lundi 28 juillet 2008

Noir Express : "National, toujours !" (C. C. II) par Alain Pecunia, Chapitre 8

Chapitre 8





Jean Ferniti ne travaillait pas ce samedi-ci. Mais son voisin du dessus, lui, travaillait et les mômes avaient école. Il fut donc réveillé par la chasse d’eau à six heures douze précises. Il grogna à mi-voix, se roula dans ses couvertures, tentant de retrouver son rêve.
À présent il entendait la baignoire qui se remplissait. Et, comme à chaque fois, c’est à ce moment précis qu’il retrouvait son rêve, en imaginant l’aînée des Kamil à poil dans la baignoire en train de se caresser.
Comme à chaque fois, il se masturba furieusement pour que ça vienne avant d’entendre l’eau du bain s’écouler par les canalisations.
– Salope ! grogna-t-il.
C’était son petit plaisir matinal. Sa seule vie sexuelle et sentimentale. Exception faite de ces deux salopes de la quinzaine écoulée. Deux dimanches de suite. En fin de matinée.
Pourquoi à ce moment-là et pas à un autre ? Par facilité. Avec le va-et-vient des gens qui partaient ou revenaient du marché, c’était le plus propice.
Il avait repéré par hasard, dans cette cité de trois mille habitants, la gamine qui revenait régulièrement de chez le boulanger à onze heures précises. Rien qu’à voir la façon dont elle s’habillait, c’était une petite salope précoce, une allumeuse. De toute façon, elle aurait fini dans une cave avec des bougnouls. Donc, pas de regret.
Ça avait été facile de la surprendre par-derrière, d’enserrer sa gorge d’une main tellement elle était frêle et de la bousculer jusqu’à la porte de la cave avec Albert sur les talons qui avait récupéré les deux pains tombés par terre.
Pas eu le temps de pousser un cri. Se laissant aller comme une poupée de chiffon. Deux bonnes baffes après pour l’allonger. Se défendait même pas la conne. C’est vrai qu’elle avait peur de mon poignard commando sur sa gorge et qu’elle avait pas tellement le choix. Albert y était passé le premier. « Une vierge ! » s’extasia-t-il en l’enfournant. Moi, c’est son visage tout crispé et mouillé de larmes qui m’excita quand elle a juste dit : « Me faites pas de mal. » Je me masturbai pendant que Bébert était à son affaire. « C’est ton tour », me dit-il en se redressant le falzard sur ses mollets glabres. Mais je supportais pas son regard suppliant et je n’étais pas là que pour m’amuser. J’étais en mission. Alors je me suis agenouillé comme si j’allais m’y mettre et je l’ai égorgé fissa pour ne plus voir ce regard.
En tout cas, on avait chacun notre pain, Bébert et moi. Pas besoin d’aller chez le boulanger.
Le dimanche suivant, même topo dans un autre bâtiment avec l’institutrice arménienne. Onze heures trente, c’était l’heure à laquelle elle partait en courses. Elle me connaissait et n’a donc pas trouvé curieux de me croiser. Je lui ai même souri et dit bonjour comme elle arrivait au bas de l’escalier. J’ai fait mine de monter et je me suis retourné pour l’estourbir d’un coup de manchette bien porté. Je l’ai prise sous les aisselles avant qu’elle s’écroule. Bébert a surgi alors et a ouvert la porte de la cave pour m’aider à l’entraîner. Elle gémissait un peu mais, quand elle a repris ses esprits, on était déjà en train d’essayer de lui retirer son futal. Et le poignard fut encore dissuasif. Mais ce devait pas être une sainte car, quand elle nous a vus nous énerver à tirer son pantalon trop moulant, elle a soulevé son bassin comme pour nous aider. Donc il n’y avait pas de regret à avoir là non plus. « Faites vite ! » qu’elle a même dit méchamment. Alors on a fait vite. Le Bébert en premier que ça avait excité drôlement. Mais pas moi, que j’ai même pas pu me masturber tellement son regard me glaçait. C’est dingue, mais je supportais pas. Elle avait pas à me défier cette putain. Alors je me suis baissé et, zip, la gorge. Mais son regard il ne me quittait pas, la vache. Alors je lui ai balancé un coup de latte dans la tronche. Ça allait mieux. Merde ! on était en mission quand même !
Albert, j’avais pas eu trop de mal à le convaincre. Bien sûr, c’était mon idée. Jeter le trouble dans la cité pour que ça pète et que ça retombe sur les bicots. Parce que ça avait tout de crimes d’Arabes. Même qu’Albert il avait tout de suite marché, comme si l’idée l’excitait même. « T’inquiète, m’avait-il dit, j’avais beau être cuistot, ça m’a pas empêché d’être volontaire pour des interrogatoires. » Ça m’avait un peu surpris car il ne m’en avait jamais parlé jusqu’alors, moi son pote. Mais je savais que je pouvais lui faire confiance.
Demain, nous allions être dimanche, toute la question était de savoir si nous allions remettre ça aussitôt ou s’il fallait attendre pour que la surveillance policière se relâche.
Pour Jean Ferniti, il y avait le pour et le contre. La provocation avait bien marché et la tension était montée suffisamment pour que l’annonce d’un troisième crime d’Arabes mette la cité en émeute. Mais les flics seraient peut-être là planqués à attendre vu que les deux premières exécutions s’étaient succédé deux dimanches de suite.
D’un autre côté, attendre, c’était laissé retomber la pression.
– Qu’en penses-tu, mon Titi ? demanda-t-il à son poisson rouge en fixant ses yeux globuleux après avoir remémoré à haute voix devant lui les événements passés.
Son Titi, c’était un peu sa Pythie à lui. Quand il lui exposait un problème à haute voix, il l’écoutait et semblait lui répondre en énonçant muettement la solution. Heureusement que lui, Jean Ferniti, savait lire sur les lèvres du Titi.
Mais la réponse ne le satisfaisait pas pleinement cette fois-ci. Se faire l’aînée des Kamil, oui, ce serait bien. Même qu’il était sûr qu’il pourrait lui passer dessus cette fois. Le premier, comme Bébert avec les autres.
Ce qui le turlupinait, c’est que ce serait moins facile à mettre sur le compte des Arabes. Mais il y avait un avantage. On sautait le dimanche et on ferait ça le vendredi soir quand elle revenait du conservatoire municipal. Là où il y a des fourrés à l’entrée de la cité de ce côté-ci.
– Oui, mais après, est-ce que je pourrai encore me branler en pensant à elle chaque matin ?


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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