mercredi 12 novembre 2008

Noir Express : "Sans se salir les mains" (C. C. VII) par Alain Pecunia, Chapitre 16

Chapitre 16





Le jeudi, j’ai renoncé à trimbaler Phil pour la journée.
Je ne rêvais que d’une paisible journée à la campagne.
En fin de matinée, Isa m’a envoyé chercher des œufs chez Marcelle et Georges. J’y suis allé à pied avec Philippine.
Le monospace des Siciliens nous a dépassés au ralenti sur la route. Il s’est arrêté vingt mètres plus loin puis a redémarré brusquement comme nous arrivions à sa hauteur.
Ça m’a donné un mauvais pressentiment.
Phil a disparu la plus grande partie de la journée pour aller à la ferme.
À l’heure de la sieste de la petite, sans nous être concertés, Isa et moi avons nettoyé nos armes de service.
Comme toujours, elle a remonté la sienne plus rapidement que moi.
Nous n’avons pas échangé un mot. Ce n’était pas nécessaire. Nous savions que nous étions sur la même longueur d’onde. Et qu’avant l’arrivée des bleus – la cavalerie – il faudrait jouer la protection rapprochée de nos doux dingues.
Dans le courant de l’après-midi, nous avons entendu un remue-ménage de pelleteuse et un va-et-vient de tracteur vers la ferme.
J’ai pris ma voiture et je suis passé devant sans m’arrêter.
La pelleteuse prenait de la terre et des cailloux sur l’immense monticule qui servait de réserve aux trois frères pour leurs remblayages de marnières.
Elle chargeait une remorque de tracteur.
Je suis allé jusqu’au bourg, fait demi-tour sur le parking du cimetière et suis revenu.
C’est alors que j’ai compris qu’ils amenaient leurs matériaux de remblayage jusqu’à la marnière qui coupait la route. En deux tas d’une dizaine de mètres de longueur sur chaque bas-côté.
Ça m’a rassuré ainsi qu’Isa quand je lui ai rapporté ce qui se passait.
– Ce n’est rien. Ils font leur boulot, ai-je conclu en haussant les épaules et en regagnant mon transat.
Le va-et-vient a continué jusqu’en début de soirée.
Phil était revenu pour dîner avec nous et se préparait à présent pour sa virée du soir.
Quand il est redescendu de l’étage, il était sur son trente et un.
– Ne m’attendez pas pour vous coucher. Ça risque d’être long ! nous lança-t-il négligemment.
Il partit à vingt et une heures trente avec la Twingo d’Isa et nous l’avons entendu s’arrêter à la ferme.
J’ai alors aidé Isa à fermer la maison. C’est elle qui garderait la petite.
Puis je suis parti à pied jusqu’au bourg en suivant la lisière des champs et en me tenant le plus éloigné possible du chemin vicinal. Mais la nuit finissait de tomber.
J’ai mis une demi-heure pour atteindre le cimetière et me dissimuler à l’intérieur derrière son muret. De ce poste d’observation, j’avais à la fois une vue sur la maison du Sicilien et sur la route.
Je n’avais pas vraiment d’idée précise. Juste l’intuition qu’il fallait que je me trouve là.
Il était à présent vingt-deux heures passées.
À la demie, je vis arriver la Twingo d’Isa. Je devinai Phil au volant et reconnus la silhouette de Georges à l’arrière, derrière la place du passager avant, lorsque la voiture vint faire demi-tour sur le parking du cimetière. Georges tenait un fusil de chasse.
Phil s’arrêta ensuite devant l’entrée de la maison du Sicilien en donnant des à-coups d’accélération.
Le canon du fusil de Georges apparut à la fenêtre arrière, semblant viser la porte d’entrée, qui se trouvait au-delà de la portée de son fusil pour qu’une décharge fût mortelle.
C’est alors que la porte s’ouvrit sur l’un des « cousins » de Salvatore Patronicci.
Il se baissa instinctivement et s’apprêtait à saisir une arme sous sa veste quand la Twingo démarra en trombe pour s’arrêter pile cinquante mètres plus loin.
Déjà, des cris ou des ordres retentissaient en sicilien et deux sbires se précipitèrent vers le monospace.


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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