vendredi 21 novembre 2008

Noir Express : Euh-Euh ! (C. C. VIII) par Alain Pecunia, Chapitre 1 (suite et fin)

Chapitre 1 (suite et fin)





On était revenu à la case départ. Pas de témoin.
Ce qui ne ferait pas l’affaire du commissaire Antoine des Stups qui avait demandé au responsable de la Crim de confier l’enquête au capitaine Cavalier.
La victime, Clément Duroc, était recherchée, depuis début août, dans le cadre de l’affaire du trafic de drogue dite « du Relais angevin », pour le meurtre de Lionel Péroti
*.
Son corps avait été découvert une heure et demie plus tôt par un passant, affalé contre une porte d’immeuble et les mains encore crispées sur le manche du couteau qui lui saillait du foie. Rue Malar, rue perpendiculaire à la rue Saint-Dominique où la victime possédait un appartement que la police avait mis sous surveillance dans l’espoir de le « serrer ».
Et il avait été assassiné à deux pas de là sans que les deux flics en civil en planque dans leur bagnole banalisée s’en rendent compte.
C’est d’ailleurs eux qui s’étaient retrouvés les premiers sur les lieux après avoir été alertés par les appels à l’aide du passant.
Ils avaient immédiatement identifié la victime dont ils connaissaient le signalement par cœur.
Ils étaient toutefois étonnés et s’étaient demandé comment ce type d’un mètre quatre-vingt-cinq aux cheveux mi-longs rejetés en arrière avait pu circuler dans les parages sans qu’ils s’en aperçoivent. Vexés qu’ils étaient, et assurés d’une bonne engueulade en même temps.
Isabelle frissonna et resserra machinalement son blouson de cuir. Elle avait froid et se sentait fatiguée. Sa petite fille de trois ans avait un peu de fièvre et elle l’avait veillée une partie de la nuit. Elle avait été réveillée à sept heures, une demi-heure après la découverte du corps, et s’était retrouvée sur les lieux à sept heures et demie. Elle avait la chance d’habiter pas trop loin de là, rue du Commerce. À peine dix minutes en voiture.
Le lieutenant des Stups et son coéquipier, qui étaient de surveillance devant le domicile de Duroc, lui faisaient pitié. Antoine n’allait pas leur pardonner facilement d’avoir « perdu » leur client de cette façon. Mais, un point était sûr. Celui qui avait perpétré ce meurtre ne manquait pas de sang-froid. Il avait couru des risques certains en agissant aussi près du domicile de l’assassin recherché.
Le jeune trisomique – elle détestait ce mot – se tenait toujours à quelques mètres de là. Il semblait ne pas avoir bougé d’un pouce. Avec le même sourire qui éclairait sa face lunaire.
– Votre Euh-Euh semble loin de toutes ces turpitudes, dit-elle en se tournant vers le lieutenant. Je me demande ce qui peut bien le faire sourire ainsi… Il a peut-être assisté au meurtre, vu l’assassin, et n’en paraît pas le moins du monde troublé. Comme si cela le réjouissait même… Ah ! s’il pouvait parler !
Elle traversa la chaussée et posa sa main sur l’épaule du jeune homme en lui souriant.
– Euh-euh…
Elle lui rendit son sourire tout en regrettant qu’il n’y ait pas de miracle possible.
Mais qui pouvait bien en vouloir à ce Duroc au point de le supprimer ? Le réseau avait été démantelé et tout était à présent parfaitement clair dans cette affaire. Quelqu’un aurait-il pu, malgré tout, échapper au coup de filet et vouloir le faire taire ? Ou un règlement de comptes entre dealers. Mais qui ?
Tout compte fait, le meurtre avait peut-être été commandité par celle qui avait pris la tête du réseau, Christine Langlot. L’instigatrice de l’assassinat de son ancien « patron », Lionel Péroti.
Seuls les aveux de son complice Jean Périni la mettaient en cause dans le meurtre de Péroti. Christine Langlot n’avait pas craqué et la « disparition » de Clément Duroc ne pouvait qu’arranger ses affaires.
En tout cas, c’était la seule piste à creuser.
* Voir Cadavres dans le blockhaus et Sans se salir les mains.


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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