mardi 4 novembre 2008

Noir Express : "Sans se salir les mains" (C. C. VII) par Alain Pecunia, Chapitre 10 (suite et fin)

Chapitre 10 (suite et fin)





Isa a toujours l’esprit pratique. Elle ne cesse de me surprendre.
– Peut-être que les deux vieux ont un ou deux fusils ? Suffit de leur demander.
– Tu veux peut-être aussi demander au fermier d’à côté s’il n’a pas quelques reliques ? Et pourquoi pas tous les voisins et faire un remake des Sept Mercenaires en pleine campagne normande, pendant que tu y es !
– Et pourquoi pas ? m’a-t-elle lancé en défi.
Je n’y croyais vraiment pas. Je voyais ma chère et tendre épouse devenir aussi taré qu’eux sous mes propres yeux.
– Mais tire pas une tronche comme ça ! Je déconnais juste…
Et le Phil qui se pointait en sifflotant.
– Vous manigancez quoi ? lui lâchai-je méchamment.
Il me snoba.
– Ça ne vous concerne pas !
– Mais vous mettez Philippine en danger !
Là, il me jeta un regard vraiment mauvais.
– Mais c’est vous, mon pauvre Pierre, qui mettez sa vie en danger en laissant vivre ces saloperies !
Alors j’ai tenté le bon sens.
– Mais vous n’êtes même pas armés…
– Si. Georges a un vieux fusil de chasse.
– Ah ! vous voyez, Phil, c’est pas sérieux.
– Mais les armes ne jouent qu’un rôle secondaire dans notre plan. Tout est dans l’intelligence et la finesse tactique, précisa-t-il en pointant son index droit contre sa tempe. Nous, nous n’évoluons pas dans la brutalité policière, si vous voyez ce que je veux dire, Pierre…
Isa s’est interposée entre nous au moment où j’allais le prendre à la gorge et ne plus lâcher prise jusqu’à ce que mort…
Non ! J’allais quand même pas péter les plombs ! Mais pourquoi cette pulsion de meurtre par strangulation sur Papy ?…
– On se calme, les hommes ! On est de grands garçons… Voilà, on recule un peu et on respire un grand coup. Ça ira mieux après…
En fait, ça n’a pas été tellement mieux après. J’ai senti les choses m’échapper. Avec la sensation d’évoluer dans un univers étranger.
C’est simple, depuis que j’étais là, j’éprouvais le sentiment d’évoluer dans une cinquième dimension. Comme si cette propriété était placée sous le signe d’une malédiction quelconque.
C’est vrai, je suis superstitieux. C’est même terrible parce que c’est quelque chose qui ne se commande pas du tout et qui ne vous lâche plus quand ça vous prend. Comme à présent.
– Les deux vieux nous ont jeté un sort ! je me suis dit à haute voix.
– Mais qu’est-ce que tu racontes, chéri ?
J’ai sursauté et me suis ressaisi.
– Rien, Isa. Rien. Je me sens juste un peu fatigué…
– Eh bien, rejoins ta fille pour faire la sieste, mon chéri.



© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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