vendredi 3 octobre 2008

Noir Express : "Sous le signe du rosaire" (C. C. VI) par Alain Pecunia, Chapitre 22

Chapitre 22





C’est bon de se sentir exister pour une femme. Maintenant, depuis le début de cette année, la 99, je l’appelle « Isa » et elle « Phil ».
Nous sommes parfois allés au cinéma ensemble et j’ai osé ce que je n’aurais jamais cru pouvoir oser avec une autre femme que maman. D’ailleurs, cette seule idée eût été auparavant sacrilège, incongrue.
J’ai emmené Isa au Louvre ! Et j’ai de la chance, elle est tombée sous le charme de la salle des sarcophages égyptiens et de celle consacrée à l’art funéraire de l’Egypte romaine. Cette dernière est située dans les anciennes écuries impériales et c’est ma préférée. À cause de ses momies, surtout celle de Padiimenipet, qui m’a fasciné dès le premier jour où je l’ai découverte. Grâce à maman.
J’en ai profité pour lui expliquer les procédés de momification des Anciens – qui sont, d’ailleurs, toujours valables dans leurs grandes lignes.
Le goudron de conifère et la cire d’abeille font des merveilles, mais je n’ai pas voulu entrer dans les détails. Les momies me passionnent beaucoup moins depuis que j’ai fait la connaissance d’Isabelle.
Isa m’a également complimenté pour mon eau de toilette.
– C’est mieux que votre eau de Cologne à la lavande dont vous donniez l’impression de vous asperger des pieds à la tête.
J’avais pris cette habitude après la mort de maman, quand j’avais entendu quelques élèves des grandes classes se faire la réflexion, à plusieurs reprises – derrière mon dos, évidemment, mais suffisamment fort pour que je l’entende – que « ça sentait le croque-mort ».
– C’est curieux les coïncidences, a-t-elle ajouté en riant, les vendeuses du rayon lingerie – vous vous souvenez ? – s’étaient souvenues que le « Père Noël tueur » dégageait une forte odeur de lavande…
Nous nous retrouvons souvent au Relais angevin.
Mais Jean, le loufiat, il ne s’est jamais permis la moindre réflexion goguenarde à notre égard. Il semble même se tenir à distance d’Isabelle. Encore plus depuis qu’Isa a pris l’habitude de venir parfois avec des collègues de travail. De la PJ et de la DST.
Quelquefois, ils y organisent des pots pour les anniversaires ou les fêtes des uns et des autres. Ou lorsqu’ils ont résolu une bonne affaire.
Ils sont très sympathiques. Parfois, je me permets de les taquiner.
– Oui, mais le tueur « au collier », votre « Père Noël tueur », il court toujours !
Ils le prennent bien. Ils rient avec moi.
Ils ont beaucoup d’humour.
Toutefois, ma grande satisfaction, c’est de voir le gendarme retraité « toujours accroché au bar » filer à l’anglaise dès qu’Isa pénètre dans les lieux.
Il y en a une aussi qui nous évite, c’est la femme du patron, la Christine blondasse, qui a d’ailleurs l’air de mal vieillir et de ne pas être toujours bien claire d’esprit.
Lors d’un pot, mes amis policiers l’ont invité à trinquer avec eux.
– Entre fonctionnaires, ça ne se refuse pas !
Gênée qu’elle était. Pas possible ! C’est simple, on l’aurait cru en garde à vue avec la tête qu’elle tirait.
Même le Jean, son attitude n’est pas très nette. Il est bizarre. Comme s’il cachait quelque chose.
Le Dr Lévy, il est très content de ma nouvelle vie « sociale ».



© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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