dimanche 26 octobre 2008

Noir Express : "Sans se salir les mains" (C. C. VII) par Alain Pecunia, Chapitre 5 (suite et fin)

Chapitre 5 (suite et fin)





Je n’éprouvais strictement aucune envie de me rendre compte. Je n’en avais rien à cirer et c’était plutôt confus.
– Ils vont peut-être revenir ? dit Isa qui commençait de se lasser.
– Mais non, ils ont disparu, qu’on vous dit !
– Alors, ça regarde la gendarmerie, fis-je à mon tour pour couper court aux élucubrations des deux vieux qui avaient l’air de passionner Phil.
Marcelle plissa les yeux d’un air entendu en prenant appui des deux coudes sur la table.
– C’que je peux vous dire, c’est que cette grande andouille de brigadier, eh ben, il a pas l’air de trop chercher…
– Mais chercher quoi ? la coupai-je en haussant les épaules.
– Ben, les corps ! dit Georges comme si cela tombait sous le sens.
Isa et moi avons échangé un bref regard. Nous nous comprenions. Nous sortions d’un cauchemar pour retomber dans un autre.
– Alors, c’est comme pour les femmes de Papy ? lâcha Philippine qui était montée sur les genoux de son grand-père.
Phil souriait en hochant la tête.
– Vous avez été marié plusieurs fois, monsieur Phil ? demanda Marcelle, son intérêt soudainement en éveil.
– Deux, répondit Philippine avec assurance.
J’en avais des sueurs. Isa me stupéfia par son sang-froid.
– Mais il est veuf à présent, dit-elle avec un large sourire.
Phil sourit à nouveau.
– Depuis hier seulement, poursuivit Philippine avec sa logique de trois ans plus implacable que celle de Descartes.
Georges et Marcelle sourirent à la petite.
– Les enfants sont comme ça. Ils affabulent, dit affectueusement Marcelle.
J’avais vraiment hâte à présent que l’on en revienne à nos « disparus ».
– Mais qu’est-ce qui vous fait penser à une disparition et non à un simple départ précipité, puisqu’ils ne vous ont pas dit au revoir ? me suis-je lancé.
Le front de Marcelle se plissa. Elle mettait de l’ordre dans sa mémoire.
– Ben, tout était propre et rangé dans la maison et elle était toute fermée, commença-t-elle. Et leurs valises et leurs affaires n’étaient plus là.
– Et alors ? fit Isa.
– Ben, c’est que leur voiture était au garagiste vu que les quatre pneus avaient été crevés le vendredi et qu’on est quand même à dix kilomètres de la gare.
– Un taxi a pu venir les prendre ou quelqu’un d’autre ? dis-je.
– Mais pourquoi ils ont abandonné leur voiture, alors ? Une grosse Mercedes toute rose. Et puis, avant, y avait eu l’explosion de leur garage. Qu’on a jamais bien su ce que c’était…
Bref, une histoire de la campagne, me suis-je dit. Mais il n’y avait plus que Phil et la petite pour écouter leurs salades. Isa et moi, nous avions décroché.
Mentalement et pour aller préparer le repas du soir.
Une omelette géante et une salade aux lardons.
– Vos œufs, je parie que vous les avez pris au supermarché… Oh ! c’est pas qu’ils sont pas bons, mais c’est quand même de l’industriel. Moi, je vais vous apporter des nôtres pendant votre séjour. Vous ne les paierez pas plus cher et vous m’en direz des nouvelles !


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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