mercredi 3 décembre 2008

Noir Express : Euh-Euh ! (C. C. VIII) par Alain Pecunia, Chapitre 9

Chapitre 9





Euh-Euh, il est très content de lui. Il a fait une grande chose. Il a vengé son amie Mercedes. Mais Euh-Euh ne comprend pas pourquoi la dame de la police elle ne le félicite pas quand il lui dit que c’est lui qui a fait ça.
Pourtant, comme lui, elle semble ne pas aimer les méchants.
Il n’y a que le professeur qui comprend Euh-Euh.
Sans lui, il aurait eu du mal à réaliser les deux derniers meurtres.
Le professeur lui a donné de bons conseils.
Il a fait comprendre à Euh-Euh qu’il valait mieux que ça reste un secret. Que les gens ils ne pouvaient pas comprendre son esprit de justice. Qu’ils aimaient pas en fait qu’on fasse justice soi-même. Qu’il valait mieux pour eux qu’il n’y ait pas de justice du tout que celle qu’il exerçait.
Mais Euh-Euh il a tué tous ceux qui ont fait du mal à Mercedes. Et il est heureux Euh-Euh.
Mercedes, maintenant, elle ne va plus pleurer ni supplier.
Mercedes elle est heureuse et elle a dû voir tout ce que Euh-Euh a fait pour elle.
Mercedes, elle a toujours été gentille avec Euh-Euh. Elle s’est toujours occupée de lui. Elle le voyait. Il existait pour elle.
Mercedes, elle avait dix-neuf ans quand elle est morte. Quand ils l’ont tuée, ces cinq-là. Les plus méchants des méchants.
Euh-Euh, c’est dans la Bible qu’il a vu que les méchants ils doivent être punis.
La Bible, Euh-Euh, il aime bien.
Il y a beaucoup de méchants.
Bien sûr, ils ne sont pas toujours punis comme il faut. Le monsieur de la Bible il a parfois des oublis ou des comportements bizarres avec les méchants.
Il y a des punitions qu’il donne qui ne ressemblent pas toujours à des punitions. Plutôt le contraire. Là, Euh-Euh, il aime pas.
Mais quand il châtie bien, le monsieur de la Bible dont on parle toujours tout le temps, Euh-Euh il aime beaucoup.
C’est de la vraie justice.
Parfois, c’est compliqué. On ne sait plus qui est le méchant et le bon. Mais quand on est sûr qui est le méchant, c’est bien. C’est simple.
Euh-Euh il a eu l’idée du couteau quand il a vu Abraham brandir son couteau.
C’est une belle image qui a beaucoup plu à Euh-Euh.
Lui, Euh-Euh, rendre justice comme dans la Bible.
Les gens ils ont aimé, mais ils n’aiment plus a dit le professeur à Euh-Euh.
Mais l’idée du couteau, c’était plus pratique que les transformations en statues de sel, le feu du ciel, les nuées de sauterelles et tous ces trucs qui demandent plein de techniques comme au cinéma.
Euh-Euh, il aime les idées simples.
Les idées simples, lui a dit le professeur, c’est toujours ce qu’il y a de mieux. En toute chose. « C’est classique et tout ce qui est classique est beau. »
Euh-Euh, il aime beaucoup quand le professeur il parle comme ça.
Euh-Euh, il comprend.
Euh-Euh, il comprend beaucoup moins bien les idées de punir les méchants du fils du monsieur de la Bible dont on parle à la fin.
C’est compliqué et pas classique du tout. Donc c’est pas bon.
Mais Euh-Euh, il a compris que c’était quelque chose qui a été rajouté. C’est plus du tout pareil.
D’ailleurs, les méchants, ils ne sont plus punis du tout.
C’est pas de la punition.
Et Mercedes, il ne l’a pas vue monter au ciel.
Mercedes, ils l’ont mis dans une boîte où on pourrit.
Elle méritait pas ça Mercedes après ce que les méchants ils lui ont fait.
C’est pourquoi Euh-Euh il a voulu vraiment les punir.
Pour que ça fasse du bien à Mercedes et que ça l’empêche de pourrir entièrement.
Le professeur il a dit que Euh-Euh il a raison. Que c’est une bonne idée d’empêcher de pourrir complètement.
Il a dit qu’il avait essayé, lui aussi. Mais que personne l’a compris. Il était triste, le professeur, en disant ça à Euh-Euh.
Mercedes, elle était jolie. Très jolie. Toute brune. Avec de longs cheveux noirs.
Quand Euh-Euh a montré sa photo au professeur – jamais à personne d’autre, même pas la dame gentille de la police –, il a dit qu’elle ressemblait à une « moresque ».
Euh-Euh sait pas ce que c’est. Mais ça doit être ça.
Mercedes, elle a toujours été très belle déjà toute petite.
Euh-Euh aimait beaucoup sortir avec elle. Elle était comme sa petite sœur.
Mais Euh-Euh il a pas su veiller sur elle comme un frère. La protéger.
Il y a plus de deux ans, Mercedes a fait la connaissance de Clément Duroc.
Euh-Euh, il l’a pas aimé tout de suite. C’était un frimeur et un menteur.
Mercedes, elle, l’a aimé. Plus que Euh-Euh.
Euh-Euh l’a dit à Mercedes. Elle a dit qu’il était jaloux. Pour ça qu’il disait ça.
Mercedes, elle a pas écouté Euh-Euh.
Alors Euh-Euh, il a fait semblant d’admettre. Il a même fait l’effort de devenir ami avec Clément.
Lui, le Clément, ça l’amusait de promener Euh-Euh avec eux.
– Fais euh-euh…, disait-il.
Ça l’amusait beaucoup.
Ça a aussi gêné Mercedes au début. Moins après, quand elle a commencé à changer. Par sa faute au Clément.
Mais Euh-Euh était content de pas quitter Mercedes.
Puis le Clément il a fait prendre des choses à Mercedes. De la poudre blanche qu’on renifle et qui font que les gens ils sont plus pareils.
Euh-Euh a pris aussi une fois. L’après-midi où ils étaient tous les trois dans l’appartement du Clément et qu’il a déshabillé Mercedes pour faire comme au cinéma.
Euh-Euh était content. Ça faisait plaisir à Mercedes.
Mais Euh-Euh il a refusé de faire comme au cinéma avec Mercedes.
Clément il voulait. Pas trop Mercedes.
Alors il l’a giflée pour l’obliger.
Mercedes elle a alors voulu. Mais pas Euh-Euh.
Il est parti en courant.
Mercedes elle a jamais plus été pareille après.


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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