez et à sa barbe.
– …
– Oui. (Ton respectueux.)
– …
– Je lui ai donné rendez-vous chez lui ce soir à dix-huit heures.
– …
– D’accord.
– …
Fin de la communication.
– Je donnerais cher pour savoir à qui elle téléphonait, commenta Isabelle.
– Moi aussi ! fit Antoine.
– Chut ! les coupa Gilbert Lenoir.
La conversation reprenait entre les deux sœurs.
– Ne t’inquiète pas, tout va s’arranger. (L’aînée, d’un ton apaisant.)
– Tu es sûre ? (La cadette, toujours inquiète.)
– Oui, Pier…
Inaudible. Suite de grésillements et de crachotements.
Puis bref reprise.
– Mais avec quoi il joue ? (La cadette, ton de surprise.)
– Écoute, laisse le chat jouer avec son bouchon… T’es quand même pas croyable, on a un problème gros comme ça, je t’explique, et toi tu te préoccupes du chat. T’es encore une môme, ou quoi ?
– …
Suite à nouveau inaudible. Grésillements et crachotements. Puis craquements et silence absolu.
– L’enfoiré, il me l’a bouffé ! s’insurgea le lieutenant Lenoir.


© Alain Pecunia, 2010.
Tous droits réservés.

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