lundi 8 décembre 2008

Noir Express : Euh-Euh ! (C. C. VIII) par Alain Pecunia, Chapitre 12

Chapitre 12





Pierre Cavalier paniqua lorsque sa femme lui révéla le soir, au moment d’attaquer le fromage, le fruit de ses cogitations.
– Mon chéri, je sais tout !
– Tout quoi ?
– Tout ce que tu voulais me cacher, mon amour…
Isabelle le vit devenir blême et ouvrir la bouche comme à la recherche d’air.
– Excuse-moi de t’avoir fait parler la bouche pleine, mon chéri. Tu étouffes ?
De blême, elle vit curieusement virer son mari au vert.
Puis ce fut un rouge congestionné quand il toussa longuement.
Elle s’était accoudée sur la nappe, son menton reposant sur ses mains croisées, et attendait que ça se passe.
Elle l’aida un peu car il tardait à recouvrer l’usage de la parole.
– Toute la combine. Les tenants et aboutissants… Pourquoi, en fin de compte, il faut sauver le fils du présidentiable le mieux placé à gauche…
– Ne parle surtout pas de ça à quiconque…, hoqueta-t-il entre deux quintes de toux.
– Je sais, mon chéri, ceux qui savent sont en danger… Toi, moi…
– Et Phil, ajouta-t-il après une légère hésitation.
– Mais que vient faire Phil là-dedans ?
– On l’a vu avec ton Euh-Euh.
– Et alors ?
– Eh bien, il est soupçonné d’être au courant de tout.
Isabelle était abasourdie. Qu’est-ce que ces tordus de flics politiques avaient encore trouvé ?
– Serait-il en danger ? demanda-t-elle en cachant difficilement son anxiété.
– Oui.
– Et c’est tout ce que ça te fait ! hurla-t-elle au risque de réveiller Philippine qui dormait deux pièces plus loin. Phil – mon quasi-père, le grand-père et le parrain de ta fille, je te le rappelle au passage, au cas où tu aurais pu l’oublier – est en danger et tu dis : « Oui », comme ça, négligemment !
Elle en avait le souffle court, haletant de colère.
– Tu l’as prévenu, j’ose espérer ?
Pierre baissa les yeux.
– Tu vas laisser assassiner le grand-père de ta fille par ta « raison d’Etat » à la noix ? Réponds-moi !… ou, plutôt, attends, je vais chercher ta fille et tu vas lui dire toi-même que tu vas participer à l’assassinat légal de son grand-père…
Isabelle s’apprêtait à sortir du salon quand il parvint à la bloquer in extremis.
– Je ne veux pas ça, je te le jure ! lui dit-il pathétiquement.
– Alors trouve une solution à vos conneries ! lui jeta-t-elle tout en se débattant.
Ils retournèrent s’asseoir autour de la table. En chiens de faïence.
– Je sauverai Phil, je te le jure ! lâcha-t-elle après avoir ruminé sa rage. Je trouverai une idée, moi !
Pierre Cavalier était abattu. Il sentait confusément que tout aller foirer lamentablement. Que rien ne peut s’opposer au rouleau compresseur de la raison d’État une fois en marche.



© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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