Chapitre 8
Je souhaitais aller à Deauville, Phil préférait Honfleur – car il détestait ces plages de sable fin qui lui rappelaient ses vacances à La Baule avec sa mère – et Isa Cabourg.
Ce fut donc Cabourg en prenant la Twingo d’Isa.
Une famille d’aoûtiens moyens en vacances. De la pure détente et du plaisir simple. Dans l’amnésie la plus complète.
Phil était sur les pas de Proust – qu’il appréciait pourtant moyennement, « trop ampoulé » –, Isa bronzait en monokini, ses petits seins bien fermes à l’air, et moi je me faisais enterrer, puis déterrer, puis… etc., par ma fille.
J’étais couché sur le ventre, ma tête reposant sur mes avant-bras croisés pour plus de commodité et pour mieux contempler mon amour de femme.
Je me fis une réflexion toute bête d’homme amoureux tout en commençant de m’ensommeiller. Etre enterré à même la terre contre ma femme afin de rester enlacés pour l’éternité…
– Merde ! hurlai-je en sursautant et en me retournant sur le dos.
Renversant dans le même mouvement Philippine qui s’était juchée à califourchon sur sa « tombe » et se mit à pleurer de frayeur.
L’amour de ma vie me fusilla du regard et se leva d’un bond pour accueillir dans ses bras maternels sa fille en pleurs.
– Mais qu’est-ce qui te prend de crier après ta fille et de la bousculer comme ça ? T’es devenu fou, ou quoi ! Elle ne faisait que jouer, et toi…
Dans ces cas-là, l’expérience m’a appris qu’il vaut mieux faire profil bas. Que toute tentative de début d’explication est parfaitement inutile tant que la mère est sous le coup de l’émotion violente causée par les pleurs de « la chair de sa chair ». Qui plus est si le « simple » géniteur en est la cause. Ce qui était précisément le cas.
L’inconvénient de ce genre de scène sur une plage familiale, c’est qu’il y a d’autres familles autour de la sienne, chacune réunie sous son parasol-totem.
Je sentais le regard des autres mères de famille me transperçaient. Un mot de plus d’Isa et elles seraient venues à sa rescousse. Avec leurs faux culs de maris qui leur auraient prêté main-forte pour une fois qu’ils étaient du bon côté.
À ma grande surprise, ce fut Phil qui vint à ma rescousse en consolant sa « petite-fille » et en raisonnant Isa.
Au bout d’un quart d’heures de bouderies réciproques genre rocher des singes du zoo de Vincennes – les femelles d’un côté sous la protection du vieux mâle et le jeune mâle fauteur de trouble ostracisé dans son coin –, j’ai pu tenter de m’expliquer.
– Excuse-moi, mais j’ai eu une idée grâce à Philippine qui m’enterre et me déterre depuis plus d’une heure…
– C’est pas une raison !
– Je sais. Excuse-moi encore, et papa te demande pardon, ai-je ajouté à l’intention de Philippine.
Qui s’est violemment détournée de moi quand j’ai voulu lui caresser la joue.
– Méchant, papa !
Bref, nous avons replié le parasol-totem de notre clan et levé le camp.
Ce n’est qu’une fois la petite couchée après dîner qu’Isa m’a questionné.
– Alors, et cette idée géniale ?
Je n’ai pas aimé le ton goguenard employé par ma femme. J’ai toutefois passé outre.
J’ai fait simple.
– La fille du Sicilien est enterrée dans le cimetière de Caorches.
– Quelle nouvelle ! Mais tout le monde le sait…
– Oui, tout le monde, mais aucune des tombes ne porte son nom et l’une d’elles n’a pas de nom du tout.
– Alors, c’est la sienne ! conclut Phil triomphalement.
Isa a haussé les épaules.
– Si c’est ça tes idées, mon pauvre chéri…
J’ai préféré ne pas dévoiler mon intuition. Avoir sa femme capitaine à la Crim n’est pas toujours facile à vivre. Les flics de la Criminelle sont persuadés d’être les seuls pros du meurtre au détail ou en série.
Je me méfiais également de la réaction possible de Phil s’il apprenait que la Sicilienne n’était peut-être pas toute seule dans sa tombe.
Il était capable d’aller « fouiller » par-là dans la nuit.
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
Je souhaitais aller à Deauville, Phil préférait Honfleur – car il détestait ces plages de sable fin qui lui rappelaient ses vacances à La Baule avec sa mère – et Isa Cabourg.
Ce fut donc Cabourg en prenant la Twingo d’Isa.
Une famille d’aoûtiens moyens en vacances. De la pure détente et du plaisir simple. Dans l’amnésie la plus complète.
Phil était sur les pas de Proust – qu’il appréciait pourtant moyennement, « trop ampoulé » –, Isa bronzait en monokini, ses petits seins bien fermes à l’air, et moi je me faisais enterrer, puis déterrer, puis… etc., par ma fille.
J’étais couché sur le ventre, ma tête reposant sur mes avant-bras croisés pour plus de commodité et pour mieux contempler mon amour de femme.
Je me fis une réflexion toute bête d’homme amoureux tout en commençant de m’ensommeiller. Etre enterré à même la terre contre ma femme afin de rester enlacés pour l’éternité…
– Merde ! hurlai-je en sursautant et en me retournant sur le dos.
Renversant dans le même mouvement Philippine qui s’était juchée à califourchon sur sa « tombe » et se mit à pleurer de frayeur.
L’amour de ma vie me fusilla du regard et se leva d’un bond pour accueillir dans ses bras maternels sa fille en pleurs.
– Mais qu’est-ce qui te prend de crier après ta fille et de la bousculer comme ça ? T’es devenu fou, ou quoi ! Elle ne faisait que jouer, et toi…
Dans ces cas-là, l’expérience m’a appris qu’il vaut mieux faire profil bas. Que toute tentative de début d’explication est parfaitement inutile tant que la mère est sous le coup de l’émotion violente causée par les pleurs de « la chair de sa chair ». Qui plus est si le « simple » géniteur en est la cause. Ce qui était précisément le cas.
L’inconvénient de ce genre de scène sur une plage familiale, c’est qu’il y a d’autres familles autour de la sienne, chacune réunie sous son parasol-totem.
Je sentais le regard des autres mères de famille me transperçaient. Un mot de plus d’Isa et elles seraient venues à sa rescousse. Avec leurs faux culs de maris qui leur auraient prêté main-forte pour une fois qu’ils étaient du bon côté.
À ma grande surprise, ce fut Phil qui vint à ma rescousse en consolant sa « petite-fille » et en raisonnant Isa.
Au bout d’un quart d’heures de bouderies réciproques genre rocher des singes du zoo de Vincennes – les femelles d’un côté sous la protection du vieux mâle et le jeune mâle fauteur de trouble ostracisé dans son coin –, j’ai pu tenter de m’expliquer.
– Excuse-moi, mais j’ai eu une idée grâce à Philippine qui m’enterre et me déterre depuis plus d’une heure…
– C’est pas une raison !
– Je sais. Excuse-moi encore, et papa te demande pardon, ai-je ajouté à l’intention de Philippine.
Qui s’est violemment détournée de moi quand j’ai voulu lui caresser la joue.
– Méchant, papa !
Bref, nous avons replié le parasol-totem de notre clan et levé le camp.
Ce n’est qu’une fois la petite couchée après dîner qu’Isa m’a questionné.
– Alors, et cette idée géniale ?
Je n’ai pas aimé le ton goguenard employé par ma femme. J’ai toutefois passé outre.
J’ai fait simple.
– La fille du Sicilien est enterrée dans le cimetière de Caorches.
– Quelle nouvelle ! Mais tout le monde le sait…
– Oui, tout le monde, mais aucune des tombes ne porte son nom et l’une d’elles n’a pas de nom du tout.
– Alors, c’est la sienne ! conclut Phil triomphalement.
Isa a haussé les épaules.
– Si c’est ça tes idées, mon pauvre chéri…
J’ai préféré ne pas dévoiler mon intuition. Avoir sa femme capitaine à la Crim n’est pas toujours facile à vivre. Les flics de la Criminelle sont persuadés d’être les seuls pros du meurtre au détail ou en série.
Je me méfiais également de la réaction possible de Phil s’il apprenait que la Sicilienne n’était peut-être pas toute seule dans sa tombe.
Il était capable d’aller « fouiller » par-là dans la nuit.
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.