samedi 7 novembre 2009

Noir Express : "Sous le signe du rosaire (Le retour)" (C. C. XIII) par Alain Pecunia, Chapitre 5 (suite et fin)

Chapitre 5 (suite et fin)





Elle ne se fit pas prier pour raconter leur début de soirée dans une brasserie de la place de l’École-Militaire.
Oui. Elles n’étaient que toutes les trois.
– Nous étions inséparables.
Elles s’étaient ensuite rendues sur le Champ de Mars pour le feu d’artifice. À la hauteur de la place Jacques-Rueff. Puis Angeline les avait quittées. Elle avait envie de « faire pipi ».
– Je vous retrouve, avait-elle dit.
Mais elles ne s’étaient pas retrouvées et ses deux amies avaient pensé qu’Angeline avait dû rentrer directement chez elle.
– Elle était un peu fantasque, vous savez, dit Sabrina Claron.
Non. Isabelle Cavalier ne le savait pas.
– Et puis, on avait un peu bu et fumé un joint, vous savez.
Isabelle fronça les sourcils.
– Mais, je vous en supplie, ne le dites pas à mes parents, l’implora-t-elle.
Cette fausse nunuche commençait à lui taper sur le système.
– Tenez-vous à notre disposition comme témoin, jeta sèchement Isabelle Cavalier en prenant congé.
La jeune fille se figea.
– Vous êtes la dernière personne à avoir vu Angeline de Saint-Fort vivante.
– Mais, je ne suis pas la seule ! protesta Sabrina Claron.
– Je sais. Je vais d’ailleurs rendre visite immédiatement à votre amie Corinne Cangros.
Le capitaine Cavalier et le lieutenant Toussaint remontèrent la rue Amélie jusqu’à la rue de Grenelle.
Il était près de neuf heures quinze lorsqu’il sonnèrent à l’interphone de l’immeuble de la rue Duvivier où habitaient les Cangros.
Appartement cossu comme les deux précédents. Mais la décoration de celui-ci était minimaliste.
Les parents Cangros, tous deux hauts fonctionnaires. Madame au ministère de l’Éducation nationale, monsieur à l’Unesco.
Elle, quarante-sept ans, lui quarante-huit.
S’étaient connus à l’ENA.
Accueillants et paraissant sincèrement attristés.
Leur fille, Corinne, dix-sept ans, pleurait à chaudes larmes.
Elle était en terminale littéraire également. Même lycée et même classe que Sabrina Claron.
Mais Corinne parut à Isabelle Cavalier nettement plus sympathique que sa condisciple.
Son récit de la soirée recoupait celui de Sabrina Claron.
À quelques détails près. Comme le « joint ».
Les parents assistant à l’entretien, ça pouvait se comprendre.
Mme Cangros proposa une collation aux deux policiers.
Le capitaine Cavalier accepta avec gratitude.
Mme Cangros les traita avec une courtoisie désuète fleurant la vieille noblesse de province.
Isabelle remarqua, intriguée, une ressemblance de traits entre elle et Mme de Saint-Fort.
La conversation de Mme Cangros lui confirma son intuition.
– Nous sommes d’autant plus peinés que Mme de Saint-Fort est ma cousine. Mais elle est née de Pouldieu du Fouët et moi de Pouldieu du Guen.
Tandis qu’elle conversait avec la maîtresse de maison, Isabelle Cavalier nota que le lieutenant Toussaint semblait avoir conquis la sympathie de M. Cangros.
Ce dernier s’adressait à lui avec une certaine familiarité.
Les deux policiers remercièrent vivement les Cangros pour leur accueil et Isabelle tenta de trouver, en vain, des paroles réconfortantes pour la petite Corinne.
En débouchant dans la rue de Grenelle, Isabelle Cavalier fit part de son sentiment à Matthieu Toussaint.
– C’est curieux. Les deux gamines ont fait exactement le même récit…
– Vous vous faites des idées, capitaine.
– Vous croyez ?
– Elles ont simplement dit la vérité sans se jeter dans des digressions.
– Peut-être…, fit Cavalier pas pleinement convaincue.
Ils revinrent sur leurs pas pour reprendre la voiture d’Isabelle. Chacun dans ses pensées.
Cavalier la mine sombre. Toussaint l’air satisfait d’on ne sait quoi. Peut-être tout simplement de lui-même.
La visite qu’ils allaient rendre aux parents de la première victime ne l’enchantait guère. Elle se sentait épuisée.



© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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