Chapitre 21
Alexandre Caillard n’eut aucune peine à reconnaître Bernard Lestrade. Et il se trouvait là où il pensait le trouver.
À l’endroit même du quai où il s’était trouvé tant d’années plus tôt en compagnie de son frère jumeau.
Lestrade se tenait sur le bord et regardait les rails.
Il se tourna à peine vers lui quand Caillard vint se placer à sa hauteur.
Une rame arrivait.
Elle redémarra sans qu’ils eussent esquissé le moindre mouvement.
– Je suis là, Bernard, finit par dire d’une voix étrangement claire Alexandre Caillard.
Lestrade le considéra un bref instant. Puis il se concentra à nouveau sur les rails.
– Je ne suis pas Bernard, dit-il sans le regarder.
Alexandre Caillard haussa les épaules.
– Je m’en suis douté après avoir écouté ta fille.
– C’est un beau gâchis, non ?
– Oui, répondit Caillard d’un ton neutre en se concentrant à son tour sur les rails.
Il y eut un long silence et une nouvelle rame eu le temps de s’y insérer.
– Tu sais qu’on jouait souvent à se remplacer Bernard et moi. Nous étions de parfaits jumeaux, reprit Lestrade.
– Oui, fit Caillard.
– Bernard a tenu à me remplacer ce soir-là. Pour me protéger. Je lui avais dit que je te soupçonnais de nous avoir donnés et il craignait une réaction violente de ma part.
Il se tut.
Caillard lui demanda pourquoi il n’avait pas songé à venger sa mort plus tôt.
Lestrade haussa les épaules tristement.
– Tu sais, la prison ne donne pas spécialement le goût de la vengeance et de la justice expéditive…, poursuivit-il.
Ni l’un ni l’autre n’avait quitté les rails des yeux.
Une nouvelle rame déboucha du tunnel.
Deux jeunes qui en descendaient les bousculèrent en les traitant de vieux cons.
Ils haussèrent les épaules de concert et reprirent leur position initiale au bord du quai.
– Faut pas s’éterniser, dit Jean Lestrade après le départ de la rame.
– Oui, fit Caillard.
Lestrade se disait qu’une mort n’en rachète pas une autre. Qu’il lui restait sa fille. Qu’Alexandre Caillard, lui, n’avait plus rien et n’était plus rien.
Il allait le prendre par le bras et lui dire qu’il fallait remonter quand une nouvelle rame se fit annoncer au débouché du tunnel.
– Je regrette pour ton fils, prends soin de Nathalie, dit Alexandre Caillard au moment même où il se laissait tomber sous la voiture de tête.
Mais Jean Lestrade n’avait rien entendu de ses dernières paroles.
Seul le bruit mat du corps heurté par la cabine résonna longtemps dans son esprit. Tel un écho sans cesse relancé par on ne sait quelle malédiction originelle.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Alexandre Caillard n’eut aucune peine à reconnaître Bernard Lestrade. Et il se trouvait là où il pensait le trouver.
À l’endroit même du quai où il s’était trouvé tant d’années plus tôt en compagnie de son frère jumeau.
Lestrade se tenait sur le bord et regardait les rails.
Il se tourna à peine vers lui quand Caillard vint se placer à sa hauteur.
Une rame arrivait.
Elle redémarra sans qu’ils eussent esquissé le moindre mouvement.
– Je suis là, Bernard, finit par dire d’une voix étrangement claire Alexandre Caillard.
Lestrade le considéra un bref instant. Puis il se concentra à nouveau sur les rails.
– Je ne suis pas Bernard, dit-il sans le regarder.
Alexandre Caillard haussa les épaules.
– Je m’en suis douté après avoir écouté ta fille.
– C’est un beau gâchis, non ?
– Oui, répondit Caillard d’un ton neutre en se concentrant à son tour sur les rails.
Il y eut un long silence et une nouvelle rame eu le temps de s’y insérer.
– Tu sais qu’on jouait souvent à se remplacer Bernard et moi. Nous étions de parfaits jumeaux, reprit Lestrade.
– Oui, fit Caillard.
– Bernard a tenu à me remplacer ce soir-là. Pour me protéger. Je lui avais dit que je te soupçonnais de nous avoir donnés et il craignait une réaction violente de ma part.
Il se tut.
Caillard lui demanda pourquoi il n’avait pas songé à venger sa mort plus tôt.
Lestrade haussa les épaules tristement.
– Tu sais, la prison ne donne pas spécialement le goût de la vengeance et de la justice expéditive…, poursuivit-il.
Ni l’un ni l’autre n’avait quitté les rails des yeux.
Une nouvelle rame déboucha du tunnel.
Deux jeunes qui en descendaient les bousculèrent en les traitant de vieux cons.
Ils haussèrent les épaules de concert et reprirent leur position initiale au bord du quai.
– Faut pas s’éterniser, dit Jean Lestrade après le départ de la rame.
– Oui, fit Caillard.
Lestrade se disait qu’une mort n’en rachète pas une autre. Qu’il lui restait sa fille. Qu’Alexandre Caillard, lui, n’avait plus rien et n’était plus rien.
Il allait le prendre par le bras et lui dire qu’il fallait remonter quand une nouvelle rame se fit annoncer au débouché du tunnel.
– Je regrette pour ton fils, prends soin de Nathalie, dit Alexandre Caillard au moment même où il se laissait tomber sous la voiture de tête.
Mais Jean Lestrade n’avait rien entendu de ses dernières paroles.
Seul le bruit mat du corps heurté par la cabine résonna longtemps dans son esprit. Tel un écho sans cesse relancé par on ne sait quelle malédiction originelle.
© Alain Pecunia, 2009.
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