vendredi 3 octobre 2008

Noir Express : "Sous le signe du rosaire" (C. C. VI) par Alain Pecunia, Chapitre 23

Chapitre 23





Au début de l’été, Isa m’a présenté son fiancé. Un flic, bien sûr.
Ça m’a fait un choc. « Tu n’es quand même pas son père ! » me suis-je dit pour me raisonner. Mais c’était pareil.
Un étranger, un intrus, venait m’enlever Isa. Avec son consentement, en plus.
Isa a senti mon désarroi.
– Ne t’inquiète pas, Phil, rien ne sera changé entre nous, m’a-t-elle dit en me tapotant la main.
Notre geste d’affection.
J’ai quand même failli pleurer.
Je l’ai dit au Dr Lévy.
– Tant mieux ! il m’a dit. Si vous l’aimez comme votre propre fille, elle vous donnera des petits-enfants…
Pas tout de suite, quand même ! me suis-je dit. Et puis, j’en ai rien à foutre d’avoir des petits-enfants. C’est Isa que je veux, moi. Et pour moi tout seul !
Mais je sens bien que c’est impossible. C’est Isa et son capitaine ou plus d’Isa du tout.
Et je ne peux même pas demander conseil à maman puisqu’elle est scotchée. De toute façon, pour ce qu’elle aurait à me dire…
Mais ça a quand même été vite. De mon point de vue tout au moins. Car Isa, elle, elle semblait plutôt pressée.
Ils se sont mariés en septembre.
Isabelle Cavalier qu’elle s’appelle maintenant.
On a fait la noce au Relais angevin. Soixante personnes. Que des policiers des deux sexes de grades divers et de tous les services – Stups, Criminelle, Mineurs, Mœurs, Renseignements généraux, DST… Et aussi le Dr Lévy qui nous a fait le grand honneur de sa présence. Mais il a semblé bouder la charcuterie. Pourtant, c’était du bon et sain cochon.
Mais on n’a pas vu la femme du patron ni Jean. Qui était souffrant ce soir-là.
Le patron, Gérard Langlot, il avait dû engager trois extras en plus de Momo pour faire face.
Jusqu’à l’aube, ça a duré. La sono à fond. Et les voisins, ils pouvaient toujours appeler les flics. Leur ronde, ce soir-là, ils l’ont faite en dansant sur les tables !
Et la petite, elle est née en août 2000.
Philippine qu’ils l’ont appelée. En mon honneur.
Qu’est-ce que j’ai pu pleurer ce jour-là à la maternité.
Comme le père était de service, ils ont cru que j’étais le géniteur. J’ai quand même refusé d’aller en salle d’accouchement. Isabelle aurait bien voulu, mais je n’aurais pas pu supporter de la voir nue. Surtout avec tout ce qui se raconte sur la perte des « eaux » et tout ce qui vient avec.
Bien sûr, je suis son parrain.
Elle est à la fois ma filleule et ma petite-fille.
J’ai encore beaucoup pleuré.
On a fêté sa naissance, avec les mêmes – et toujours sans Jean le serveur – au Relais angevin.
Heureusement que les flics ils ne se font pas d’alcootest entre eux !


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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