samedi 13 décembre 2008

Noir Express : Euh-Euh ! (C. C. VIII) par Alain Pecunia, Chapitre 17

Chapitre 17





À sept heures trente précises, le dimanche 26 octobre, Isabelle Cavalier sonna à la porte de Philippe-Henri.
Gilbert Lenoir lui ouvrit après s’être assuré de son identité.
Phil se tenait dans le couloir avec ses deux valises.
Ils descendirent ensemble et mirent les valises dans le coffre de la familiale.
C’était maintenant le moment le plus délicat.
La rue Amélie, cinquante mètres plus loin, devait être sous surveillance et il n’était pas question de laisser seul Phil dans la voiture.
« Ils » seraient capables de leur jouer le coup à l’envers en kidnappant Philippe-Henri – ou pire.
Phil les accompagnerait donc. Mais une course de vitesse allait débuter dès qu’ils seraient repérés.
Ils ne le furent pas avant d’arriver à huit heures moins cinq précises au bas de l’immeuble des Dutour.
Normal, le « sous-marin » était garé le long du trottoir opposé.
À présent, ils allaient demander des consignes et peut-être réclamer du renfort. Le chrono était enclenché.
Gilbert Lenoir resta en bas. Isabelle Cavalier monta jusqu’à l’appartement avec Phil et elle lui demanda de rester en retrait.
Elle jouait le tout pour le tout. Elle le savait. Si les Dutour n’ouvraient pas, tout était perdu. Pour tout le monde. Avec pas mal de dégâts collatéraux.
Elle sonna avec insistance.
Par bonheur, Louis Dutour ouvrit.
« Il a dû croire que ce sont ses anges gardiens du “sous-marin”… », pensa Isabelle avec soulagement.
En fait, sa Paulette était partie chercher du pain et il crut qu’elle avait oublié ses clés.
Par chance, Louis Dutour semblait être le maillon faible.
Isabelle n’eut pas à brandir le sésame du juge. L’effet magique fut obtenu par la simple carte de police du capitaine Cavalier et son brassard marqué « police » qu’elle venait juste d’avoir l’idée d’enfiler.
– Je viens chercher Patrice pour le mettre en lieu sûr ! dit-elle d’un ton sans réplique en se dirigeant vers la chambre du jeune homme dont elle tourna la clé.
Euh-Euh bondit de joie en la voyant pénétrer dans sa chambre.
Il avait eu raison d’espérer. Il savait que « la dame de la police » viendrait le délivrer. Que sonnerait alors l’heure de la punition des méchants comme dans la Bible. Elle était l’envoyée du vieux monsieur.
Isabelle repéra un sac de voyage dans un coin de la pièce et aida un Euh-Euh tout excité à le remplir de quelques vêtements.
Ils atteignirent la porte palière ouverte, où se tenait toujours Louis Dutour, au moment où Paulette allait débouler avec perte et fracas.
Mais le fracas fut pour elle grâce à un astucieux croche-pied de Philippe-Henri sortit au bon moment de la pénombre du couloir où il s’était tenu dissimulé jusqu’à présent.
Paulette Dutour se mit alors à hurler à l’aide tandis que Phil, Euh-Euh et Isabelle descendaient quatre à quatre l’escalier, Isabelle traînant le sac de Patrice.
Gilbert Lenoir avait eu l’idée lui aussi de passer son brassard de police et il tenait les deux occupants du « sous-marin » en respect avec son arme de service devant la porte d’entrée de l’immeuble, en criant régulièrement : « Police ! personne ne bouge ! » À quelques mètres du commissariat de la rue Amélie, au numéro 6, fermé le week-end.
Il couvrit en position de tir la sortie du trio qui rejoignit au plus vite la rue Saint-Dominique et s’engouffra dans la familiale de Pierre au milieu de quelques badauds.
Le lieutenant Lenoir les rejoignit au dernier moment, suivi des deux « gorilles » qu’il tenait toujours en respect et qui notèrent consciencieusement le numéro d’immatriculation du véhicule.
Il était à peine huit heure dix. Le tout n’avait pas pris un quart d’heure.
Isabelle avait démarré sur les chapeaux de roue et elle fila, gyrophare en folie, jusqu’au boulevard de La Tour-Maubourg qu’elle remonta à contresens jusqu’à l’avenue de La Motte-Picquet, qu’elle suivit jusqu’à la rue du Commerce où elle se gara en double file, passant le volant à Gilbert Lenoir le temps d’aller chercher Philippine.
Il était huit heures vingt-trois.
Elle remarqua un individu dans un véhicule garé dix mètres plus haut qui s’était retourné vers elle tout en téléphonant.
Elle bondit les marches jusque chez elle. Pénétra en trombe jusqu’à la chambre de Philippine en passant devant un Pierre médusé.
Repassa dans l’autre sens en tirant Philippine d’une main, un sac de voyage de l’autre, en jetant :
– T’as fais ton choix ?
Sans même ralentir son allure.
Elle entendit un « Oui » mais ne sut pas quel était son choix.
Elle était déjà en train de descendre l’escalier, Philippine blottie dans un bras et traînant le sac de voyage de marche en marche de l’autre.


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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