vendredi 9 avril 2010

Noir Express : "Editeur au sang" (C. C. XV) par Alain Pecunia, Chapitre 28


Chapitre 28





Les trois policiers restèrent dans le sous-marin jusqu’à midi.
Le moins gradé, le lieutenant Gilbert, fut désigné volontaire d’office par ses deux collègues et amis pour exercer la surveillance, tandis que ces derniers prenaient connaissance des cinq dossiers qu’ils avaient emportés avec eux par mesure de sûreté. Dossiers qui étaient la cause directe de quatre meurtres.
L’un d’eux concernait un éminent représentant de l’opposition et portait sur ses fantaisies sexuelles. De la broutille pour un citoyen lambda, mais suffisant pour plomber l’image de rigueur morale d’un homme public de premier plan.
Le deuxième, un producteur de cinéma dont la société recyclait de l’argent sale provenant de la mafia russe. Il n’était pas le premier dans son domaine d’activité à succomber à ce type de tentation, mais les preuves étaient accablantes.
Le troisième décrivait les rouages d’une magouille juteuse portant sur les subventions agricoles européennes. Auprès de laquelle les heurs et malheurs de la dette agricole des « cultivateurs » corses étaient de l’ordre du conte de fées.
Un quatrième, relativement récent, portait sur les « subventions », chiffrées, perçues par des partis et hommes politiques français et provenant de la générosité de Saddam Hussein.
Si la plupart des noms cités étaient connus des initiés, le montant des « appointements », lui, était une révélation, ainsi que la durée et la périodicité des versements.
Le cinquième, de loin le plus explosif, était un manuscrit d’une écriture serrée de près de quatre cents pages. Il révélait, avec précision, les dessous des dérapages commis, sous la IVe et la Ve République, par les services parallèles et réseaux occultes de l’État organisés et manipulés par son bras des basses œuvres, communément surnommé le « Service » par les initiés. Le « Glaive », par d’autres. Au prétexte de la lutte contre la subversion communiste.
Le manuscrit ne comportait pas de titre ni de nom d’auteur, mais, à certains détails, on pouvait identifier ce dernier. Un des anciens bras droits de Xavier Cavalier, surnommé le « Vieux », l’éminence grise de la barbouzerie durant plus d’un demi-siècle.
Les faits relatés s’arrêtaient en 1994.
À l’époque, le « suicide » de l’auteur avait suivi de près l’annonce de la parution prochaine de ses Mémoires en cours de rédaction.
Ses archives personnelles avaient été « déménagées » de son appartement de fonctions avant même qu’il ne soit enterré et il n’avait plus jamais été question de ces Mémoires.
Certains en vinrent même à douter de leur existence.
Pourtant, ils ne furent pas perdus pour tout le monde puisqu’ils figuraient parmi les dossiers « sensibles » de l’éditeur Serge Tampion.
D’ailleurs, tout portait à croire que l’auteur de ces révélations avait confié son manuscrit à Tampion et que celui-ci avait renoncé à sa publication pour échapper au même sort.
– Il en est quand même mort, dit Isabelle Cavalier après avoir parcouru le manuscrit.
Le commissaire Antoine était plus réservé. Il penchait plutôt pour la thèse d’une action de la mafia russe.
– Non, insista Isabelle, les Russes, ils n’auraient pas eu les moyens de « suicider » l’assassin présumé de Tampion en prison la veille de son audition par le juge, ni ceux de faire enterrer l’affaire.
– Alors, on est dans la merde, ma grande, dit Antoine, parce que, le Dupert, il a du monde derrière lui, et on ferait bien de se tirer d’ici parce qu’on va finir par se faire repérer.


© Alain Pecunia, 2010.
Tous droits réservés.

Aucun commentaire: