jeudi 30 octobre 2008

Noir Express : "Sans se salir les mains" (C. C. VII) par Alain Pecunia, Chapitre 7

Chapitre 7





Le mardi matin à mon réveil, je constatai que le fourgon de la gendarmerie stationnait toujours devant le portail. Mais ils n’étaient que deux.
Ils avaient veillé toute la nuit. Pour la « sauvegarde » des lieux, les techniciens devant encore effectuer des recherches dans le périmètre.
Les gendarmes voulaient également passer au peigne fin le jardin qui descendait derrière la maison des Berton jusqu’au bois sur une cinquantaine de mètres.
Ils pensaient que la victime avait été assassinée dans la maison même et qu’elle avait ensuite été transportée jusqu’à la lisière du bois.
Ils ne refusèrent pas le café que leur proposa Isa. Mais ils vinrent déjeuner à tour de rôle.
Vers neuf heures et demie, le reporter de L’Eveil normand demanda l’autorisation de photographier les lieux.
– Juste quelques photos…
Il fut éconduit sèchement. C’était trop tôt « pour ça ».
Le brigadier arriva sur ces entrefaites avec cinq hommes tous en battle-dress. Prêts pour le grand jeu de la chasse au trésor.
Il se montra cordial. J’en ai profité entre deux banalités courtoises.
– Dites, à propos, il n’y aurait pas de rapport entre Jacques Berton et la jeune fille dont les restes ont été retrouvés dans le champ il y a sept ans ?
Il était ahuri.
– Comment savez-vous ça ?
– Simple déduction, fis-je modestement.
– Mais personne n’est au courant !
– La prescription, tout simplement…
J’ai pris un air hyper mystérieux et il est reparti vers ses hommes en se retournant plusieurs fois vers moi.
Il a semblé hésité, fait demi-tour et est revenu sur ses pas à grandes enjambées.
– Surtout, n’en dites rien à personne. Je compte sur vous !
– Évidemment.
Je me suis frotté les mains de satisfaction tout en rejoignant Isa et Phil en grande conversation.
– Nous avons vu juste ! leur dis-je en les prenant chacun par le bras.
J’étais satisfait de ma formule. Elle ne faisait pas de jaloux.
Puis nous partîmes au ravitaillement en ville, Isa et moi.
Pour la première fois, je n’avais plus de petit pincement en confiant ma fille à Papy. Je savais que c’était un type bien. Un peu fantasque, bien sûr, ou farfelu, si l’on préfère, mais vraiment un type bien. Je m’étais bêtement fait des idées sur son compte. Surtout avec cette histoire de « saloperies » à brûler. Dont j’avais honte à présent.
J’avais également perdu cette jalousie idiote pour leurs petites complicités. Je comprenais mieux pourquoi Isa voyait en lui un père.
À notre retour vers une heure, la gendarmerie était toujours en grande fouille. Mais il y avait deux absents. Marcelle et Georges. Ce qui ne me surprenait pas. On ne risquait pas de les revoir de sitôt.
L’après-midi, après le départ temporaire des gendarmes qui voulaient s’atteler le lendemain à la fermette des Berton, pour la « faire parler », je me suis rendu avec Isa sur le lieu qui avait servi de sépulture provisoire à « M. Domi ».
Un gendarme de faction derrière la fermette nous héla et nous fit signe de rebrousser chemin.
Nous avons fait demi-tour et j’ai eu une idée en attendant d’en savoir plus sur les trouvailles de l’équipe du brigadier.
Je suis allé en voiture jusqu’au petit cimetière de Caorches, dans le bourg, à près de deux kilomètres de notre fermette. J’ai cherché la tombe de la fille de Patronicci. En vain. Je ne voyais son nom nulle part. Sur aucune dalle ou stèle. Trois sépultures étaient restées à l’état de motte de terre et deux d’entre elles seulement portaient le nom du locataire sur la croix de bois les surplombant. Ces deux-là étaient anciennes. La troisième semblait plus récente car la terre semblait avoir été fraîchement remuée. Et ce ne pouvait donc être celle de la fille du Sicilien puisqu’elle avait été enterrée il y a sept ans.
Mon idée ne m’avait mené nulle part et je suis retourné songeur à la fermette.
Le soir après dîner, nous avons décidé d’aller faire un tour à la mer le lendemain pour nous changer les idées.



© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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