vendredi 18 juillet 2008

Noir Express : "National, toujours !" (Chroniques croisées II) par Alain Pecunia, Chapitre 1

Dans une banlieue HLM parisienne des années 80, deux crimes sexuels viennent jeter le trouble dans une paisible résidence et font monter la tension. Jean Ferniti et Albert Papinski ont décidé de frapper un grand coup et d’exécuter les ordres du « chef ». Bientôt leur « grand soir ». Et on ne voit pas ce qui pourrait les arrêter en si bon chemin. Mais qui est leur mystérieux« chef » ?

C’est l’histoire de beaufs quelque peu extrémistes tels qu’on en trouvait dans les cités HLM. L’épilogue a lieu en avril 2002 et Jean Ferniti réapparaîtra dans les Chroniques croisées 9 et 10. A lire au second degré !






Chapitre 1





Comme chaque matin, à six heures douze précises, Jean fut réveillé par la chasse d’eau du quatrième.
Il grogna et dit à mi-voix :
– Merde, ce con, il est réglé comme un coucou suisse.
Il se roula dans ses couvertures, tentant de retrouver son rêve.
À présent, il entendait la baignoire qui se remplissait. Puis des voix étouffées, le pleur d’un enfant.
En semaine, il ne pouvait jamais dormir au-delà de six heures douze. Pourtant, lui, il n’avait à se réveiller qu’à six heures trente.
– Bande de bougnouls ! dit-il à haute voix en se levant.
Un rire étouffé de femme lui parvint. Il résonnait en lui comme un écho moqueur. Jean lança un regard rageur au plafond.
– J’en ai pas buté assez en Algérie, de ces coupeurs de couilles, murmura-t-il à lui-même. Ils ont voulu leur indépendance mais il faut qu’ils bouffent sur le Français, ces minables.
Comme chaque matin, il se lançait dans son monologue.
Il se dirigea vers le bocal du poisson rouge planté au milieu du buffet sur une assiette.
– Ça va, mon Titi ? dit-il en tapotant de petits coups secs de son index droit contre la paroi de verre. Ils seraient capables de te bouffer, tu sais, les bicots ! ajouta-t-il en montrant du doigt à Titi le plafond.
Il grignota une pomme tandis que le café passait et revint donner à manger au poisson.
Comme chaque matin, il dialoguait avec Titi, faisant les questions-réponses.
Puis il prit son café et alla se laver.
Quand il sortit sur le palier, les piaillements des enfants partant pour l’école emplissaient la cage d’escalier.
Comme chaque jour, il prenait son temps pour s’assurer de la fermeture de son verrou. L’aînée des Kamil descendait l’escalier et arriverait bientôt à sa hauteur.
– Bonjour, dit-elle en souriant. Ça va ?
– B’jour, répondit-il renfrogné sans la regarder.
Quand elle l’eut dépassé, il jeta un regard à la dérobée.
Il ne put s’empêcher de penser qu’elle était belle pour une Arabe. « C’est comme les Juives, se dit-il, elles sont précoces et salopes. »
Arabes et Juifs, pour lui, étaient à mettre dans le même charter. Direction la Palestine pour faire simple et qu’ils puissent s’y exploser la gueule joyeusement.
« Chacun chez soi, se disait-il en franchissant le hall défraîchi et couvert de graffitis du HLM. La France aux Français et toute cette lie d’étrangers chez eux. »
Le gardien de la cité interrompit le cours de ses pensées.
– Alors, monsieur Ferniti, ça va ?
– Ça ira mieux un jour ! dit-il en redressant la tête et en indiquant du menton un jeune Français au teint basané qui tentait de faire démarrer son vélomoteur.
– Oui, mais quand ? Ma femme, elle en a de plus en plus peur avec ce qui se raconte partout. Ça ne peut plus durer, monsieur Ferniti, surtout depuis ce deuxième meurtre.
– Ça ne durera pas, Georges. Patience ! répondit fermement Jean Ferniti. Patience, c’est pour bientôt.
Puis il baissa la voix.
– Quand on sera au pouvoir, les socialo-communistes n’auront qu’à bien se tenir ! Les marxistes à genoux et les étrangers chez eux. Ils perdront leur arrogance, vous verrez !
Tout en marchant vers l’arrêt d’autobus, il rêva de la France de demain. Une France forte et qui saurait se faire respecter. Dont il serait un des artisans. La preuve que ça avançait, c’était l’état dans lequel se trouvait la cité depuis ce deuxième meurtre.
État de choc au premier, tension depuis le deuxième. Au troisième, ça péterait. Sûrement.
La presse parlait de crime à caractère raciste ou racial. Selon.
La première victime était une jeune adolescente française retrouvée la gorge tranchée après avoir été violée dans une des caves labyrinthes de la cité. Au moins deux personnes se seraient trouvées avec elle sur les lieux selon les indices et les prélèvements divers. « On » soupçonnait de jeunes désœuvrés d’origine maghrébine.
La deuxième victime, une Arménienne d’une trentaine d’années. Dans les mêmes conditions. Mais dans une autre cave de la cité. Et comme il n’y avait pas de Turcs dans la cité, « on » soupçonnait encore de jeunes Arabes.


© Alain Pecunia, 2008. Tous droits réservés.

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