dimanche 27 juillet 2008

Noir Express : "National, toujours !" (C. C. II) par Alain Pecunia, Chapitre 7

Chapitre 7





Fallait éviter les provocations inutiles, lui avait dit le chef encore la semaine dernière. « Posons-nous en bons Français, avait-il précisé. Intervenons dans les discussions lorsque nous sommes sûrs d’être entre vrais Français. Mais sans se dévoiler. Quand il y a un crime odieux, disons : ah ! s’il y avait la peine de mort ! ou : ça mérite la mort, ça. Ou encore : je te parie que c’est encore un étranger. À vous de voir jusqu’où vous pouvez aller selon votre auditoire. Ou intervenir lorsque de braves gens tiennent ces propos. Mais jamais en trop grand comité, au cas où il y aurait des marxistes ou des Juifs. C’est à nous de les repérer et de les ficher, pas à eux ! Nous, nous devons nous préserver. Nous ne sommes entourés que d’ennemis. Nous ne devons compter que sur nos propres forces et notre solidarité.
« Intervenez également, avait-il poursuivi, lorsqu’il y a des grèves. Râlez avec les usagers mécontents. Mais attendez qu’un autre ait commencé à rouspéter. Toutefois, dans ce cas-là, vous pouvez prendre l’initiative, du genre : nous sommes pris en otage, ou : ils ne pensent même pas au chômeur qui cherche du travail. Ou bien : ils sont privilégiés et ils se plaignent !
« Défendez toujours les forces de l’ordre. Quand un représentant de l’ordre est agressé ou assassiné, écrivez des lettres de protestation à votre député ou au ministre de l’Intérieur, mais anonymement. Intervenez là aussi. Peine de mort. Sécurité. Ordre. Laxisme de la justice qui relâche les délinquants.
« Sur votre lieu de travail, repérez les agitateurs anti-Français. Tous ceux qui sont contre nous. Ne dites pas que vous êtes du Parti patriote français. Mais dites bien que vous êtes pour la liberté du travail et qu’une grève porte toujours atteinte à l’économie nationale.
« Sur votre lieu de résidence, surveillez vos voisins et les agitateurs gauchistes ou islamistes de votre quartier. Mais ne vous dévoilez pas.
« Si l’on sait ou si le bruit court que vous allez aux réunions du Parti patriote français, dites que c’est par curiosité, que vous rencontrez des amis, mais que vous n’épousez pas ses thèses, bien que, à bien y réfléchir, ils n’ont pas toujours tort lorsqu’ils parlent de France aux Français, d’ordre, de justice, de liberté, de sécurité, etc.
« Seuls devront être connus, obligatoirement, ceux qui sont nos porte-parole, nos élus et nos militants qui vendent La France patriote. Les autres, vous êtes la réserve, l’armée de la France nouvelle de demain lorsque nous aurons pris démocratiquement le pouvoir. Cette armée doit être préservée. Et pour cela rester secrète. »
Jean était un soldat secret. D’appartenir à cette armée de l’ombre était sa grande satisfaction, sa fierté. « Les grognards, aimait-il à se répéter, nous les vétérans, nous attendons d’être appelés. Mais quand on ira, on ira. Y verront. Y z’en chieront, les salauds ! »
Mais ils en chiaient déjà, selon l’expression de Jean Ferniti, car là encore il avait su devancer l’appel face au rendez-vous de l’Histoire, entraînant dans son sillage son jusqu’alors indéfectible compère Albert Papinski.
– Hein, mon Titi ? reprit-il à haute voix en tapotant le bocal du poisson rouge, y z’en chient déjà !
Et plus bas, pointant l’index vers le plafond tout en regardant droit dans les yeux globuleux de Titi qui ouvrait la bouche comme en cadence :
– Eux les premiers !
Il prit le bocal entre ses mains, comme voulant arrêter la ronde du Titi.
– Par bateaux entiers, y retourneront chez eux de l’autre côté. Je sais pas ce qu’ils boufferont là-bas, dit-il en riant à voix basse comme un écolier derrière le dos de l’instituteur, mais ce qui est sûr c’est qu’ils boufferont plus notre pain et contamineront plus nos femmes.
Il se redressa et poursuivit :
– Ils comprendront alors qu’ils n’avaient pas à jouer les fiers ici, ces bicots et ces bamboulas. Que s’ils avaient su rester à leur place, bien polis et tout et respectueux de nos usages, on les aurait peut-être tolérés et filé à bouffer bien volontiers, comme à des invités. Mais pas leurs feignants, seulement les quelques qui acceptent de bosser sans emmerder le monde.
Le poisson rouge se transforma en piranha quand il lui versa sa nourriture à la fin de la tirade.
Jean se redressa et conclut, toujours à voix basse :
– Vivement que la France soit nettoyée ! Prussiens ou pas Prussiens, ajouta-t-il pensant à sa soirée gâchée par ce con de Bébert avec ses Polonais de malheur.


© Alain Pecunia, 2008.
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