samedi 2 mai 2009

Noir Express : "Sur le quai" (C. C. XI) par Alain Pecunia, Chapitre 17

Chapitre 17





Il sortit de son bureau et descendit le perron de la mairie dans un état second. Sans aucune conscience de sa furieuse excitation.
Il traversa la place à grandes enjambées, contourna l’église et pénétra dans la courette du presbytère.
– Dany ! hurla-t-il après s’être engouffré dans le corridor de la vieille demeure et en se dirigeant vers la première pièce sur la gauche, le salon.
Elle était en train d’agencer un bouquet de fleurs séchées sur le guéridon près de la fenêtre et se tenait de trois quarts.
– Dany ! cria-t-il en s’arrêtant sur le seuil.
Elle se tourna lentement vers lui. Comme dans l’un de ces vieux films familiaux que l’on se plaisait à passer au ralenti avant la télé.
– Oui, mon Minou, minauda-t-elle d’une voix pâteuse.
Elle s’est encore mise à picoler son whisky à peine arrivée, se dit-il.
Il était bien décidé à la dessoûler.
– Un problème, mon Minou ? demanda-t-elle d’une voix incertaine en retournant à son bouquet.
Il s’était avancé vers elle, la mâchoire crispée de rage.
– C’est joli, non ? fit-elle en ayant la mauvaise idée de tourner son visage vers lui.
La gifle la frappa violemment et elle trébucha contre le guéridon, heurtant le vase de Sèvres de son coude.
Elle ne réagit pas immédiatement. Sa vision se troublait de larmes.
Elle se tourna craintivement vers lui tout en protégeant son visage de son bras gauche.
– T’es devenu fou ? dit-elle hébétée.
– Putain de salope ! hurla-t-il en la saisissant par le bras et en tentant de la gifler de nouveau.
– T’es fou ! cria-t-elle.
– Je suis prêt à te massacrer si tu ne me dis pas toute la vérité, salope ! dit-il en crochetant sa jambe pour la déséquilibrer et la faire tomber.
Puis il commença de labourer son flanc de coups de pied. Redoublant de fureur en ne rencontrant que des bourrelets de graisse.
– C’est toi qui informes Bernard Lestrade de tous mes faits et gestes, hein ! salope…
Elle se mit à crier et à appeler au secours.
– Qu’est-ce que tu manigances avec ce salaud, derrière mon dos, hein ? Tu vas le dire ou tu vas crever ! hurla-t-il en portant un coup plus fort que les autres qui la fit se retourner de douleur.
Alexandre Caillard haletait et cessa momentanément de frapper pour reprendre son souffle et essuyer la sueur qui perlait de son front.
Elle profita de ce bref instant de répit pour lui jeter dans un ricanement :
– Plutôt crever, ordure ! Je n’ai rien à te dire.
Il défit alors son ceinturon et entreprit de la fouetter méthodiquement.
– Tu parleras, putain ! Tu parleras !
Il alternait les coups de boucle de ceinturon et les coups de pied.
– À l’aide ! gémissait-elle.
– Personne ne peut t’entendre, ma pauvre conne ! ricana-t-il méchamment.
Alexandre Caillard, dans sa fureur, en avait oublié la présence de son fils dans la demeure.
Jean Caillard avait mis un certain temps avant de réaliser que les bruits qui lui parvenaient deux étages plus haut dans les combles aménagés en chambres n’étaient pas ceux de la télé.
Son père ne l’avait pas entendu dégringoler le vieil escalier de chêne.
Il lui tomba dessus en hurlant, hystérique :
– Ne touche pas à ma mère, fumier !
Alexandre Caillard se tourna, les yeux injectés de sang, vers son fils.
– Toi, le bâtard, tu restes tranquille !
Deux fureurs se provoquèrent un instant du regard.
Puis le fils tenta de s’emparer du ceinturon. En se jetant sur son père qui le cueillit d’un coup de genou dans le bas-ventre.
Tandis que le gamin se tordait de douleur à ses pieds, il lui assena un violent coup de pied dans la tempe.
– Couché le chien-chien ! ordonna Alexandre Caillard d’une voix démente alors que le fils se mettait à râler faiblement.
Alexandre Caillard avait les yeux exorbités par la haine.


© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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