vendredi 14 novembre 2008

Noir Express : "Sans se salir les mains" (C. C. VII) par Alain Pecunia, Chapitre 17

Chapitre 17





Phil conduisit la Twingo sur les cinq cents mètres qu’il restait à parcourir. Muet comme une carpe.
Il alla se coucher immédiatement en jetant juste un « Tout va bien » à Isa. Se refusant à toute explication.
– Demain. Je suis épuisé.
Le lendemain, jour de l’Assomption, il tint parole après le petit déjeuner.
– C’est cette histoire de marnière qui m’a donné l’idée. Elle coupait toute la largeur sur près de trois mètres et faisait huit mètres de long – et au moins une trentaine de mètres de profondeur.
Alors, quand je l’avais vu partir avec la première équipe de mafieux, il avait pris un peu d’avance puis éteint ses lumières une centaine de mètres avant la bifurcation.
L’entraînement des soirées précédentes, c’était ça.
Mais les autres, ses « complices », dès son passage sur la bonne route, avaient aussitôt placé le panneau d’interdiction de passage sur celle-ci.
D’où le dérapage contrôlé des Siciliens qui devaient s’engager forcément sur la mauvaise où les attendait, cinquante mètres plus loin, la marnière.
– Et, même en s’en rendant compte au dernier moment, avec le remblai des deux côtés qu’on avait mis l’après-midi, ils ne pouvaient qu’aller tout droit… Pour sûr, ils ont freiné à mort ! Mais tête baissée ils ont basculé dedans… Sans trop de bruit car Michel y avait balancé des bottes de paille au fond !
Même topo avec la seconde équipe.
Sauf que, cette fois, ils avaient prévu de les coincer à deux voitures. L’une conduite par Phil et l’autre par l’un des jumeaux. De façon que, s’ils montraient de la méfiance au dernier moment, la deuxième voiture conduite par Phil puisse les coincer et les pousser vers le trou sur cette route où il était impossible de se doubler.
– Mais il n’y a pas eu besoin. Ils ont foncé dedans tout seuls…
Phil était fier comme Artaban.
– Je crois que j’ai enfin fait une bonne action dans ma vie.
– Mais, Papy…, tenta Isa.
– Si, si, la coupa-t-il. Et je sais ce que je dis. Vous pouvez me croire !
Ses acolytes, ainsi que Marcelle, nous rejoignirent à l’heure de l’apéritif.
– Il manque encore un peu de terre ! dit joyeusement Michel. Mais c’est déjà pas mal.
Les deux jumeaux me serrèrent chaleureusement la main avec de petites tapes complices sur l’épaule qui n’échappèrent pas à Isa.
Qui a fait la gueule après que Georges lui a dit :
– Votre mari, il a pas été mal. Il nous a donné un bon coup de main, vous savez ?
Non, elle ne savait pas. Je lui avais tu mon rôle de croque-mort.
– Tu m’expliqueras, me lâcha-t-elle fielleusement, ce que tu entends par rôle de simple observateur. Ça m’intéresse…
Il y eut quand même un petit flottement dans notre confrérie lorsque le brigadier débarqua, seul, alors que nous étions déjà quelque peu éméchés.
Il s’approcha d’un pas énergique et l’air particulièrement satisfait. Jetant des regards chaleureux à chacun et chacune. Style de Gaulle descendant les Champs-Elysées à la Libération.
– Alors, messieurs ! Beau travail que ce remblayage de la marnière… Mais je ne suis pas venu pour vous parler de ça. Je souhaitais vous apprendre une bonne nouvelle, que vous ignorez encore, bien sûr… Eh bien, je vous annonce que le « clan des Siciliens » s’est volatilisé dans la nature cette nuit et qu’il a dû s’enfuir en Sicile. Hélas ! car nous étions près de les arrêter pour leur trafic de drogue et autres méfaits… De toute façon, nous en sommes débarrassés. C’est l’essentiel, n’est-ce pas ?
Nous avons tous applaudi et félicité le brigadier qui a accepté de trinquer avec nous.
Il n’était pas de service.


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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